Ingray Aughskold a décidé de libérer Pahlad Budrakim du Retrait compassionnel (joli terme qui désigne en fait la prison à vie). Elle a bien l’intention de la forcer à lui révéler où sont cachés les précieux vestiges garseddaïs qu’elle a volés, afin de les remettre à sa mère adoptive, Nétano.
Ces vestiges lui assureront un avantage politique indéniable et devraient permettre à Ingray de prouver qu’elle est digne d’être l’héritière du clan familial. Vous vous en doutez, les choses ne vont pas tourner tout à fait comme prévu et la jeune fille va se retrouver au cœur d’un complot de grande envergure.
Provenance se situe dans le même univers que la trilogie de La justice de l’Ancillaire, qui a fait connaître Ann Leckie. Il s’agit toutefois d’un one-shot qui peut se lire indépendamment (c’est mon cas). On ressort de la lecture un peu mitigé : le début du roman est accrocheur, avec une tension et des péripéties dignes d’intérêt. Ensuite, cela s’émousse un peu, la faute à une intrigue un peu poussive et déjà vue, et à un rythme de croisière agréable, mais pas scotchant.
Heureusement, la richesse de l’univers vient contrebalancer ces inconvénients, avec ses races humaines et extraterrestres si différentes, aux mœurs, habitudes, background social et culturel fondamentalement étrangers. Ann Leckie pose aussi une série d’intéressantes questions : le genre, la famille, l’envie de réussir et de plaire, le désir d’être aimé, la manière dont une culture traite ses vestiges…
Les personnages sont bien caractérisés, quoiqu’assez prévisibles finalement, ce qui ajoute à l’effet un peu plan-plan évoqué plus haut. Un mot encore bien sûr de l’écriture (et ce faisant de la traduction) : l’utilisation de terminaisons æ pour des noms et adjectifs et le pronom iæl pour les protagonistes coule tout seul. J’ai juste eu beaucoup de mal à comprendre quand et pourquoi ils étaient utilisés, en sus des genres masculins et féminins, pour les mêmes personnes.
Cela ne gêne en rien la lecture, c’est même plutôt reposant par moments de ne pas (plus) savoir si le personnage est masculin ou féminin. Iæl peut exister sans ce carcan imposé, et le lecteur s’immerge ainsi dans des sociétés où toute suprématie masculine semble avoir été oubliée – n’avoir jamais été. Une lecture agréable sans être bluffante, peut-être différente lorsque l’on a lu La justice de l’Ancillaire ? À moins qu’il ne s’agisse d’une bonne introduction dans un monde complexe ?
Chronique de Sylvie ‘822’ Gagnère