La collection « Rivière Blanche » nous propose de beaux volumes contenant plusieurs romans complétés de quelques nouvelles d’un même auteur.
Celui consacré à Jean-Pierre Fontana, sous une couverture signée Caza, contient 3 romans et une nouvelle. En guise d’introduction, une rapide interview de l’écrivain apporte quelques précisions le concernant.
Shéol, le premier roman, date de 1976. On y suit plusieurs protagonistes dans un monde futuriste dévasté.
La Ville Ultime, tout d’abord, celle où, telle la Métropolis de Fritz Lang (1927), une intelligentsia s’embourbe dans le stupre et la fornication, tandis que le peuple des usineurs entretient les machines. Machines construites il y a si longtemps que plus personne n’est apte à les réparer, mis à part les machines elles-mêmes.
Art, usineur, amnésique suite à un accident, doit repartir de zéro dans cette ville mystérieuse. Yargo, étudiant dans les laboratoires de Stoire, est chargé de rencontrer Jarle, le Gouverneur de la ville, afin de lui faire part de l’imminence d’un désastre. Tous deux vont croiser Livine, la fille du gouverneur, qui va prendre faits et causes pour eux.
On y rencontre aussi frère Téosophe, Roûl le nomade et d’autres personnages mystérieux.
Au fil des chapitres, Jean-Pierre Fontana nous dévoile un monde-ville en décrépitude, survolant une terre devenue mortelle pour ses habitants. Mais il y a peut-être une alternative, d’autres créatures semblent en effet capables de vivre à la surface.
Mené sans temps mort, Shéol est un agréable roman post-apocalyptique dont les ultimes secrets sont préservés jusqu’au dénouement.
Demain matin au chant du colt est une amusante nouvelle westernopost-apocalyptique où un mercenaire poursuit un supposé tueur à travers différents univers parallèles. Déjà parue dans Galaxies, cette nouvelle pleine d’humour apporte un peu de légèreté au volume.
Secrets d’anthologistes est une courte interview permettant à J.-P. Fontana d’expliciter son travail.
La Colonne d’Émeraude nous invite à la première confrontation entre les humains et une planète étrangère et ses habitants. Il semblerait, hélas, que les humains, avec leurs gros sabots et leur cupidité, soient bien incapables d’écoute. Un roman dur, bien construit, où la plume de l’auteur se permet plus de descriptions, dessine bien ses personnages et nous fait partager les angoisses et les affres des uns et des autres. Presque trop court !
Et je lui donnerai pour nom Emmanuel est une terrible nouvelle sur l’errance d’une jeune femme désirant enfanter dans une société ayant renoncé à la maternité. De plus se distille le doute sur la santé mentale de l’héroïne.
La Femme Truquée s’inquiète aussi de la place de la femme dans une société futuriste où la surpopulation amène à un contrôle des naissances par manipulation psychique. La première partie s’attache à Noémie, qui vit dans un Paris quasi post-apocalyptique en 2191. Elle doit subir une opération de contrôle psychologique le lendemain. Cette convocation la jette dans un gouffre d’angoisses. La seconde partie nous fait découvrir Ilyana, tueuse mercenaire, qu’un étrange moine recrute pour les Services de Renseignements et de Répression. Nous la suivons dans plusieurs aventures James Bondesques, de Narbonne aux alentours de Clermont d’Auvergne, en passant par Gèrgal en Espagne et d’autres contrées inattendues. La troisième partie confronte les deux femmes dans un choix-combat entre réalité et fiction. Passant de l’amusement et à la critique d’une société où la femme doit toujours plus faire ses preuves, J.-P. Fontana entraîne le lecteur dans les circonvolutions de son imagination. Bien mené, sans temps mort, cette nouvelle version de La Femme Truquée (quasi ré-écriture de la mouture de 1980) se lit fort agréablement, sans omettre un soupçon de réflexions.
Enfin, le volume se conclut par une courte interview de l’auteur évoquant son travail d’écrivain de SF et d’initiateur de la Convention Française de SF.
Si vous n’avez pas eu l’opportunité de lire les œuvres de Jean-Pierre Fontana, vous n’aurez plus d’excuse. Ce panorama permet de découvrir les diverses facettes de son talent. On ne peut que regretter qu’il ne soit pas plus prolixe, en plus d’être un pilier du fanzinat français. Il offre des sujets originaux, des idées critiques sur la société, qu’elle soit actuelle, passée ou à venir, et une réelle inquiétude sur le sort des femmes. À lire absolument.
Des Mondes Incertains
Jean-Pierre Fontana
Éditions Black Coat Press – coll. « Rivière blanche »
492 pages – 30 euros