« Swastika night » de Katharine Burdekin

Sept cents ans après la victoire d’Hitler, le Saint-Empire germanique a soumis la moitié du monde à l’idéologie nazie. L’empire est fondé sur une hiérarchie très stricte de type féodale : les chevaliers et les nazis sont les maîtres, les non-Allemands (qui ne peuvent accéder au statut de nazi) une main-d’œuvre servile. Quant aux femmes, elles ont été rabaissées au rang de reproductrices et réduites à l’état animal. Hitler est un Dieu-né, un colosse de 2m10 aux cheveux blonds, la société repose sur l’ignorance et la superstition. La culture est bannie (hormis la musique, toujours sacrée). Tous les livres, à l’exception de la bible d’Hitler, ont été brûlés, le passé totalement occulté.

Alfred est un mécanicien anglais, en pèlerinage en Allemagne ; il passe saluer Hermann, un jeune nazi qu’il a rencontré en Angleterre et avec lequel s’est nouée une relation qui ressemblerait à de l’amitié si elle était possible entre Allemand et étranger. Témoin d’une violente rixe, il est conduit devant le Chevalier Von Hess, maître de la région. Ce dernier perçoit en lui une intelligence aiguë et une volonté hors du commun, et décide de lui confier son secret. Alfred apprendra vite que la détention de la connaissance et de la vérité se paye d’un prix terrible.

Swastika night, rédigé en 1937, en pleine montée du nazisme, est une uchronie terriblement prémonitoire. L’auteure a parfaitement compris l’idéologie à l’œuvre chez les nazis et les conséquences que leur victoire pourrait avoir. Son univers futuriste est désespéré : aucun progrès, aucune évolution, mais au contraire un système concentrationnaire, où les vertus militaires et guerrières tiennent lieu de règles de vie. Reléguées au rang d’esclaves sexuelles destinées uniquement à perpétuer la race, les femmes finissent par ne plus mettre au monde que des garçons, menaçant l’équilibre de l’empire. Son héros a conscience qu’on lui ment, mais ne commencera à approcher la vérité qu’avec la révélation du chevalier. Elle va lui permettre d’interroger ses certitudes, de remettre en cause tous les fondements de cette société. Et si cette quête de la vérité s’avère douloureuse, elle laisse aussi entrevoir une lueur d’espoir et la chute de ce système honni.

Excellente initiative que la publication de ce texte injustement oublié ! L’écriture précise et incisive, les personnages très bien campés, la description sans concession d’un univers monstrueux font de cet ouvrage une lecture glaçante certes, mais indispensable. L’auteure réussit par ailleurs l’exploit d’écrire une histoire profondément féministe, quasiment sans aucun personnage féminin, hormis dans les toutes dernières pages. Pourtant, l’horreur de la condition des femmes et les répercussions terribles que cette condition a sur toute la société sont bien présentes tout au long du roman.

Swastika night
Katharine Burdekin
Éditions Piranha – Collection Incertain futur – octobre 2016
240 pages –  17,90 euros

A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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