À son réveil, Ryland Grace n’est pas au mieux de sa forme : il est bardé de capteurs, intubé à des endroits indécents, il a la gorge et la bouche douloureuses, le corps aussi faible que celui d’un nourrisson et il ne se souvient plus de son identité.
Si sa mémoire lui joue des tours, son cerveau en revanche se remet bien vite à fonctionner. Le robot qui s’occupe de sa nourriture et de ses soins ne se prête guère à la conversation, mais à force de cogitations et après avoir réuni assez d’énergie pour partir explorer ce qui ne ressemble pas du tout à une chambre d’hôpital, Ryland découvre que les deux autres occupants de hamacs similaires au sien sont tout ce qu’il y a de plus morts. Et depuis un bail !
Il comprend aussi (c’est un scientifique), grâce à quelques observations et calculs qu’il est dans un vaisseau spatial. Parallèlement, on apprend que des scientifiques ont découvert un étrange phénomène : la ligne de Petrova. Or les émissions de celles-ci semblent augmenter de manière corrélée avec une diminution de l’éclat du Soleil. Quelque chose d’impossible est en train de siphonner l’énergie de l’astre solaire à une vitesse exponentielle, ce qui signe la fin de l’humanité et de toute vie sur Terre, si on ne trouve pas très, très rapidement une solution.
Ce flash-back permet au narrateur amnésique de se rappeler que c’est sa mission : sauver l’humanité en résolvant le mystère de Petrova… Après Seul sur Mars, Andy Weir récidive, mais place la barre des enjeux un peu plus haut : il ne s’agit plus seulement pour son héros solitaire de sauver sa peau, le sort de la planète entière dépend de lui seul. En plus, il n’est même pas astronaute, on l’apprend assez vite.
Les ingrédients qui ont fait le succès de son premier roman sont au rendez-vous : huis clos dans l’espace, et donc dans l’environnement le plus hostile qui soit, avec trois fois rien pour survivre, narration à la première personne pleine d’autodérision pour nous plonger au plus près des pensées du protagoniste, lequel est un petit malin féru de sciences appliquées et dingue d’expériences en tout genre, montage alterné de deux fils narratifs pour nous livrer au fur et à mesure et au compte-gouttes les informations sur ce qui a bien pu conduire un simple prof de sciences de collège dans les étoiles, compte à rebours impossible à arrêter (sinon, tout le monde meurt), ennuis en cascade qui semblent chaque fois rendre un dénouement heureux plus impossible…
Mais tandis que le héros était vraiment seul sur Mars, ici, Ryland Grace découvre assez vite un autre vaisseau à proximité de son lieu de destination. Un vaisseau qui ne vient assurément pas de la Terre ! Et c’est sans doute le traitement de ce premier contact qui rend le livre si émouvant et intéressant, car la démarche scientifique de l’auteur (et donc de son personnage) le conduit à essayer vraiment de penser l’altérité et les moyens de la percevoir, de la comprendre : comment communiquer, cohabiter avec un autre radicalement différent ?
Le roman, éloge des sciences et de la débrouille façon MacGyver, explore méthodiquement tous les aspects de la question, et c’est plutôt bien fait. Le rythme des péripéties ne faiblit pas et on s’attache aux protagonistes, dont les modes de pensée sont bien restitués. Bref, difficile de lâcher le livre avant de l’avoir fini, et on n’en demandait pas plus !
Chronique de François ‘767’ Manson