Sécheresse, tempête, fonte des glaces et autres catastrophes naturelles, annoncées par certains scientifiques et redoutées par de nombreux écologistes, font désormais partie du quotidien d’une humanité, dont la majeure partie ne fait plus que survivre dans un environnement hostile où les injustices deviennent de plus en plus criantes et souvent mortelles.
Un destin facétieux et morbide offrira la possibilité à de parfaits inconnus de se rencontrer, pour le meilleur de certains, mais surtout pour le pire de la majorité. Ainsi, l’Italienne Paula Rossi est-elle obligée de vendre son corps pour donner de quoi subsister à ses enfants alors qu’elle les a entraînés sur la route d’un fol espoir. Pour sa part, bien à l’abri dans l’Enclave de Davos, Pradeesh Gorayan profite, avec sa famille, d’un climat régulé et d’une nourriture abondante, comme les quelques privilégiés réfugiés sous un dôme gigantesque. Seule une foi inébranlable en Dieu permet à Mercedes de rester dans cette ville d’Espagne envahie par la maladie et la mort que son fils Fernando a préféré fuir.
Dans son petit village de Saint-Polgues, loin du bourg où elle n’a pas que des amis, Mélanie Lemoine fait de son mieux pour conserver un semblant dignité en partageant le peu qu’elle a avec les rares animaux blessés ou malades qu’elle croise et qu’elle recueille. Quant au Norvégien Olaf Eriksson, dont le fils est mort dans des circonstances douloureuses, il fait le choix de quitter le village de ses aïeux, à bord de son vieux bateau de pêche, dans l’espoir de trouver, pour sa femme et lui, un havre de paix où les voisins ne sont ni racistes ni cannibales.
Avec ce roman choral, Jean-Marc Ligny livre une véritable œuvre d’anticipation en se projetant dans un futur proche où toutes les conséquences les plus fâcheuses de l’hyperactivité industrielle sont devenues réalité. Pour témoigner, il fait appel à une douzaine d’acteurs de ce drame dont il décrit le quotidien qui peut aller de la simple survie pour certains jusqu’à la quête d’un paradis perdu pour d’autres.
Œuvre intense, Exodes rappelle par bien des aspects un autre livre majeur de Jean-Marc Ligny, Inner City, où l’auteur envisageait une forme différente d’agonie de la civilisation humaine puisqu’elle était alors dévorée par le virtuel. On retrouve d’ailleurs dans les deux romans des « outers », ces hommes et ces femmes qui se trouvent exclus d’un monde qui court à sa perte et qui, souvent par la violence, essaient de s’emparer des derniers vestiges de cette société en fin de vie ou choisissent, à l’image des Boutefeux, de précipiter sa destruction.
Malgré ses plus de cinq cents pages, Exodes fait partie de ces romans que l’on dévore. Ce n’est pas seulement son sujet d’une brûlante actualité qui le rend si prenant, ni sa construction maîtrisée par un vieux routier des littératures de genre, mais c’est surtout la grande humanité que Jean-Marc Ligny donne à ses personnages multiples et différents avec leurs qualités et leurs défauts.
Chronique de Philippe Paygnard
Nous en pensons ...
Notre avis
4.1
Malgré ses plus de cinq cents pages, Exodes fait partie de ces romans que l’on dévore. Ce n’est pas seulement son sujet d’une brûlante actualité qui le rend si prenant, ni sa construction maîtrisée par un vieux routier des littératures de genre, mais c’est surtout la grande humanité que Jean-Marc Ligny donne à ses personnages multiples et différents avec leurs qualités et leurs défauts.