« Une Femme au bord du temps » de Marge Piercy

Marge Piercy est connue depuis longtemps aux États-Unis comme poète et romancière. Certains de ses romans sont parus en France, mais ses deux romans de science-fiction féministe, celui-ci paru en 1976 et He, She and It (aussi intitulé Body of Glass, paru en 1991 et récompensé par le prix Arthur C. Clarke en 1993) étaient encore inconnus du public français non anglophone, même si ce sont des œuvres de référence dans la littérature féministe. Merci donc à Goater de combler ce manque.

Le roman est d’abord l’histoire d’une femme, Consuelo alias Connie, que son origine chicano a empêché de réussir sa vie, victime de toutes les « malchances » qui peuvent arriver à une femme chicano dans la société états-unienne raciste et machiste : des études interrompues après avoir été abandonnée par son amant parce qu’elle était tombée enceinte, un avortement, un mari tué par la police quand il manifestait, le second mari qui l’abandonne, l’amant mort en prison, l’enfant enlevée après un séjour à l’hôpital psychiatrique, la voici enfermée de nouveau pour avoir voulu défendre sa nièce contre son mac et, maintenant, transformée en cobaye de savants fous…

Mais elle a reçu la visite d’une femme venue d’un futur possible, une utopie écologique et sociale comme on pouvait en rêver dans les années 70. Et ses visites spirituelles à cette communauté possible lui donneront la force de se révolter contre les médecins…

Le roman est donc, avant tout, la dénonciation du traitement des femmes, particulièrement celles issues de communautés « inférieures », par la société, les médecins, les « assistantes » sociales… Même si s’y intercale la revendication, sous forme d’utopie, d’une société plus équilibrée, plus juste…

D’une certaine façon, il n’est pas plus « de science-fiction » que le roman prix Goncourt de 1903, Force Ennemie, de John-Antoine Nau, lui aussi placé dans un hôpital psychiatrique… Il n’en est pas moins une œuvre spéculative et bien plus riche que son prédécesseur. Et, contrairement au héros de Nau, Connie est présentée comme incapable de seulement rêver les mondes futurs qu’elle visite.

Le livre comporte, bien rendu par le traducteur, un essai de langage épicène, réellement inclusif, à l’opposé du séparatisme sexiste de la féminisation et du point médian qui devraient rester réservés aux masculinistes et aux autres séparatistes. On voit qu’il a été écrit dans une période de progrès de l’égalité et de l’universalisme.

D’ailleurs, dans une préface écrite pour une réédition récente du roman, Marge Piercy oppose les espoirs de sa génération aux reculs actuels, au désespoir des féministes actuelles. Mais pourquoi cet abandon des espoirs d’autrefois ? La tactique de défense actuelle n’est-elle pas aussi cause ou accompagnement des reculs, des abandons ?

Chronique de Georges ‘722’ Bormand

Nous en pensons

Notre avis

4,2

Le roman est d'abord l'histoire d'une femme, Consuelo alias Connie, que son origine chicano a empêché de réussir sa vie. Elle a reçu la visite d'une femme venue d'un futur possible, une utopie écologique et sociale comme on pouvait en rêver dans les années 70. Le roman n'en est pas moins une œuvre spéculative.

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A propos de Christian

L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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