« Albert Robida : de la satire à l’anticipation » Ouvrage collectif sous la direction de Claire Barel-Moisan et Matthieu Letourneux

Albert Robida (1848-1926) est, pour les curieux de l’histoire de la SF, un visionnaire, et nombreuses sont ses œuvres à avoir été largement diffusées, notamment à la faveur du développement du mouvement steampunk. Et ce n’est que justice, tant ses dessins, fouillés et travaillés, ont pu influencer toute une esthétique contemporaine.

L’ambition de ce volumineux ouvrage, qui regroupe une quinzaine de textes issus de spécialistes, est de mettre l’œuvre de Robida en perspective, pour mieux en comprendre les sources, l’environnement, les influences et la pérennité. En bref, de reconstituer l’époque et le contexte dans lesquels s’est développée cette esthétique si reconnaissable, et de constituer une référence sur l’artiste.

Car la première vocation des dessins de Robida, notamment pour la presse quotidienne ou hebdomadaire illustrée, n’est pas l’anticipation, mais la caricature, par des procédés d’amplification notamment, facilitée par les formats que permet cette presse : grandes images panoramiques fourmillant de détails, exagérant à l’envi les travers de la vie moderne, emportée par une frénésie de nouveautés et de divertissements.

Ce n’est que plus tard, vers 1886, avec la parution de véritables ouvrages, que Robida fera œuvre d’anticipation. Le texte y est plus abondant, plus personnel aussi, et la perspective est autre puisque le récit se fait plus ample. Là encore, l’anticipation se nourrira de la caricature, poussant Robida à imaginer un quotidien plus détaillé que la plupart des autres pionniers de la SF.

L’ouvrage est en cinq parties : la première replace l’œuvre de Robida dans le contexte médiatique et culturel de son époque ; la seconde revient sur le sens du spectacle qui traverse tout le travail du dessinateur ; la troisième explore la manière dont l’artiste articule anticipation et satire contemporaine ; la quatrième, peut-être la plus intéressante, présente des extraits de deux romans inédits.

Ouvrage certes complet, fourmillant d’informations, d’analyses et de références, établi avec l’appui de l’Association des amis d’Albert Robida, son ambition de s’établir en référence n’est pas loin d’être atteinte. C’est pour qui veut connaître l’artiste et son époque plus sérieusement, un vrai régal que de le parcourir. Et l’on remerciera la générosité de l’éditeur, qui propose une iconographie abondante (y compris deux cahiers couleur) à l’appui des textes collectés, pour un prix public inférieur à 30 €. On regrettera bien entendu qu’il n’y ait pas plus, mais ce n’était pas le but premier du livre, que nous recommandons chaleureusement à l’attention des lectrices et lecteurs curieux (et disposant d’un peu de temps).

Chronique de Jean-Luc ‘1855’ Houdu