« Jarvis » de Christian Léourier

Héritiers de colons terriens échoués sur une planète océanique, les humains de Thalassa se sont constitués en castes et apprennent à vivre avec un environnement difficile en s’appuyant sur les rares connaissances et artefacts qu’ils ont pu conserver de leurs ancêtres.

Jarvis est un chasseur ; son travail consiste à tuer les korqs qui menacent les pêcheurs. Mais les choses ne sont pas si simples et sa curiosité et son honnêteté conduiront à son ostracisation. Accompagné d’Uriale, une botaniste qui s’éprend rapidement de lui, et de Parson, un vieux philosophe errant, ses pas vont dès lors le mener dans le sillage des nomades, une communauté d’hommes libres et craints de tous les autres, avec lesquels il va tenter de percer les secrets de la planète et retrouver le savoir des premiers colons.

De son propre aveu, Christian Léourier n’était pas familier avec l’écriture pour la jeunesse quand il débuta ce cycle en 1972. De même l’auteur de cette chronique n’avait guère que Jules Verne en tête lorsqu’il imaginait ce à quoi elle devait ressembler. Or le cycle de Jarvis est d’une grande richesse, que ce soit par la variété des décors, du vocabulaire utilisé pour le peindre ou des êtres qui l’habitent. Tout juste pourrait-on critiquer la forme assez classique et linéaire des récits.

Mais sans doute est-ce justement là la marque des romans d’apprentissage à destination des plus jeunes édités dans les années 70. Si l’action des premiers romans se concentre sur Thalassa, la quatrième de couverture aussi bien que l’introduction de l’auteur dévoilent immédiatement que Jarvis est un space opera : la petite communauté constituée autour du chasseur va en effet être amenée à se tourner vers les étoiles, et l’imagination fertile de l’auteur fait honneur à la multiplication des possibles.

De terres désertiques ou marécageuses en stations orbitales, l’altérité est au cœur de l’écriture de Léourier qui invente les formes végétales et animales les plus diverses, mais aussi des cultures très variées grâce auxquelles il harponne les préjugés, l’égoïsme ou l’étroitesse d’esprit sans jamais verser dans le manichéisme.

Dans son intéressante postface, Xavier Dollo donne quelques influences manifestes de Léourier, telles Ursula K. Le Guin ou Frank Herbert. On retrouve effectivement dans les sept romans qui constituent cette série, comme d’ailleurs dans le reste de son œuvre, la profonde humanité qui caractérise l’une et l’autre. On y trouve aussi avec Uriale une autre Laureline, soit l’archétype d’une femme active et réfléchie, capable de surpasser le héros désigné en bien des occasions.

Et s’ils sont tous comme elle généreux, courageux et tolérants, Jarvis et ses compagnons possèdent cependant un caractère bien propre et aucun d’eux n’est un archétype creux. Tout ceci fait de cette intégrale une lecture hautement recommandable, pour les jeunes comme pour les plus vieux, lesquels regretteront sans doute simplement la rapidité avec laquelle ces aventures se dévorent.

Chronique de David ‘1934’ Soulayrol

A propos de Christian

L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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