« Retrobabylon, dimension New-York-1 » anthologie présentée par Philippe Ward

New York, ville mythique, ville monde, ville rêvée et imaginée, fantasmée ou cauchemardée… À l’image de cette métropole cosmopolite, Babel multiculturelle, emblème d’un ailleurs accueillant ou d’un futur angoissant, cette anthologie présente une multitude de regards, des nouvelles qui touchent à tous les genres, dans un éclectisme réjouissant.

Nous avons tous en tête des représentations de New York les gratte-ciel qui portent si bien leur nom, Central Park, Harlem et le Bronx, Brooklyn ou Staten Island. C’est donc aussi un tour de force de nous embarquer dans un univers si familier et si totalement étranger à la fois.

Le recueil s’ouvre avec un texte sombre, sobrement intitulé Entrailles, de Daphnis Olivier Boelens, une plongée hallucinée au cœur de la ville, au plus profond de l’abjection, là où règne la lumière…

Une bonne façon d’entrer dans la cité, de sentir ses pulsations, avant un retour aux sources orchestré par Philippe Lemaire, qui en profite pour nous révéler l’origine du nom Manhattan dans Chronique Manna-hata, en décrivant les premiers contacts entre les Indiens habitants de Manhattan et les colons européens, mâtinés ici de vampirisme, par la présence de Radu Dracula.

Dans Brisants New Yorkais, Patrick Planès nous plonge au cœur de la thématique des vagues d’immigration avec un texte qui raconte les tribulations de deux jeunes Irlandais, tout juste débarqués à New York, qui souhaitent rejoindre la Colombie-Britannique, pour satisfaire leur fièvre de l’or ; ils vont découvrir la guerre de Sécession, le racisme qui se développe parmi les Américains, pourtant arrivés de fraîche date, mais qui s’élèvent contre les nouveaux envahisseurs, et surtout contre les noirs qui leur prennent leur travail… Le seul reproche que l’on peut faire à ce récit est que le format de la nouvelle est trop étriqué pour lui, il mériterait un développement plus long !

Toujours au chapitre des légendes, François Darnaudet revisite celle du Cavalier sans tête (Washington Irving, 1820), mais propose un dénouement étonnant et résolument contemporain. Estelle Faye, dans Gardens in the desert, dresse le portrait tout en finesse d’un quartier, le Bronx, où se côtoient violence, misère et bonté humaine. Une fantasy urbaine, colorée par le personnage chaleureux de Ma Simone, qui oscille entre humour et horreur. Que serait New York sans le mythe du grand singe ? Dans King Kong débarque à New York, Meddy Ligner offre une vision décalée de la mort de l’animal, vue par les yeux d’un gamin de dix ans, surnommé Tocard par son alcoolique de père. L’enfant et la bête parviendront-ils à partager leur malheur ?

On dit souvent que les New-Yorkais sont si attachés à leur ville qu’ils ne la quitteraient pour rien au monde. Que décideront donc les héros de Ceux qui sont restés de Luce Basseterre, les survivants d’une catastrophe écologique et climatique, à qui l’on propose de partir enfin pour une terre promise, tandis qu’ils survivent dans des conditions assez extrêmes ? C’est du futur aussi que nous parle Jean Mazarin, avec une uchronie assez drôle, Adieu Général. Le Japon a gagné la guerre contre les États-Unis. Une jeune journaliste doit rencontrer le seul militaire américain encore en vie, le Général Mac Arthur, mais cela ne se passe pas tout à fait comme prévu.

Arnauld Pontier présente comme un air de Planète des singes – et sa si fameuse image finale – dans sa nouvelle Liberty Island, au ton agréablement nostalgique. Retour à l’humour dans Des vers dans la pomme, d’Éric Boisseau, où « croqueurs » et « suceurs », comprenez Orcs et Vampires, se livrent une guerre sans merci pour la conquête de la ville.

Il aurait été étonnant qu’une anthologie sur New York ne propose pas un texte sur le 11 septembre. C’est ici chose faite avec 25¢, de Pierre A. Sicard, qui démontre qu’un bienfait n’est jamais perdu, malgré ce qu’en pensent les égoïstes, dans une courte histoire en miroir. Enfin, comment évoquer la Pomme sans parler de l’art ? Il est également au cœur de cet ouvrage à travers deux récits. L’un, New York Velvet, de Christian Surrieux, met en scène des gosses férus de musique qui fouillent l’immense zone de détritus qu’est devenue la Terre, à la recherche de sons oubliés. L’autre, Parce que la nuit…, rend hommage au célèbre photographe Robert Mapplethorpe et à son égérie Patti Smith. Hymne à l’image, à la musique, à la poésie, à la ville, à la vie, c’est un beau texte qui clôture brillamment une anthologie de haute volée.

Philippe Ward réussit son pari de faire ressentir au lecteur non pas une ville, mais des villes, plurielles, fantasques, délirantes, sages, au fil des récits rassemblés. Variété de tons, de styles, de genres, tout concourt à transporter le lecteur au cœur de cette métropole incroyable !

Chronique de Sylvie ‘822’ Gagnère

A propos de Christian

L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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