« Le Corps » – Anthologie dirigée par Nicolas Eustache et Michel Péret

le-corps-anthologieAprès l’école, les Éditions Parchemins et Traverses s’attaquent au corps. Vaste sujet qui a apparemment inspiré les auteurs puisque pas moins de 16 textes se bousculent dans cet ouvrage, de factures bien différentes, variant les styles et les genres, de la poésie à l’anticipation, en passant par le fantastique et la fantasy.

Avant de revenir sur quelques récits qui ont particulièrement retenu mon attention, je voudrais souligner la relecture soignée qui a, à coup sûr, accompagné cet ouvrage, tant les fautes et coquilles qui fleurissent habituellement sont ici rares. Commençons par deux nouvelles sombres, Le garçon aux yeux en forme de poisson de France Mayer, aux tonalités amères, et Empathic Body Music, qui peut se lire comme une belle réflexion sur la création. D’où viennent ces mots qu’un chanteur pose sur sa musique ? Et que se passe-t-il lorsqu’on les donne, jusqu’au dernier ?

Vendredi soir de Muriel H. Essling est une jolie pirouette, pleine d’humour qui nous mène en douceur vers le texte suivant, Expérience 17 de Semir Haddad. Le thème est déjà vu, certes, et la construction bien classique, mais l’auteur sait distiller les sentiments avec finesse et la fin ne manque pas d’intérêt. Je m’arrêterais également sur Une vallée de corps vide de Cédric Degottex, qui nous livre une vision hallucinée et captivante où un Adam damné tente de recréer Ève dans un décor de cauchemar.

Enfin, parlons des trois nouvelles qui, à elles seules, justifient amplement la lecture de l’anthologie : commençons par Lazare de Mathilde Gervaisot, qui aborde avec beaucoup d’humanité et de tendresse le clonage. Le biais choisi lui permet de prendre le lecteur par la main, et de l’emmener, sans en avoir l’air, vers un questionnement plus profond qu’il n’y paraît sur le jusqu’où peut-on aller trop loin ? Que serait-on prêt à faire, à accepter pour que revive l’être aimé ? Au passage, on notera une jolie finesse dans la description des liens uniques entre humain et animal domestique.

Ensuite, L’entropie de Pygmalion et Galatée d’Anthony Boulanger, est une superbe réflexion sur l’amour par delà la mort, une variation nostalgique et touchante sur ce thème classique. L’écriture est belle, et l’émotion imprègne la lecture.

Enfin, je terminerai sur le récit qui m’a le plus marqué, et qui porte l’empreinte d’une auteure dont chaque texte est un coup de poing. Prendre soin du démon d’Aurélie Wellenstein brasse une flopée d’idées et interroge sur la responsabilité du savant, comme sur celle du combattant ; ça parle de dictature et de résistance, de courage et de lâcheté, de volonté et de désir. Ça pulse de violence, d’images hallucinées qui frappent fort, et l’on n’est pas prêt d’oublier ce personnage de chirurgien ! Servie par une écriture travaillée et maîtrisée, c’est une nouvelle dont on se souvient longtemps.

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A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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