En ouverture, l’auteur nous avertit ironiquement que cette histoire est purement imaginaire et « se déroule dans un futur lointain et un univers lointain qui ne ressemble en rien au nôtre ». Un monde inventé, précise-t-il, sur le modèle du célèbre 1984 d’Orwell. Bienvenue en Abistan, immense empire, maître de toute une planète (ou presque), conquise à l’issue d’une ultime « guerre sainte ». Ici, ce n’est pas Big Brother qui règne.
Nous sommes dans une théocratie créée par Abi, prophète délégué du Dieu unique Yöla. Au nom d’Abi, la Juste Fraternité impose des règles strictes à toute la population. La foi, la patience, la soumission et l’obéissance font le bon croyant, lequel accomplit ses tâches quotidiennes entrecoupées de prières répétitives en attendant d’être reconnu digne de participer à un pèlerinage aux Lieux Saints. Malheur à celui qui est reconnu coupable de mécréance ! Lui et sa famille sont exécutés au plus vite en présence d’un public fanatisé. C’est par les yeux d’Ati que nous découvrons peu à peu ce monde cauchemardesque. Pendant un séjour dans un lointain sana, puis son voyage de retour vers la capitale, le doute s’installe peu à peu en lui. Pourquoi des caravanes disparaissent-elles au-delà d’une frontière ? Que signifie ce mot ? Que peut-il y avoir en dehors de l’Abistan qui est censé s’étendre au monde entier ? Et quelle est cette civilisation disparue dont un certain Nas a trouvé des vestiges ?
Ati en vient à s’interroger sur le bien et le mal, ainsi que sur les fondements du Système dont son peuple est prisonnier : la peur entretenue par des séances périodiques d’autocritique, l’usage de l’abilang, langage qui empêche toute réflexion, et l’oubli de l’histoire passée – au point que plus personne ne connaît le sens de la date 2084 qui a pourtant joué un rôle important. Toute révolte semble impossible. Pourtant, avec l’aide de son ami Koa, Ati continue de chercher les réponses à ses questions. Leur quête débouchera sur des découvertes surprenantes…
Tout au long de ce récit, l’auteur mêle avec brio le registre du rire et de l’inquiétude. Il nous fait partager les sentiments de ses héros et rend crédible le monde où ils évoluent. D’autant plus que l’actualité récente donne à cette fiction des allures prophétiques. Sous le masque romanesque, c’est avec une logique scientifique que l’auteur démonte les rouages du totalitarisme religieux – tout en créant une véritable connivence avec son lecteur et en le laissant libre d’imaginer vers quel avenir ira l’Abistan.
À un journaliste qui demandait à B. Sansal pourquoi dénoncer une dictature religieuse mondialisée sous forme d’un roman d’anticipation, l’auteur a répondu « C’est un genre littéraire très puissant qui permet de dire et de montrer beaucoup plus que la fiction simplement inscrite dans le réel présent… Je raconte une histoire qui, au demeurant, est en train de devenir vraie sous nos yeux. »
Chronique de Marie Renée Lestoquoy
Nous en pensons ...
Notre avis
4.1
Tout au long de ce récit, l’auteur mêle avec brio le registre du rire et de l’inquiétude. Il nous fait partager les sentiments de ses héros et rend crédible le monde où ils évoluent. D’autant plus que l’actualité récente donne à cette fiction des allures prophétiques. Sous le masque romanesque, c’est avec une logique scientifique que l’auteur démonte les rouages du totalitarisme religieux – tout en créant une véritable connivence avec son lecteur et en le laissant libre d’imaginer vers quel avenir ira l’Abistan.