« Les Oubliés de l’Amas » de Floriane Soulas

L’Amas est un ensemble d’épaves de vaisseaux spatiaux qui orbite autour de Jupiter, seule planète du système qui résiste à la colonisation humaine.

Un agrégat de ferrailles qui offre un refuge aux réprouvés, aux fuyards et à tous ceux qui veulent se cacher des autorités, mais aussi un labyrinthe dangereux et largement inexploré, les zones n’étant pas toutes étanches ou dotées d’air respirable. Un bidonville flottant dans l’espace, en somme.

Même si les autorités y ont implanté une prison, c’est une zone qui a ses propres règles. Ainsi, la vie n’y est pas rythmée par le jour et la nuit, mais par une période durant laquelle chacun doit se cloîtrer chez soi pendant qu’une sorte de nettoyage automatique parcourt toutes les coursives des zones habitées pour détruire les germes et en particulier une sorte de lierre qui envahit tout, le parasite endémique de l’Amas.

La vie y est donc précaire, l’existence rude. Mais l’Amas accueille chaque année une course de vaisseaux spatiaux réservée aux plus dingues, une course dangereusement mortelle où tous les coups sont permis. C’est là que nous retrouvons Kat, travaillant dans l’équipe de ferrailleurs d’Ador, le capitaine d’un vieux vaisseau rafistolé surnommé la Pieuvre, alors que manifestement les sorties dans l’espace la tétanisent.

Kat n’a d’autre but que de retrouver son frère jumeau, Pavel, un pilote casse-cou obsédé par Jupiter, comme tant d’autres avant lui. Or de tous ceux qui ont tenté l’aventure de l’exploration de cette géante gazeuse, aucun n’est jamais revenu. Pourtant, Kat est certaine qu’il est encore vivant, elle le sent dans sa chair. Elle a même l’impression qu’il lui parle, de loin en loin.

Parfois, Jupiter recrache des vestiges des vaisseaux qui ont tenté son exploration, à l’occasion d’un blast qui s’avère chaque fois fatal à ceux qui ont le malheur d’effectuer une sortie dans les parages à ce moment-là. Or c’est justement ce qui se produit pendant que l’équipe de récupération de Kat remorque un vieux morceau de cargo.

En dépit des statistiques, Kat parvient à anticiper le blast, permettant à presque tous ses co-équipiers de s’en tirer, tout en récupérant quelques merveilles pour collectionneurs avides. Sa gloire éphémère lui donne l’occasion d’enfin approcher le milieu très secret de la course illégale de vaisseaux. Si Pavel est sur l’Amas, il y participera sûrement.

Kat fait ainsi la connaissance de Jaspe, une Vénusienne mystérieuse, et la meilleure mécanicienne de tout l’Amas, qui la surprend en train de gagner aux cartes grâce à ses talents mathématiques et mémoriels. Jaspe s’intéresse beaucoup à la manière dont Kat a su prévoir le blast de Jupiter. Elle se doute qu’elle n’est pas qu’une simple ferrailleuse et lui propose d’intégrer le circuit des courses de vaisseaux.

Et c’est là que les ennuis de Kat commencent vraiment… Pour inaugurer leur toute nouvelle collection pour adultes, Scrineo nous propose le troisième roman de l’autrice, un space opera inventif et déjanté, dont les protagonistes presque tous féminins restent en mémoire.

On s’attache à Kat autant qu’à Jaspe, Pavel et aux autres, même si c’est son héroïne que l’autrice nous invite à suivre tout du long. Chaque personnage a son secret. Et Kat n’est pas en reste. On le découvre progressivement. L’histoire est pleine de rebondissements et les protagonistes payent de leur personne, c’est le moins qu’on puisse dire.

Outre la question très forte des liens gémellaires, Floriane Soulas aborde celles du rapport à l’autre, du transhumanisme, de l’amitié, de la culpabilité, le tout dans une aventure sombre et sans temps mort qu’on a du mal à lâcher et qu’on regrette d’avoir terminée. Si le steampunk et le fantastique ont cédé la place au space opera, on retrouve néanmoins certaines thématiques et préoccupations qui nourrissaient les deux premiers romans de Floriane Soulas.

Par certains côtés, son imaginaire évoque aussi celui de Brussolo. Mais la dimension technique occupe une place importante et donne une certaine épaisseur à l’univers, ce qui n’est pas étonnant vu la formation et la profession de l’autrice qui est ingénieure en sciences des matériaux et génie mécanique. Au final, l’Amas nous happe et on s’identifie à Kat. Un roman vraiment bien maîtrisé et passionnant : une réussite !

Chronique de François ‘767’ Manson

A propos de Christian

L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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