« Au Champ du Déshonneur » de David Weber

auchampdudeshonneur_davidweberLe premier contact fut assez rêche. Je ne connaissais pas la série de David Weber, dont c’est le quatrième volume traduit en français (les trois premiers sont : Mission Basilic, Pour l’honneur de la reine et Une guerre victorieuse et brève, tous chez l’Atalante).

La série, rassemblée sous le titre « Honor Harrington », narre, devinez quoi?.. la vie d’Honor Harrington. Ils se suivent donc chronologiquement. Prendre la série à son quatrième opus, c’est un peu comme lire la biographie de Napoléon en commençant en 1805, entre Ulm et Trafalgar, ou celle de Victor Hugo en 1851, juste avant l’exil! Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il vous manque tout un faisceau de références, ce qui n’aide pas à entrer en phase avec le personnage principal. Mais l’auteur est habile, et réussit à camper son personnage de façon subtile et précise. Il nous rappelle également les événements antérieurs qui sont pertinents dans la narration actuelle, ce qui permet au lecteur néophyte de rentrer petit à petit dans l’histoire. Je me suis donc laissé prendre au jeu, et après deux ou trois chapitres où l’intérêt de continuer m’échappait, j’ai commencé à éprouver un réel plaisir. Mais c’est plus laborieux, on sent bien que l’on a « loupé» quelque chose, et il y a une frustration à ce niveau. De plus, je ne suis ni particulièrement militariste, ni vraiment royaliste, plutôt l’inverse, même: autre handicap !

En effet, l’histoire se passe dans une société future où l’Homme a quitté la Terre et fondé toute une pléiade de colonies plus ou moins autonomes, après une diaspora intervenue en 2103 de notre ère. La plupart des planètes (23 au moins) sont dans le giron du Royaume de Manticore, une quinzaine d’entre elles est neutre, et la demi-douzaine restante est sous la coupe de la République de Havre. Celle-ci constitue l’ennemi. Elle est décrite plus comme un régime instable mené par des généraux belliqueux que comme une réelle république. A croire que l’auteur, ouvertement monarchiste (constitutionnel, bien sûr) considère que c’est le, seul régime stable… et juste. A ce propos, le parallèle avec le système anglais, et l’évidente nostalgie du Commonwealth, symbole de la grandeur du royaume, transparaît un peu trop. Havre, donc, ne cesse de vouloir faire la guerre à Manticore. Au cours d’un affrontement, Honor a fait une faute de commandement, mais sa décision a permis de gagner la bataille en cours. Son ennemi personnel, Lord Pavel Young, a carrément fuit avec son escadre, et a failli tout foutre par terre! Il est accusé de désertion, et chassé de l’armée. Mais il reste un pion important sur l’échiquier politique (dans l’opposition, bien sûr) et il va essayer de détruire Honor avec toute la veulerie et la fourberie qui le caractérisent! Elle va alors se retrouver au milieu d’une crise politique, obligée de choisir entre son honneur personnel et son dévouement à la couronne, voire son avenir professionnel !

Le personnage de Honor Harrington est un archétype : le militaire idéal, qui « prouve» que l’on devrait laisser les femmes s’occuper de la guerre. Elle est intelligente et intuitive, pressentant plus que calculant ses actions; d’un sens moral incorruptible doublé d’un patriotisme indéfectible, inflexible et sans peur dans l’action, sensible et juste dans ses relations humaines. Séduisante bien que blessée, son charisme ne peut provoquer que l’adoration ou la haine; la perle, quoi!

L’action est plutôt limitée, l’intrigue manichéenne et sa portée très superficielle. Il ne faut pas chercher de la profondeur au récit. C’est une tranche de vie. Celle-ci est extraordinaire tout simplement parce que le personnage est extraordinaire, pas parce qu’il lui arrive des choses extraordinaires. Ce sont les réactions de ce personnage, et celles qu’elle suscite, qui font l’intérêt de la narration, pas les événements eux-mêmes. La maîtrise du narrateur nous fait pénétrer dans l’intimité de cet être d’exception et nous donne envie de partager sa vie, de suivre son combat pour la survie. D’où l’intérêt encore– de lire la série dans l’ordre.

Un roman au final bien écrit, développant son intrigue avec logique et suspense, narrant l’évolution d’un personnage attachant, avec sensibilité. Si l’on ne cherche pas plus loin, on passera un agréable moment de détente

Chronique de Jean-Luc Perrot

Éditeur L’Atalante
Auteur David Weber
Pages 442
Prix 18,15€

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