Votes pour le match d’écriture Convention Nationale SF 2016 : « Une espèce en voie d’apparition »

« UNE ESPÈCE EN VOIE D’APPARITION »

Très intéressant ce thème. Comment nos auteurs ont traité cela ? Pour information, ce thème était déjà sorti en comité restreint, lors d’un match d’écriture au sein du Club. Le résultat fut très positif.

  • De bitume et de chaleur
  • L’extravagante odyssée du tonneau de biogène N°19/23
Contrainte 1 Sur du bitume fondant

DE BITUME ET DE CHALEUR

La chaleur écrase tout.

Il faut continuer. Hommes et femmes traversent la place, fuient la lumière pour le confort de l’ombre, compagne aimante et douce de ces journées sans fin. Le visage vers le sol, les yeux à demi clos, personne ne cherche la caresse oppressante du soleil.

Attendre. Trouver refuge en intérieur, près de la climatisation, à regarder par la fenêtre les heures s’écouler. Je n’ai plus que ça à faire. Qu’à observer le monde tourner pendant que le soleil fait fuir les hommes. En bas, la place s’étale comme une tâche jaune. Pas d’arbre où s’abriter, pas d’ombre pour nous accueillir. Seule la nuit nous libère de nos intérieurs étriqués. Je ne peux que regarder.

Certains sont assez fous pour tenter la traversée. Ils n’ont pas vraiment le choix, je pense. Tous les jours je les vois passer. Le cadre qui se rend au travail suintant dans son costume serré ; la mère de famille qui traine sa gamine par la main pour la forcer à avancer ; le jeune punk avec son chien, dont la langue pendante racle les pavés et laisse une trace humide rapidement effacée derrière lui… Je crois que je les admire un peu. Ils font ce que je n’aurai sans doute pas le courage de faire.

A mon poste, comme tous les jours, délaissant le travail pour quelques minutes de pause, je les vois passer. Les deux gamines courent sur la place. Leurs rires résonnent dans l’espace trop silencieux, écorchent les murs et traversent les fenêtres. La chaleur ne semble pas avoir d’emprise sur elles, tant elles bougent avec fluidité, sans peiner comme nous autres. De vraies petites créatures de l’été. Je les observe longtemps, accoudé à la fenêtre brûlante. L’une est rousse, l’autre blonde. De ma hauteur, je ne distingue pas les traits de leurs visages, je ne peux qu’imaginer la légèreté de leurs robes, leur jeunesse. Que les envier de leur audace et du plaisir qu’elles y prennent.

Le jeu ne dure pas. Face contre le sol, la petite blonde regarde autour d’elle sans comprendre. Son amie aussi scrute le sol à la recherche d’une trace, d’une explication à la chute. Un pavé, désolidarisé du reste, retient leur attention. La rousse saute dessus à pied joint, comme pour le remettre, tandis que l’autre se relève. Une large tache rouge se répand de son genou à sa robe. Mais sur le sol, il n’y a rien. Le bitume a déjà tout absorbé.

Les jours s’écoulent et je ne bouge pas. Tous les matins, à mon poste, j’attends les deux enfants. Leur fraicheur me fait plus de bien que celle, artificielle, de la climatisation. En sortant, l’autre nuit, je suis allé scruter la place. Les pavés branlant se multiplient, le gens trébuchent plus facilement. On dirait que le bitume repousse toujours un peu plus la masse qui l’obstrue et l’empêche de croitre. Ici et là, des bosses se forment.

Les deux fillettes ne sont pas revenues. Plus le temps passe, plus je me dis que ça vaut mieux. Les choses ont pris une étrange tournure ces derniers jours. Le punk à chien a laissé son animal renifler le sol l’autre jour. Pisser, aussi, au milieu de la place, en haussant les épaules. Le sol a absorbé l’offrande avec une rapidité étonnante malgré la canicule. Depuis, le jeune homme passe la tête basse, seul, avec cette démarche remplie de la tristesse de la perte. Je n’ai plus jamais revu le chien.

Ils sont de moins en moins nombreux à passer par ici. Je ne peux pas leur en vouloir. Le soleil darde toujours ses rayons sur les pavés, essouffle les plus courageux et fait suffoquer les autres. Nous arrivons avant lui, repartons quand il se couche. Mais dans les bureaux, l’atmosphère n’est pas studieuse pour autant. Ils me voient encore comme le rêveur accoudé à la fenêtre comme au début de l’été. Ils ont tous ce regard morne et vide, ne s’intéressent plus à rien. Dehors, malgré la chaleur, et l’odeur de sécheresse, il se passe des choses. Le monde vit. Ou plutôt il se meurt sous le regard amusé d’un astre diurne déréglé.

Aujourd’hui, je sors. Je ne le fais pas de gaité de cœur, je n’ai pas vraiment le choix. Le thermomètre indique trente-huit degrés, mais en ouvrant la fenêtre, j’ai perçu un petit vent frais. Je ne peux rester enfermé ici juste à attendre la nuit. Ca va finir par me rendre fou. Alors je prends mon courage à deux mains. Les escaliers défilent, la température monte. La climatisation n’atteint pas les parties communes, du moins pas de la même manière que le reste. J’ai l’impression de descendre en enfer, marche après marche, degré après degré. La porte, enfin, et cette seconde d’hésitation. Dois-je vraiment la passer maintenant ? Est-ce vraiment sage ?

Tant pis.

C’est un tout autre monde qui me fait face. Un univers où tout vibre sous l’effet des mirages, où tout oscille entre réalité et cauchemar. Je n’ai pas encore passé le seuil que déjà j’ai l’impression de cuire. Je sens l’air chaud s’insinuer dans ma gorge, l’asséchant à chaque respiration. Une odeur de chaud, de goudron, et de transpiration m’oppresse. Le pire, dans cette fournaise implacable, c’est bien sûr la chaleur. Le sol suinte des degrés qui montent depuis mes pieds, tandis que le soleil m’écrase un peu plus à chaque seconde. Je suis pris entre deux feux, deux brasiers infernaux.

Les pas sont toujours plus difficiles. Je traine les pieds plus que je marche. Ils butent contre le sol, contre les pavés qui sautent devant moi, contre tout ce qui constitue cette foutue place. Le bitume semble fondre sur mon passage, j’y laisse l’empreinte gluante de mes chaussures. Mes semelles s’accrochent pour ne plus pouvoir se décoller. Devant moi, la place est vallonnée. Plus rien n’est à son emplacement d’origine, plus rien ne me semble normal. En périphérie, sur ma droite, une bosse plus grande que les autres tremblotent. Sur ma gauche, une autre grandit.

Trente-huit degrés ? Du vent ? Mais où donc ai-je pu voir ces bêtises ? Il fait plus de quarante ! Des fumerolles s’échappent du sol, tandis que je tente de poursuivre ma progression. Je ne peux plus faire demi-tour de toute façon. Les vapeurs de bitume me montent à la tête, mes pas résonnent sous mon crâne à la puissance mille. Bientôt une douleur violente achève de me vouter sur place.

Plus que quelques pas !

Comment ai-je réussi à m’extraire de ce bourbier brûlant ? Je l’ignore. L’ombre m’a accueilli comme une bonne amie, apaisant les morsures du soleil. En m’éloignant, la température aussi a baissé. J’ai retrouvé les trente-huit annoncés, le souffle réconfortant du vent.

Il a fallu y retourner aussi. De nuit, comme les autres, acceptant enfin mon sort. Plus question de braver la place désormais. J’en ai parlé à mes collègues ce matin, mais aucun n’a vraiment compris.

­– Méfie-toi, parait que le goudron, quand ça fond, c’est toxique, m’a-t-on avertis alors.

J’ai haussé les épaules, avant de reprendre ma place à la fenêtre.

Aujourd’hui, personne. La place ressemble à un champ de bataille dévasté. Il n’y a plus de traces de mes pas, aussitôt avalées par le sol. Les pavés s’entassent par endroit, comme déplacés pour faire plus d’espace. Toute une portion de la place a été mise à nue, dévoilant ses courbes maladives, les renfoncements et les bosses. Comme autant de plaies encore suintantes de goudron et de bitume, elles s’étalent et se distendent sous l’effet de la chaleur.

Même d’ici, dans ma fraicheur de machine, j’ai l’impression de les voir bouger, de revivre les mirages de chaleur de la veille. On dirait quelque chose d’organique, un magma encore informe qui prend de plus en plus d’ampleur, de plus en plus forme. Est-ce pour ça que les gens ont disparu ? Je ne vois plus personne la traverser. Même nous, on nous a ouvert les accès de secours depuis hier, qui donnent sur des artères parallèles. Tous l’évitent, mais personne ne peut retenir un regard, un mot ou une inquiétude pour ce paysage si étrange qui se forme sous nos yeux.

– N’empêche, je ne pensais pas que la chaleur pouvait faire des œufs de poule pareil… grommèle un collègue en s’éloignant de la fenêtre.

Œuf de poule. L’expression résonne dans ma tête et me laisse un arrière-goût amer. Comme un malaise qui fait son chemin dans mon esprit, je ne peux m’empêcher de me la répéter, encore, et encore. Les pleins et les déliés de la place me narguent, tandis que les mots me laissent mal à l’aise. Et si… ? Bien sûr que non. Je secoue la tête, riant de ma propre bêtise. Mais même mon rire sonne faux. En bas, j’ai l’impression que les bosses ont encore grossi. Qu’elles s’épaississent à vue d’œil. Ça palpite, ça s’agite.

Et l’idée tourne et retourne dans ma tête.

Je descends encore une fois l’escalier, pour observer au plus près, tout en restant dans la fraicheur du bâtiment. A travers la porte vitrée de l’entrée, cela ne fait plus aucun doute. Le bitume se fissure. Des failles se creusent tandis que tout bouge. Ca vibre dans l’air, jusque dans mes pieds, jusque dans mon squelette.

Ca va éclore !

L’idée est absurde mais je la sais vraie. La Terre accouche d’une nouvelle espèce, hybride né de Mère Nature et d’un père façonné par les hommes.

Déjà les fissures s’écartent, des morceaux tombent avec fracas encore retenus par des filaments de bitume fondant. Née de la chaleur, elles se déploient, irradiant de tout leur être. Du goudron et de plumes, de bitume et de chaleur, elles déploient leurs ailes diaphanes encore engluées.

Contrainte 1 Sous terre
Contrainte 2 Un chercheur de déchets

L’EXTRAVAGANTE ODYSSÉE DU TONNEAU DE BIOGÈNE N°19/23

« Piotr-Alain Merlon était chercheur-enfouisseur de déchets de 3e classe depuis sa sortie, sans gloire, de l’Ecole de Recyclage de Douce-France Bêta-4, planète peu fréquentée par les formes de vie de haut niveau, qui plus est très à l’écart de tous les grands tunnels subspatiaux. Autant dire que le choix d’une carrière n’était pas trop dur… Sur Douce-France Bêta-4, on était chercheur-enfouisseur de déchets ou rien du tout, et rien du tout signifiait un premier pas vers la cuve à protéine…

Son rang de sortie l’avait royalement propulsé au grade le plus bas de la profession que toutes les créatures raisonnables essayaient d’éviter. Heureusement pour lui, son peu d’imagination ne lui avait autorisé aucun sentiment de malheur ou d’injustice : sur Douce-France Bêta-4 seul le grade faisait l’objet d’une quelconque espérance… Il avait retourné la situation pour en faire le point de départ d’une vie qui ne pourrait être qu’heureuse : rien de plus pénible ne pourrait jamais lui arriver. Évidemment, il se trompait…

Ses premières missions se répétaient comme autant de successions immuables, gestes et procédures qui ne laissaient aucune place à l’initiative. Il lui revenait immanquablement de collecter sur les aires adéquates les fûts de déchets de classe 3, de les convoyer jusqu’au premier terrier de globule de Lamarck abandonné, et de l’y pousser dans le bon sens, pour qu’il atteigne au moins 15 unités de profondeur. Aurait-il manqué ce résultat qu’il lui aurait fallu descendre dans le terrier, arrimer le tonneau avec son câble de ceinture puis le hisser hors du trou pour l’y rejeter. Sur Douce-France Bêta-4, les globules de Lamarck, une espèce endémique et peu armée pour la survie, avaient eu la bonne idée de disparaître rapidement après l’arrivée des premiers colons. Il ne s’agissait pas franchement d’aventuriers : ils étaient pour la plupart des citoyens lambda-moins que les Archontes alternatifs avaient, dans leur infinie bonté, fait échapper aux cuves de protéine, préférant leur donner une chance de terraméliorer des planètes de dernière catégorie. Au pire, ces peu entreprenants colons serviraient d’engrais pour une future vague de pionniers… Malgré l’hostilité du milieu et l’incompétence généralisée des colons, il  en survivait presque toujours quelques-uns, qui employaient leurs dernières forces à se reproduire et à accomplir, lentement mais inexorablement, la tâche qui leur avait été confiée…

En bref, Piotr-Alain Merlon était un presque rien sur un monde de rien du tout…À la fin de la quatrième année de son labeur insipide, et les années sont très longues sur Douce-France Bêta-4, il avait entrevu une lueur d’espoir : un poste de trieur-déposeur allait se libérer ! Il n’avait rien demandé, ce n’était pas son genre, mais il se disait que la qualité de son travail, fût-il du plus bas niveau, lui vaudrait peut-être ce qu’il fallait bien considérer comme une promotion. Hélas pour lui, sur Douce-France Bêta-4, on est extrêmement pragmatique et, contrairement à ce qui se passe sur des planètes plus dynamiques, quand quelqu’un faisait bien ce qu’il avait à faire, eh bien, on pensait, et c’est loin d’être insensé, qu’il fallait le laisser continuer dans ce qui était finalement une sorte de domaine d’excellence. Mais ça, Piotr-Alain Merlon n’était pas assez observateur pour s’en être rendu compte… Toujours est-il qu’un jeune débutant obtint le poste presque convoité par Piotr-Alain Merlon. Son insignifiant dépit ne dura pas, le grand tirage allait bientôt avoir lieu et, partout, les préparatifs de la fête faisaient ressembler Douce-France Bêta-4 à une planète active. Le sim-café coulait à (petits) flots, on cuisait des pains de plusieurs formes. Bref, c’était la fête !

Le grand jour arriva très vite. Tous les Doux-Franciens B4 étaient, événement rarissime puisque annuel, tous en congé, et tous devant leurs écrans, attendant l’heure fatidique… La sphère géante en polymère-28 avait été remplie de 823 456 billes, une pour chaque recycleur de plus de 7 ans (les longues années de Douce-France Bêta-4…). Au moment où son nom apparut à l’écran, quand le juge posa la bille dans le liseur, Piotr-Alain Merlon réagit à peine… Puis, un sentiment inédit l’envahit : finalement, il pouvait lui arriver quelque chose de pire… Les acclamations et les cris de soulagement retentirent, brouhaha plus qu’inhabituel sur la planète. Une fois de plus, j’y ai échappé, se réjouissaient les Doux-Franciens B4. Encore une année paisible à venir. Même ceux qui ne connaissaient pas Piotr-Alain Merlon, c’est-à-dire tous les Doux-Franciens sauf son supérieur immédiat, le remerciaient, intérieurement ou à voix haute pour les plus intrépides…

Il lui fallut rapidement l’admettre : il avait été désigné par le sort pour être le prochain Enfouisseur-Lointain. Tout le monde savait pertinemment qu’on n’en revenait pas, et les récits les plus anxiogènes et les plus étonnants étaient nés de ce travail nécessaire à la bonne marche de la planète… l’Enfouisseur-Lointain devait emmener le tonneau de gaz biogène le plus fort, le tonneau de déchets le plus dangereux, bourré d’un concentré des substances les plus biogènes, mutagènes et pour ainsi dire toxiques, que l’on souhaitait éloigner le plus possible de la planète. On construisait donc, tous les ans, une navette séquentielle à usage unique, doté d’un programmateur de destination aléatoire et fixe, qu’on ne déclenchait qu’au moment du lancement de la navette. Personne ne saurait jamais ou le tonneau serait enfoui, dans les règles espérait-on…

Tout se passa très vite ! En moins d’une terra-semaine Piotr-Alain Merlon fut préparé, son scaphandre ultra-blindé moulé à même son corps, soudé au titanoplasma, et on glissa le tout dans le compartiment cylindrique de la navette.  Le semi-archonte de la planète poussa un levier, enfonça une touche de sa plaque de commande, et la navette décolla, dans un tonnerre d’applaudissements et un nuage multicolore de molécules intimement désintégrées par la propulsion à matière gris-foncé… Quand les soupirs de soulagement retombèrent, chacun retourna à son occupation. Un an de répit ! Merci Piotr-Alain Merlon !

Dans la navette, Piotr-Alain Merlon passa par les impressions les plus étranges : il se sentit tour à tour rétrécir, s’étirer, se disperser ou se multiplier en un nombre infini de lui-même. Une fois cette période intense d’accélération terminée, plus rien. Plus rien du tout. Le silence et l’ennui, du moins si Piotr-Alain Merlon avait eu suffisamment de vie intérieure pour pouvoir s’ennuyer, seul avec lui-même. La déficience même de son intellect lui était un secours : le trajet ne fut qu’un véritable nirvana, sans durée ni rien d’autre…

Enfin, l’objectif (s’il s’agissait bien toutefois d’un objectif), fut atteint.

Piotr-Alain Merlon fut expulsé de la navette, et les moteurs de son scaphandre lui permirent ses premiers mouvement sur ce sol étranger. Ses indicateurs l’informèrent que la planète avait un début d’atmosphère, presque respirable, constat qu’il accepta comme tel, n’ayant après tout pas d’autre choix…

Il lui fallut extraire le fût de déchets, qui avait été identifié comme le numéro 19/23. Hélas pour lui, pas de terrier de globules de Lamarck ou quoi que ce soit d’approchant : la planète avait toujours été d’une stérilité totale… Pas de trace de volcanisme, aucune faille, pas le début d’une anfractuosité dans la roche grisâtre qui recouvrait l’immense plaine où la navette s’était posée, tant bien que mal : après tout, elle était à usage unique…

Pour la première fois peut-être de sa vie, il prit ce qui pouvait s’apparenter à une décision : il lui faudrait creuser lui-même un terrier suffisamment large et profond pour y enfouir son tonneau ! Il découvrit vite que la tâche s’avérait impossible s’il devait rester dans son scaphandre. Quel choix avait-il ? Il enclencha donc le processus de délitement des ultra-soudures, et, en quelques instants, il fut débarrassé de son encombrante carapace… Il eut même un éclair de lucidité : que pouvait bien signifier « presque respirable » ? Il ne put que constater que, bon, ça allait… Pour combien de temps, ça, en revanche, peut-être heureusement assez longtemps pour accomplir sa mission…

Il n’eut malheureusement pas le temps de se le demander réellement : « presque respirable » n’était décidément pas synonyme de « respirable ». Son corps s’affaissa, tombant sur le fût et le heurtant avec un angle improbable. Il n’était évidemment plus en mesure d’apprécier le caractère hautement improbable de ce qui s’ensuivit : L’onde de choc de sa chute entra en résonance avec certaines des substances les plus actives contenues dans le tonneau, et par un enchaînement de nano-causes et de micro-effets une imperceptible, mais réelle, fissure viola l’enveloppe du tonneau…

Le rayonnement stellaire adéquat, la chimie la plus violente, un électromagnétisme des plus monstrueux, tout concourut à transformer la dépouille de Piotr-Alain Merlon en soupe primordiale, et une soupe primordiale ultra-assaisonnée aux biogènes et mutagènes hors-classe. Le bouillonnement dura quelques semaines… Puis, pendant de longues heures, de petites entités sphériques se formèrent, se déformèrent, fusionnèrent et se multiplièrent ! Au bout d’à peine une année-standard, des créatures commencèrent à se différencier, s’éloigner du milieu qui les avait créés. Bientôt (enfin à l’échelle de créatures qui ne sont pas pressées…), toute la planète grouilla de vie. Un nombre incroyable d’espèces étaient apparues. Si un observateur avait été là, il aurait pu noter que tous les êtres qui peuplaient à présent la surface de la planète, tous avaient quelque chose de Piotr-Alain Merlon. »

Vous connaissez tous ce récit primordial, centre de nos croyances les plus profondes…

Tout le monde dans notre galaxie connaît bien sûr cette célèbre planète, la Grande Pamerle, d’où nous sont venus ceux qui sont partout, ceux qui ont grand mérite à supporter une espèce aussi primitive que la nôtre…

Béni soit Piotr-Alain Merlon et son divin tonneau, qui ont transformé l’univers à jamais !

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