« La Voix du sang – Blood Song – 1 » de Anthony Ryan

Prisonnier de l’empire alpiran, Vaelin Al Sorna embarque en compagnie du scribe impérial pour la capitale de l’archipel meldénéen, où il doit affronter leur champion, le Bouclier. Et mourir. Malgré sa haine pour celui qui a tué son ami, l’héritier vénéré de l’empereur, le scribe incite le héros boréen à lui conter sa version des faits.

Au fil de son récit, on suit ainsi l’éducation d’un jeune garçon qui devient un homme, élevé à la dure parmi les frères du Sixième Ordre, qui combat pour défendre la Foi. On partage son incompréhension et sa souffrance d’avoir été abandonné à l’Ordre par son père, le célèbre Seigneur de guerre du Royaume Unifié, ses amitiés naissantes avec les garçons de son groupe qui vont devenir sa seule famille, sa volonté de réussir les épreuves qui scandent son apprentissage de guerrier. Comme celle de la Nature, où, pris pour cible, il tue son premier homme à l’âge de onze ans et croise un loup étrange.

Comme on le voit, on retrouve le schéma classique du récit initiatique propre à de nombreux romans d’heroic fantasy. Mais l’ambiance du roman et sa structure narrative, avec son récit-cadre, évoquent « La Chronique du Tueur de Roi » de Patrick Rothfuss ou bien encore, pour d’autres raisons, La Voix de la Colère d’Antoine Rouaud ou Le Chevalier de Pierre Pevel, tous publiés chez le même éditeur, ce qui n’est sans doute pas un hasard. Le temps des héros solaires est terminé, on a bien conscience que massacrer à tour de bras ses ennemis n’est pas fondamentalement joli joli. Du coup, dans cette heroic fantasy récente, on présente le protagoniste de manière négative, et tout le roman va avoir pour mission de le « racheter » ; on ajoute une couche de mélancolie, un voile de tristesse, une culpabilité et une atmosphère de fin de règne qui a le double mérite de donner de la maturité aux romans, de la profondeur aux héros et de permettre de renforcer la tension dramatique d’un récit d’aventures linéaire grâce à la prise en charge de ce dernier par le récit cadre. Le surplomb que cela permet offre aussi l’avantage de conserver à ce type d’histoires leur aspect rassurant, rôle qui était trop souvent assuré auparavant par une prophétie énoncée dans le prologue.

Le roman d’Anthony Ryan est un de ces « page turner » qu’on dévore, parce qu’à l’action omniprésente, il mêle habilement la découverte progressive d’un monde riche et plus complexe qu’il n’y paraît et l’accès à l’intériorité de personnages humains, dont les pensées, les émotions sont crédibles et bien rendues. À cela s’ajoute le fait qu’il permet une réflexion sur l’interaction entre pouvoir politique et pouvoir religieux, sur la violence et la guerre, sur l’amour et l’amitié, sur la manipulation, le devoir et la trahison. Au terme du livre, l’histoire trouve son dénouement. Le lecteur est donc doublement comblé, car il sait que d’autres tomes vont suivre. Bref, un cocktail explosif, avec un héros dont l’humanité nous touche et nous attache à lui. Vivement la suite !

A propos de François

Infatigable, inaltérable, François est responsable des ateliers d’écriture du Club Présences d’Esprits depuis 1998. Ses relations privilégiées avec les auteurs lui permettent de parfaitement connaitre cet univers. Il a aussi commis et participé à quelques anthologies dont le Club n'est pas peu fier, et se retrouve régulièrement de l'autre côté avec quelques nouvelles publiées.

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