Douze nouvelles écrites sur près de cinq ans constituent cette anthologie.
Une anthologie très particulière, puisqu’elle se présente presque comme un roman par nouvelles. En effet, chaque nouvelle raconte une aventure arrivée à Monsieur K et â son complice Alex, comme autant de chapitres d’un même ensemble. Avec un texte pour chaque mois de l’année 2012, l’emploi du temps du personnage principal se trouve en quelque sorte reconstitué. Mais cette chronologie est factice, et trompeuse: elle conduit le lecteur à en attendre plus, à lire le recueil comme un roman, ce qu’il n’est pas, de l’avis de son auteur. Certains textes sont d’ailleurs plus des pastiches, des clins d’œil ou des exercices de style qu’autre chose.
Il n’en reste pas moins que l’ouvrage se lit bien, tant la cohérence est forte. L’ambiance en est sombre, ou plutôt grise: le gris du béton et de la pluie, le gris d’une vie sans relief ni espoir, le gris argenté des yeux d’adolescents obligés de se droguer à l’acide pour ne pas mourir trop vite d’une maladie incurable qui sape la pyramide des âges.
Monsieur K est un anti-héros absolu, qui a trop lu. Chandler et Malet, et qui bosse sans y mettre du sien comme enquêteur interne d’une grosse boîte pourrie, celle-là même qui fabrique l’acide. Monsieur K est donc dans la délicate position de celui qui mange grâce au système qu’il voudrait dénoncer mais qu’il doit protéger. Il vit assez mal cette contradiction, souffre-douleur méprisé, mais qui a un certain pouvoir tout de même. Il trouve le réconfort auprès d’une amie très chère, la mystérieuse Mademoiselle, la seule à qui il peut se confier. Le bruit (du hard-rock) et la lumière déferlent dans son existence miteuse en la personne d’Alex, post-ado surgi de nulle part, véritable caricature de super-héros, qui ne cesse de lui sauver la mise, et qui lui vole même la vedette dans certains textes.
On appréciera la richesse thématique du recueil qui permet à l’auteur d’explorer un monde déliquescent et baroque et une âme en pleine déréliction; qui évoque les rapports troubles entre les êtres (l’homosexualité latente d’Alex et K, la relation bizarre entre K et Mademoiselle, entre K et ses collègues). L’univers technologique et post-moderniste, assez onirique tout compte fait, ouvre la porte à une réflexion sur notre propre époque, sur l’obsolescence des êtres et des choses.
On retrouve avec plaisir certaines évocations décalées de l’univers, fantasy pseudo vénitienne, par lequel l’auteur s’est fait connaître, celui de Mémoire vagabonde et La Voie du Cygne (Mnémos). Bref, un polar SF original, qui tient au corps.
Chronique de François ‘767’ Manson
Éditeur | Nestiveqnen |
Auteur | Laurent Kloetzer |
Pages | 406 |
Prix | 24,24€ |
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Notre avis
4.7
On appréciera la richesse thématique du recueil qui permet à l'auteur d'explorer un monde déliquescent et baroque et une âme en pleine déréliction