En 1990, avec La Bohême et l’ivraie, Ayerdhal crée l’Homéocratie, empire galactique regroupant 260 planètes-États, qu’il va explorer à travers d’autres récits, dont deux novellas parues l’une dans Galaxies 3 (1996), l’autre dans La Logique des essaims (2001), qui viennent d’être rééditées, avec quelques remaniements et sous une couverture de Gilles Francescano, l’illustrateur préféré de l’auteur. La préface et l’interview d’Ayerdhal à la fin du recueil permettent à ceux qui n’ont pas lu La Bohême et l’ivraie de comprendre cet univers, présenté ici trois siècles plus tard.
« La Troisième Lame » se déroule sur Mélig. Le secrétaire du Gouverneur de ce protectorat est assassiné alors qu’il envoie le signal d’alerte 3 (risque de rébellion). L’Homéocratie envoie Anthelm pour identifier et neutraliser les indépendantistes. Il devient l’amant d’Élélinar (élue maire de la capitale) et aide Remenco, chef de la police locale, à chercher l’assassin. Le Médiateur dispose d’un atout secret : en tant que « kineïre », il s’introduit dans les rêves et projette ce qu’il veut dans les subconscients de toute la population.
Dans La Bohême et l’ivraie, ce don a permis aux artistes de créer des œuvres jouant sur toutes les perceptions, tout en démasquant les méthodes dictatoriales de l’Homéocratie et en obtenant une certaine liberté d’expression. À présent, cette mutation semble servir surtout à contrôler les colonies. Cependant l’Homéocratie est un panier de crabes où chacun joue son jeu. Commission, Département et autres services se trompent les uns les autres. Qui manipule qui ? Anthelm est doué, mais jeune dans le métier. Y verra-t-il clair ? Pourra-t-il concilier sa part d’idéalisme et sa sympathie pour les Méligans avec sa mission ?… Le récit s’achève sur une citation édifiante : il y est question des « troisièmes couteaux », à savoir ceux qui font le sale boulot pour le compte d’une mafia au pouvoir…
Pollinisation a pour cadre un autre protectorat : Maricya dont l’Homéocratie veut faire Novel. Suite à une rébellion, cette planète a subi une dure répression. Depuis la fin de la Loi martiale, les Maricyans vivent en autarcie, hors de portée de l’administration concentrée autour de Sarek. Naturalisé et partageant l’idéal des Maricyans, le narrateur, Yoon, épouse Natifa, immigrée qui ne veut plus quitter ce monde. En sa compagnie, elle découvre une utopie anarchiste et écologiste où les abeilles jouent un rôle inattendu et fait comprendre à ses nouveaux amis que l’Homéocratie ne renoncera pas à mettre leur monde en coupe réglée. Reste à savoir qui manipule qui et qui aura le dernier mot… Ici encore, derrière l’invention d’un monde original, Ayerdhal s’attache à démasquer les mécanismes du pouvoir et s’interroge sur la possibilité d’une société idéale.
Chronique de Marie Renée Lestoquoy
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4.2
Ici encore, derrière l’invention d’un monde original, Ayerdhal s’attache à démasquer les mécanismes du pouvoir et s’interroge sur la possibilité d’une société idéale.