Enfin de la science-fiction développée à partir d’éléments techniques que nous côtoyons quotidiennement, profitons-en. Cet ouvrage est le dernier de la trilogie « Singularité » imaginée par Robert J. Sawyer et composée des romans Veille, Éveil, Merveille. C’est une approche innovante de l’intelligence artificielle. À la suite d’un blocage d’Internet par les autorités chinoises, des paquets de données hétérogènes se sont érigés en une entité pensante répartie, Webmind, bénéficiant des ressources intellectuelles de la Terre entière.
Catlin, le personnage principal, est une jeune fille qui a recouvré la vue à l’aide d’un implant très particulier qu’elle a reçu d’un professeur japonais rencontré sur le Web. Sa synergie avec Webmind forme un couple mécano-humain plein de promesses. Dans une conception assez darwinienne, il évolue constamment dans le but de faire progresser l’humanité.
Cependant, des responsables au plus haut niveau des institutions considèrent que Webmind s’apparente à Big Brother et qu’il voudra tôt ou tard s’emparer de la planète. Ils vont lutter contre ce nouveau maître avec, hélas pour eux, les moyens de communication du Web. D’une certaine manière les dés sont pipés et même si le type d’informations utilisé par Webmind, des paquets de données au marquage particulier, est découvert, il devrait néanmoins parvenir à survivre et prouver qu’il n’est pas le monstre redouté.
C’est un roman pour rêver, un roman où la technologie tient une place vraisemblable. L’existence de paquets de données pervers circulant sur le réseau Internet n’est pas aberrante et l’émergence d’une entité intellectuelle rappelle les recherches sur l’intelligence artificielle qui, jusqu’à présent, n’ont pas donné les résultats espérés. Ainsi la greffe d’un dispositif électronique dans l’œil d’une aveugle semble aujourd’hui du domaine du possible, sa liaison électromagnétique avec l’environnement, dont Webmind, est tout à fait envisageable. La surveillance et l’enregistrement de millions de communications est déjà d’actualité et la puissance des ordinateurs répartis dans le monde augure d’un traitement intellectuel au-delà du possible.
Sur le plan de l’imaginaire technique, ce roman est donc réussi, mais son succès est moins affirmé dans le domaine social, quoiqu’il soit empreint de culture générale et utilise de nombreuses références historiques. En dépit de quelques descriptions intéressantes, comme celles des hackers qui retournent leurs vestes, de multiples considérations philosophiques freinent l’action même si elles ne manquent pas, cependant, de faire réfléchir le lecteur. On trouve également exposés des problèmes de société, parmi lesquels le préservatif et l’avortement tiennent une bonne place avec un certain prosélytisme de l’athéisme dont la tendance utopique étonne – mais n’est-ce pas la manie de la Science-fiction lorsqu’elle se veut anticipative ?
Pour garder une ligne vigoureuse à son roman, Sawyer n’hésite pas à frôler l’absurde ou l’irréel, ainsi la dissolution du gouvernement chinois s’effectue en quelques heures !
Le point d’orgue du fantasmagorique surgit vers le milieu de l’ouvrage avec un singe, Chobo, qui prend la parole devant l’assemblée des Nations Unies ! Est-ce un pied-de-nez à la politique et ses mandataires ? Représenter par un singe la plus forte entité intellectuelle du monde est plus qu’une boutade.
Malgré l’ingénuité de sa conclusion ce roman reste profondément humain, cette jeune aveugle qui a recouvré la vue et conserve les schémas de Webmind nous garde confiants dans les possibilités d’avenir de notre civilisation.
C’est un vrai livre de Science-fiction à mettre entre toutes les mains.
Chronique de Gérard Bouyer
Nous en pensons ...
Notre avis
3.9
Malgré l’ingénuité de sa conclusion ce roman reste profondément humain, cette jeune aveugle qui a recouvré la vue et conserve les schémas de Webmind nous garde confiants dans les possibilités d’avenir de notre civilisation. C’est un vrai livre de Science-fiction à mettre entre toutes les mains.