« Ronde de nuit » de Terry Pratchett

Ronde de nuit est le 28ème (!) tome d’une série en apparence consacrée à l’héroïc-fantasy mais en réalité très ancré dans la science-fiction (Note du chef de rubrique : l’auteur de la critique est seul responsable de ses affirmations 😉 )… à la différence que Terry Pratchett est un genre à lui tout seul !

L’auteur ajoute à son humour décalé (et très anglais) une bonne dose de cynisme.
Jugez plutôt : l’univers du Disque-monde est porté par quatre éléphants (Bérilia, Tubul, Ti’Phon et Jérakine), eux-mêmes transportés sur la carapace gelée d’une « tortue stellaire géante » (A’Tuin), filant dans l’espace, venant de nulle part et allant vers nulle part… Sur ce monde rond et plat, avec le moyeu en guise d’Olympe, Terry Pratchett a développé un univers médiéval complexe et totalement loufoque.

La cité d’Ank-Morpok, où se déroule l’action du livre, est la plus grande des villes du Disque-monde. Les envahisseurs et les barbares y sont accueillis les bras ouverts. En effet, une fois qu’ils ont dépensé tout leur argent dans les tavernes et se sont fait voler leur chevaux, ils deviennent une minorité de plus au sein de cette ville, dirigé par un Patricien qui a endigué le crime (mais pas la corruption !) en créant des guildes. Ainsi il existe la guilde des assassins (très utilisée par les nobles politiciens), la guilde des voleurs, la guilde des marchands (comme les voleurs, mais avec moins de morale), la guilde des demoiselles « à l’affection négociable » (je vous laisse deviner), etc… En contrepartie, chaque guilde doit gérer son quartier selon des normes établies par le Patricien (avec retour sur investissements, bien entendu).

Et justement, Ronde de nuit décrit le fonctionnement d’un poste de police (le Guet) dans le Quartier de la Rue de la Mélassière. Sam Vimaire, Duc et Commissaire Divisionnaire du Guet, se retrouve projeté accidentellement dans son propre passé avec l’assassin qu’il poursuivait (comme quoi il est dangereux de se promener sur les toits de l’Ecole de Magie quand on sait que les magiciens ne maîtrisent pas leur art et le comprennent à peine). Bref, le cours de l’histoire est modifié (et modifiable), et le Commissaire Sam Vimaire se voit obligé d’enseigner les rudiments du métier de Garde du Guet à un jeune homme nommé… Sam Vimaire ! Le tout à l’aube d’une révolution qui verra naître la très éphémère « Glorieuse République Populaire de la Rue de la Mélassière » (devise : « L’amour au juste prix »), et qui cherche à chasser un Praticien dingue et parano, appuyé par l’armée et des policiers tortionnaires (Les Innommables).

La geste est haute en couleurs, mais elle n’a rien d’héroïque ! Les policiers du Guet sont pleutres, corrompus et incompétents, mais certains révèleront de vrais qualités « de service public » (comme l’on dit dans notre univers) au milieu de la bataille. L’action est omniprésente, au point que le lecteur cherche son souffle au bout d’une centaine de pages (445 pages sans un seul chapitre…). Mais l’on rit (et c’est l’essentiel), et même beaucoup ! Entre la petite et la grande histoire, entre les vrais lâches et les faux héros aux noms impossibles, Terry Pratchett ironise cruellement sur la nature humaine en général et la vie politique en particulier, et c’est jouissif ! Le Canard Enchaîné chez Donjons & Dragons… Seul Sam Vimaire apparaît irréel et décalé, tellement il est bourré de qualités… hors du temps en fait !

 

Chronique de Jean ‘370’ Cesbron-Lavau

Éditeur L’Atalante
Auteur Terry Pratchett
Pages  448
Prix 18,90€

A propos de Richard

"Ça mériterait un bon coup de pinceau" que j'ai eu la folie de dire. "Tiens voila les clés" fut leur réponse. Voila comment on se retrouve webmaster chez PdE...

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