« Merfer » de China Miéville

La Merfer recouvre l’essentiel de ce monde. Son réseau de rails dense, auquel on ne connaît ni début, ni fin, dont nul ne sait l’origine, est la seule voie pour les hommes sur une Terre devenue propriété d’un bestiaire terrible et fantastique, aux proportions démentes et à l’appétit vorace. S’aventurer hors des rails est impossible : de monstrueux animaux surgissent des entrailles de la terre et dévorent les imprudents.

Parmi ces créatures, la gigantesque taupe albinos, Jackie La Nargue. À ses trousses, le Mèdes, un train taupier mené par la capitaine Picbaie, qui traque sa philosophie telle une obsession depuis qu’elle a emporté son bras.

À ses côtés, le jeune orphelin Sham découvre l’univers de la chasse, ses dangers, ses drames, son côté excitant. Même si son rêve à lui, c’est être exhumeur, de ceux-là qui cherchent et revendent les objets anciens, insolites, témoins d’un monde disparu. À bord d’un train déraillé, Sham tombe sur des photos incroyables qui montrent une unique voie, menant vers l’inconnu. Les légendes parlent bien de cette voie unique, mais comment pourrait-il y avoir quelque chose au-delà de la Merfer ? Poussé par la curiosité, l’adolescent va se lancer tête baissée dans une folle expédition qui le conduira jusqu’au bout de la Merfer, à l’endroit où vivent les anges…

Roman post-apocalyptique ? Sans doute. Accents de Moby Dick ? Absolument. Airs de Transperceneige ? Aussi. Roman d’apprentissage ? Certainement. Souvenirs de Dune ? Oui. Mais l’important n’est pas là.  Peu importe à quoi ce roman semble ressembler ou faire penser, c’est encore autre chose que nous propose l’auteur : un monde incroyable, fascinant, original, que son imagination façonne au fil d’une langue pleine d’inventivité. Miéville invente des mots, certes, mais pas seulement pour le plaisir des sons, il fait sens nouveau pour ses trouvailles (les « traîneux » ne sont pas des gens un peu lents, mais les équipiers des trains taupiers). Il joue avec le lecteur, expose le narrateur à son gré, et casse les codes pour mieux nous harponner.

L’univers proposé ici est incroyablement foisonnant et intriguant, d’autant que Miéville ne donne pas vraiment d’explications sur ce qui a pu conduire l’humanité sur ce chemin, préférant laisser l’imagination du lecteur trouver ses propres réponses.

L’intrigue se révèle captivante, servie par des personnages soignés, à la profondeur indéniable. De révélations en bouleversements, le rythme ne faiblit pas,  jusqu’à une fin surprenante.

C’est un roman souvent divertissant, toujours étonnant, parfois grave dans ce qu’il offre à réfléchir sur le rapport à l’autre et à soi-même, et plein d’inventivité. Un vrai, bon, excellent livre de SF !

A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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