La littérature, c’est comme la cuisine : tout est dans le dosage ! Et notamment entre tradition et innovation. L’assassin professionnel et le rapport maître apprenti sont devenus personnages et thèmes courants dans la fantasy depuis Robin Hobb et son « Assassin royal ».
Mais Barker innove en faisant du maître assassin une femme, aussi douée pour le mime et le théâtre que pour sa profession première, et de son apprenti, qu’elle a racheté au marché aux esclaves, puis élevé, formé, protégé, un gamin d’apparence souffreteuse (à quinze ans, on lui en donne treize !), handicapé par un pied-bot, et vraiment plus naïf et assoiffé de tendresse qu’il ne conviendrait.
Son monde est traditionnel, car féodal, de type médiéval avec seigneurs et vassaux, territoires et forteresses, mais beaucoup plus noir que celui des légendes ou même de l’Histoire. La nomenclature officielle approche la novlangue : les nobles, notamment, sont des « Bénis ». Inutile de préciser qu’à Maniyadoc, ces arrogants seigneurs et leurs sbires n’approchent que de très loin la sainteté et ignorent tout d’un éventuel code de la chevalerie.
Les Vivants constituent le Tiers État, ainsi nommés sans doute parce que dans sa grande bonté la classe dominante les laisse travailler et gagner plus ou moins leur vie. Quant aux esclaves, ils sont censés être Reconnaissants. On se demande bien de quoi.
Le fil directeur est celui du roman d’éducation classique : un jeune homme se fraie difficilement son chemin et affronte les brimades de ses pairs ou la sévérité de ses éducateurs. Bonne manière de susciter la compassion et l’indignation du lecteur. Ces épreuves ne sont pas épargnées à notre jeune assassin, Girton, qui passe pour le fils cadet sacrifiable d’une famille à la loyauté douteuse.
Mais il est en réalité bien plus fort et habile que les brutes qui le maltraitent et la grande difficulté qu’il affronte, c’est de leur cacher ce qu’il est réellement capable de faire. La magie est elle aussi un ingrédient obligé. Si dans ce monde comme dans notre Moyen Âge elle est diabolisée et si l’on envoie les magiciens au bûcher, elle est ici une force bien réelle, terrifiante, capable de stériliser le sol sur des lieues, d’anéantir tout ce qui peut vivre, animaux, arbres ou humains.
C’est à elle qu’on attribue le cataclysme initial ayant profondément blessé la terre. Et comme le sang versé peut annuler ses effets mortifères, une caste de Gardiens spécialisée dans la chasse aux sorciers ou supposés tels les traque pour verser leur sang sur le sol des terres acides. Leur sang ou celui de toute personne de leur parenté, fils, cousin ou arrière-petit fils, ou de tout « inutile » : vieillard, infirme, esclave.
On devine d’emblée que la traque acharnée des magiciens relève d’une psychose générale, comme historiquement la chasse aux sorcières du 17e siècle, à Salem. Qui dit fantasy épique dit aussi enjeux politiques importants, donc intrigues et affrontements, meurtres, embuscades, duels et batailles. R. J. Barker nous offre de l’action et, lors du dénouement, plusieurs belles surprises, tant dans les révélations que dans les retournements de situation. Quoi qu’il en soit, ni le monde, ni les personnages, ni l’intrigue n’ont livré tous leurs secrets. On n’a qu’une hâte, lire le tome 2 et la prolepse finale nous encourage à le faire !
Chronique de Marthe ‘1389’ Machorowski
Nous en pensons
Notre avis
3,9
R. J. Barker nous offre de l’action et, lors du dénouement, plusieurs belles surprises, tant dans les révélations que dans les retournements de situation. Quoi qu’il en soit, ni le monde, ni les personnages, ni l’intrigue n’ont livré tous leurs secrets. On n’a qu’une hâte, lire le tome 2 et la prolepse finale nous encourage à le faire !