« Le Souffle de Dune » de Brian Herbert et Kevin J. Anderson

Le souffle de Dune-Brian Herbert et Kevin J Anderson« Le Souffle de Dune » est le deuxième roman de la quadrilogie « Légendes de Dune ». Comme dans toute la série, les auteurs y démontrent leur capacité à imaginer des intrigues nouvelles dans leur immense univers.

Brian Herbert et Kevin J. Anderson produisent environ un ouvrage par an et chacun en explore une période particulière. Ainsi la période « Légendes de Dune » réunit les romans « Paul le Prophète » et « Le Souffle de Dune » dans un ensemble cohérent et plus ou moins homogène. L’absence dans l’ouvrage d’un guide généalogique est un peu gênante pour qui veut s’approprier l’histoire ou en apprécier des parties (pour un aperçu de la chronologie de l’univers de Dune, voyez le tableau récapitulatif ci-dessous, car chaque éditeur s’est choisi sa série).

Le roman, en cinq parties, est fragmenté en courts chapitres de 8 à 12 pages, chacun identifié par une épigraphe caractéristique qui tient lieu de titre. Il est très probable que les auteurs ont estimé que cette disposition soulagerait la mémoire du lecteur soumise à rude épreuve tant le récit saute du coq à l’âne sans motif évident. L’obligation de changer inlassablement de sujet d’un chapitre à l’autre n’est pas de tout repos. Dans ce contexte, l’absence de sommaire ou de table des matières est bien dommageable. Pour pallier une défaillance de sa mémoire, le lecteur a tout intérêt à noter les pages qui l’intéressent.

Le fil conducteur du livre est visible dans la première page qui présente laconiquement le passé sous forme de mémos écrits par les personnages du roman ; les introductions de chacune des cinq parties font de même.

Jessica, duchesse de Caladan, fille du Baron Vladimir Harkonnen, belle-mère de la princesse Irulan, Révérende Mère des Bene Gesserit, concubine du défunt duc Leto Atréides, grand-mère de Leto et Ghanima, enfants de Chani la concubine, vient d’apprendre, avec un mois de retard, la mort de son fils Paul Atréides dit Paul Muad’Dib, Messie, Prophète et Empereur pour les Fremen et bien d’autres. Cette litanie de titres illustre la complexité des intrigues et des situations et, malgré l’habileté des auteurs, le lecteur devra se fatiguer pour reconstituer le déroulement des événements.

Jessica doit se rendre aux obsèques sur Arrakis (Dune) gouvernée d’une main de fer par Alia, la sœur de Paul. En fait, il s’agit d’une célébration sans corps, car Paul s’est perdu dans les sables de Dune et est supposé mort. Cette célébration va être bouleversée par Bronso d’Ix, le frère de sang de Paul, qui répand sur lui des informations abominables. Le saint Empereur, Paul Muad’Dib pour les Fremen, ne serait qu’un homme ordinaire comme tant d’autres – impensable pour les populations qui l’acclament ou le vénèrent de gré ou de force depuis son Djihad effréné ! Après une série de péripéties introductives, par un de ces retours en arrière dont les auteurs modernes usent et même abusent, le roman repart dans la jeunesse de Paul et de Bronso qui étaient de grands amis, puis revient pour nous parler des centaines de planètes qui, refusant le joug de l’Empire, sont soumises à des carnages épouvantables, certaines même stérilisées. Excusez du peu. Sur l’une de ces dernières en réhabilitation, un groupe en visite de contrôle réunira des personnages aussi éloignés les uns des autres que l’ancien Empereur Shaddam IV, sa fille Irulan, épouse en mariage blanc de Paul, Jessica sa mère et la concubine de Paul qui lui a donné deux enfants. Dans ce mélange d’amour et de haine, certains essayent de faire renaître à la vie l’une de ces malheureuses planètes. Jessica soupçonne la préparation d’un mauvais coup, sans pouvoir intervenir.

Par contraste avec la brutalité générale qui exsude de chaque paragraphe du roman, des moments de compassion, d’amour ou d’amitié particulièrement exceptionnels apparaissent. Jessica manifeste constamment son amour maternel, elle défend bec et ongles son tyran de fils envers et contre tous.

Paul a disparu. Pourquoi son si grand ami Bronso, fils de Rhombur Vernius, maison amie des Atréides, cherche-t-il à salir la réputation d’un empereur vénéré ? La question se pose tout au long du roman. Quel type d’engagement Bronso a-t-il pris et réussira-t-il son pari ? Enfin, pourquoi s’engager ainsi dans un contre-Djihad jusqu’à en perdre la vie ? La cause n’est pas tout à fait claire. Le comportement d’Alia, la sœur de Paul, donne aussi quelques soucis à Jessica. Leurs rapports sont parfois assez ambigus ; que se passe-t-il entre mère et fille, lorsque la fille a le pouvoir ? Le lecteur appréciera.

Ce roman est caractérisé par la prédominance des femmes : l’ordre semi-religieux des Bene Gesserit ne comporte aucun élément mâle et la régence de l’Empire est dans les mains d’Alia. La force physique appartient à de vigoureux guerriers qui se bornent à exécuter les ordres de ces dames.

Si le lecteur ne connaît pas l’univers de « Dune », il lui est conseillé de lire l’un après l’autre les chapitres sans chercher à évaluer toutes les situations ou à trop mémoriser les personnages impliqués. Ces pages sont suffisamment bien écrites et les actions suffisamment bien décrites pour qu’il puisse déjà y trouver un certain plaisir. En reprenant l’ensemble du livre, surtout si l’on a annoté certains chapitres, on pourra reconstituer cette tranche d’histoire de Dune.

On ne peut pas dire que l’organisation des ouvrages de Brian Herbert et Kevin J. Anderson soit un modèle de simplicité, sans doute faut-il y voir un besoin d’activer la curiosité du lecteur d’une manière ou d’une autre. Cela ne peut pas être réussi pour tous. Ceux qui aiment Dune en raffolent, les autres sont beaucoup moins gourmands de ce genre d’écriture qui, il faut le dire, tend à se répandre.

Par des chemins détournés, mais c’est tout l’art de l’écriture, les auteurs fournissent au lecteur suffisamment d’informations pour le plonger malgré lui dans l’univers de Dune. Les 488 pages terminées, on a même l’impression d’en connaître une très grande partie.

« Le Souffle de Dune » ne manque pas de « souffle ». Reste à savoir si c’est un tourbillon d’imaginaire ou un vent de folie. À chacun de juger…

Chronique de Gérard Bouyer

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Nous en pensons ...

Notre avis

3.6

Le Souffle de Dune ne manque pas de « souffle ». Reste à savoir si c’est un tourbillon d’imaginaire ou un vent de folie. À chacun de juger…

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