« Les perles d’Allaya » de Gabriel Ferraud

S’il y a bien un genre difficile à aborder pour un lecteur expérimenté, c’est l’Heroïc fantasy, tant, de par ses codes mêmes, elle fait appel à l’indulgence du lecteur : héros invincibles et un brin machos, monstres terrifiants, quête sans espoirs de trésors fabuleux… toutes choses potentiellement hautement excitantes, mais qu’il est très difficile aujourd’hui d’aborder sans vite paraître ringard ; plus que pour d’autres genres, c’est vraiment grâce au talent du conteur, que le lecteur choisi ou non de se laisser entraîner.

On l’aura compris, Les Perles d’Allaya est de ceux-là. Il est d’ailleurs étrange de voir combien son auteur présente le roman et son personnage principal, Munde Shayapan, comme une parodie de Conan ; ce roman est tout sauf une parodie, c’est un hommage. Et un très bel hommage, d’ailleurs, sans doute la surprise en fantasy francophone de la fin d’année 2007.

L’histoire en elle-même est très classique : Munde Shayapan, rude barbare venu des plaines, est devenu à force d’exploits le Héros de Béliotora, légende vivante du Royaume du Dashan, vénéré par (presque) tous comme un dieu ; mais cette charge et les années passées à la porter lui pèsent. Voilà pourquoi il s’accoquine avec le Radjah Mustak Dorayesh pour que ce dernier organise un immense tournoi, afin de sélectionner les meilleurs guerriers qui pourront se joindre au Héros dans sa quête des fabuleuses Perles d’Allaya, dont il n’a pas l’intention, du moins « Officiellement », de revenir vivant…

Trame très classique, donc. Le roman pourrait faire juste un petit tour sur les étals des librairies, mais ce serait une profonde injustice, car il est littéralement bourré de qualités. Gabriel Ferraud se révèle, dés son premier roman publié, un excellent conteur, ne rechignant pas à créer un monde avec toutes ses coutumes, très influencé (et ce n’est même pas caché) par l’Orient. Monde très masculin voire machiste, où les femmes ne peuvent pas trouver leur place ; Mais le roman évite largement cet écueil, en se concentrant sur l’aventure elle-même de Munde Shayapan. On reconnaîtra aisément dans cette montagne de muscles toujours sur le qui-vive, entreprenant et galant envers les femmes, méfiant mais loyal et d’une rage incroyable au combat, le personnage de Conan. Le roman se positionne clairement comme un hommage, mais n’en de vient pas pour le moins désuet ou daté : avec toutes les réflexions politiques qui entourent le Héros de Béliotora, toute la description de l’univers que Howard, lui, évitait soigneusement pour se focaliser sur la seule quête, tout en gardant ce qui faisait l’immense force des aventures du cimmérien, le côté épique, l’auteur des Perles d’Allaya dépoussière le mythe de fort belle manière. Doté d’un très bon sens narratif, surtout lors des scènes d’action où même le « vieux » lecteur ici présent se dit qu’il a envie d’y être, Gabriel Ferraud va devoir faire fort pour dépasser le niveau de ce premier roman. Une totale réussite, à ranger non loin d’un Féérie pour les ténèbres au firmament de la nouvelle fantasy française.

 

Chronique de Olivier ‘1091’ Bourdy

Éditeur Mille saisons
Auteur Gabriel Féraud
Pages  349
Prix 20€

A propos de Richard

"Ça mériterait un bon coup de pinceau" que j'ai eu la folie de dire. "Tiens voila les clés" fut leur réponse. Voila comment on se retrouve webmaster chez PdE...

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