« Millecrabe » de P.-J. Hérault

Présenté comme une uchronie, puisqu’il se passe dans un monde où Napoléon Bonaparte a réalisé une république européenne dont la capitale serait Kiev, où le rôle de l’Allemagne nazie est tenu par une Chine modernisée par son dictateur, ce roman est apparemment, d’abord, l’histoire de quelques héros, cousins et amis, plongés dans la guerre qui est en train d’anéantir leur monde.

J’avais expliqué à P.-J. Hérault, après lecture du début de la première version pourquoi je classe ce roman dans le genre univers parallèle et non dans l’uchronie : l’auteur n’envisage pas les conséquences possibles d’un changement historique, il imagine un monde différent en partant du monde dans lequel il veut placer son histoire et en modifiant les préalables historiques de manière à le justifier. Cela donne donc une autre forme de spéculation, de « Et si… ? », que je préfère distinguer de l’uchronie.

Il y a donc dans le cadre de ce récit plusieurs hypothèses dont on peut contester la vraisemblance, mais qui ne contribuent pas moins à donner une situation intéressante, au moins comme distraction. Dans cet univers, Napoléon a évité le piège de la poursuite des armées russes en 1812 en se repliant sur Kiev pour y créer une République d’Europe, avec une constitution adaptée aux différents peuples concernés, et a ainsi réussi à étendre cette république jusqu’en Sibérie et à faire disparaître les différentes monarchies, au moins sur une partie du continent. Que cette république emploie le français comme langue commune malgré sa capitale ukrainienne, et qu’elle présente les défaut des la Troisième République de notre continuum n’en demandent pas moins une suspension d’incrédulité assez forte.

Nous sommes donc en 1945 dans ce monde. L’Europe a déjà connu deux guerres avec la Chine, celle de 1880 qui a donné à la Chine le contrôle de la Mongolie, celle de 1915-1920 qui a vu la disparition de l’Empire en Chine et la reconquête de la Mongolie. Ce roman nous montre la nouvelle guerre lancée en 1945 par le dictateur chinois pour éradiquer les « races inférieures », les non-chinois, du continent euro-asiatique.

Un autre élément important du roman est d’ailleurs la « famille » Clermont, qui a toutes les caractéristiques d’une fraternité de type franc-maçonnerie, à commencer par des règles morales assez strictes et un sens élevé de la solidarité, jusqu’au rejet et aux calomnies qui la visent…

Enfin le troisième élément de cette fiction est l’insistance sur les qualités (et les défauts) de l’armée, de la hiérarchie, du respect des règles (et parfois de la nécessité de les violer). Ce n’est pas par hasard non plus que P.-J. Hérault s’amuse à rappeler les différents matériels réels de la guerre de 39-45 ici légèrement décalée dans le temps ; il s’agit pour lui de la transposer dans le nouveau contexte.

Dans le premier volume, les pays non impliqués dans la guerre (États-Unis, Royaume-Uni, pays scandinaves, pays d’Amérique du Sud, Indonésie – mais visiblement l’Afrique n’intéresse pas l’auteur – sont présentés de façon assez caricaturale. Nous sommes dans un autre univers, alors la suspension d’incrédulité peut bien s’appliquer à eux aussi.

J’attends donc la suite et la fin de ce roman pour en savoir plus. En espérant toutefois que l’intervention d’un correcteur évitera certaines horreurs, comme le remplacement fréquent d’un couple de virgules par des points-virgules totalement aberrants dans la phrase.

Millecrabe (nouvelle version en deux volumes)
P.-J. Hérault
Éditions Atlantis – coll. « SF/Uchronie » – 2016
665 pages – 26 euros

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