« Arlis des Forains » de Mélanie Fazi

Dans son nouveau roman, Mélanie Fazi nous propose d’accompagner la quête d’identité d’Arlis. Recueilli dès son plus jeune âge par une troupe de forains, il ignore tout de ses origines. Son monde se compose des membres de la troupe, Emmet, Aaron, Lindy, Jared, Katrina ainsi que des animaux qui les accompagnent.

Quand leurs caravanes s’arrêtent à Bailey Creek, Faith, une des enfants de la ville, entre dans la vie du jeune héros. Il est d’abord fasciné par son regard, puis par sa peau couleur caramel. Fille de pasteur, elle connaît et détourne allègrement les écritures de la Bible pour les utiliser au cours de ses jeux. Elle s’est inventée une nouvelle déité : le Seigneur des moissons. Grâce à lui, elle peut revoir sa défunte mère en apparition.

L’absence de celle-ci, ainsi que les contraintes liées à la profession de son père, sont lourdes à porter pour cette enfant, mue par une colère qu’elle n’arrive à exprimer que par la révolte.

Dès leur première rencontre, Faith propose à Arlis de l’initier à ses rituels afin que son Dieu païen lui envoie des visions prophétiques et des rêves prémonitoires. Le jeune garçon, avide de la compagnie d’une enfant de son âge la suit aveuglément dans cette entreprise. Bientôt, il commence à entendre une musique lointaine et à entrevoir des revenants. La sensation qu’il éprouve à cette occasion lui est familière, mais il n’arrive pas à savoir pourquoi. Cette nouvelle expérience lui permet de prendre du recul par rapport à la troupe de forains. Il les regarde différemment et se rend compte des blessures morales et physiques de chacun. Il comprend mieux les accidents de parcours de ses compagnons de voyage mais se pose de plus en plus de questions quant à son arrivée parmi eux. Il est un invité dans la troupe et il le sait ; Il n’a pas de véritable famille.

L’auteur dépeint brillamment les émotions, les craintes et les interrogations de son personnage principal. Malgré tout l’amour qu’Arlis porte à celle qui l’a adopté et élevé, il ne peut s’empêcher d’être attiré par un ailleurs, un endroit où il se sentirait reconnu de tous, où des parents l’attendraient.

Comme à son habitude, Mélanie Fazi nous régale de son écriture entraînante et de son talent pour instiller tout doucement l’élément fantastique dans une histoire. Elle prouve également, si besoin était, qu’elle maîtrise parfaitement la thématique des traumatismes de l’enfance et surtout,à l’instar de Trois pépins du fruit des morts, la relation parentale conflictuelle. Par extension, elle pose la question de l’adoption et de ses conséquences psychologiques sur les enfants quand cette dernière est mal vécue par l’un des parents. Arlis des forains est un roman de qualité qui mérite toute l’attention des lecteurs.

Chronique de Frédérique Mounier