Notre club est orphelin : Yvonne Maillard a tiré sa révérence

Yvonne Maillard

Toutes les bonnes choses ont une fin. Ou une étape. Ou un passage. Ou ce que l’on veut.

Toujours est-il qu’une grande dame a décidé de partir se reposer un peu. Point n’est la peine de trop en dire, si ce n’est laisser la parole à 2 personnes qui ont côtoyé Yvonne Maillard.

Dire qu’Yvonne MAILLARD (la déesse mère du Club Présences d’Esprits) n’est plus, ce serait comme prétendre que la littérature de science-fiction n’a jamais existé.

Au moins 20 ans que je ne l’avais pas croisée, depuis qu’elle s’était éloignée du Club et de l’édition.

Il y a des rencontres (des livres et des personnes) qui nous changent. Ce changement est invisible ; il fait partie de nous. Nous n’en sommes pas totalement conscients. Mais imaginons un instant le contraire, et nous prenons toute la mesure de cette richesse intérieure qui ferait tant défaut.

Yvonne fait partie de ces personnes qui m’ont enrichi intérieurement. Pas juste en SF, en humanité.

Au début des années 90, jeune adhérent du Club, ma curiosité m’avait guidé jusqu’à la rue du Cherche-Midi (vers Denoël et surtout Présence du Futur). Dès le début, la rencontre fut amicale et attentionnée. Se sentir toujours le bienvenu : c’était une magnifique qualité d’Yvonne.

Yvonne n’était pas seulement à l’origine de ces précieuses pépites de chaque catalogue de Présence du Futur qui guidaient vers tel ou tel livre de la collection. Elle avait lu tant et tant de livres et pourtant elle ne s’en enorgueillissait pas.

Yvonne, c’était surtout quelqu’un qui considérait la science-fiction pour ce qu’elle avait de meilleur : un moyen d’échange et de partage, des liens, des émotions, des réflexions.

Elle personnifiait, sans s’en rendre compte, le plus beau de la science-fiction : sa douceur d’âme et son humanité évidente. Elle prenait la peine de vous écouter. Elle vous invitait à parler. Elle encourageait les projets et très souvent les accompagnait.

Yvonne MAILLARD, une déesse mère de la SF, que je vous dis. Elle qui était grande et mince, quand elle vous prenait dans ses bras, lors d’une assemblée du Club ou lors d’une simple rencontre, vous receviez toute la douceur et la rondeur du monde vous enveloppait de sa chaleureuse bienveillance.

Toute sa rondeur était dans ses sentiments et dans son rapport aux autres.

Yvonne, je lève un verre de sérum de la déesse bleue à ta personne. Et je te souris, où que tu sois.

David « 174 » PETIT


Non, La collection « Présence du futur »  n’a pas été nommée ainsi en hommage à Yvonne Maillard, ni « Présence du fantastique », ni « Présences »…. Quoique ?

Dans un univers uchronique, ce serait le cas tant sa présence a marqué les différentes collections et l’engouement qu’elles ont suscité jusqu’à la création de Présences d’Esprits.

« Présence » est  le mot qui  caractérisait Yvonne.

Je l’ai connue lorsqu’elle a lancé l’appel dans un PDF pour la création d’un club, d’un espace de communication entre  lecteurs de SF. Nous étions à la fin des années 80, internet n’existait pas vraiment  et les amateurs frustrés lisaient « Planète à vendre », « Nous les Martiens » ou encore  « Cyberdreams ». Revues ô combien indispensables mais réservées à des professionnels ou à des amateurs fortement engagés…

Yvonne a décidé de suivre une voie différente, certaine que de simples lecteurs pouvaient apporter une contribution tout aussi importante, sinon plus forte à un milieu peut-être un peu trop fermé sur lui-même. Elle a convaincu les dirigeants de Denöel d’ouvrir un espace pour les passionnés dans lesquels se sont très rapidement engouffrés  certains membres historiques comme Denis Chartier, Pascal Godbillon, David Petit, Eric Henriet, Nathanalie Jamet, Emmanuel Guérin ou moi-même.

Nous avons été la cheville ouvrière de « Présences d’Esprits » pendant quelques années. Eclairés par la présence tutélaire d’Yvonne, nous avons construit ce club.

Rien n’aurait été possible sans elle. Elle a tout permis. Le club était son idée, son bébé. Elle l’a porté, dorloté, protégé, aimé… L’image de la mère n’est pas trop forte. Acte de création, de sublimation, le club est devenu pour nous un foyer : fort, intense, exigeant mais tellement indispensable et comme nous étions jeunes, parfois maladroits, elle nous a apporté son enthousiasme, sa force de persuasion, ses connaissances et elle nous a nourris parce qu’elle nous a également écoutés.

Devenu président de PDF, je me souviens particulièrement d’un déjeuner avec Jacques Goimard alors que le Club voulait s’émanciper de Présence du futur. Elle était venue avec moi pour m’aider, pour convaincre Jacques Goimard du potentiel du club…

Et me reviennent à l’esprit certaines paroles, actes de foi envers la SF, déclaration d’amour envers nous, ses enfants. Alors je ne peux que penser à la chanson de Brassens « la Jeanne »

« On est n’importe qui, on vient n’importe quand,
Et comme par miracle, par enchantement,
On fait parti’ de la famille

Quand elle est mère universelle, 
Quand tous les enfants de la terre,
De la mer et du ciel sont à elle…»

Je me suis éloigné du club comme Yvonne qui avait compris que les enfants grandissent et qu’il faut les laisser partir  mais si ma passion de la SF a perduré, Yvonne y est pour beaucoup.

« Présence », à jamais !

Thierry Colombié

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3 comments

  1. Très joli, ce Nathanalie.

  2. Ma journée vient brusquement de s’assombrir et l’hiver est de retour…

    Comme beaucoup, j’ai connu Yvonne en devenant adhérent au club PdE et j’avais beaucoup d’affection pour elle.

    Je l’ai déjà vu triste ou emplie de doute, mais pour moi, elle incarnera toujours la joie de vivre et l’enthousiasme d’une jeune fille qui sait qu’elle a encore tant à découvrir et à expérimenter !

    Yvonne, où que tu sois, sache que beaucoup pensent à toi !

    Avec toute mon affection

  3. Je me souviens, j’ai fait sa connaissance en 1998, grâce à ma copine de l’époque, Laure, qui la voyait régulièrement.
    Elle nous a invité à fêter Noël avec elle et un groupe de ses amis et elle a offert à chacun un livre de sa collection.
    Il y avait des piles de livres partout dans son appartement, même dans les couloirs.

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