« Bearmouth » de Liz Hyder

Bearmouth – la gueule de l’ours – ce sont des kilomètres de tunnels, des tonnes de charbon, un enfer chaud, poussiéreux et sans lumière, dont on ne ressort jamais.

Les travailleurs sont entièrement soumis à la volonté du Maître, et toute tentative de résistance impitoyablement réprimée. Alors, les hommes subissent, courbent la tête et espèrent un signe du Seigneur, celui qui leur dira qu’ils ont enfin racheté les fautes de leurs ancêtres et qu’ils peuvent revenir vivre au soleil et à l’air libre.

Crapouille est dans la mine depuis dix ans, il n’était encore qu’un tout petit enfant quand il est arrivé. Il a accepté son sort et se contente des bribes d’évasion que lui offre Thomas, un grand qui lui apprend à lire et à écrire. Lorsque le jeune Desmond les rejoint, avec ses idées de révolution et de liberté, Crapouille a peur, mais il ne peut s’empêcher de tourner ces mots dans sa tête.

Au premier abord, le lecteur sera déstabilisé dans sa lecture, puisque l’autrice a choisi de retranscrire le récit fait par un unique narrateur, Crapouille. Et celui-ci, s’il apprend l’orthographe, est bien loin de la maîtriser. Le texte est donc constellé de fautes et c’est assez déstabilisant. Toutefois, l’obstacle s’efface devant une histoire très bien construite, qui décrit dans toute sa crudité et cruauté, le travail dans les mines de charbon, l’exploitation sans vergogne d’hommes et d’enfants, pour le profit de quelques-uns.

Il sait dépeindre avec émotion les sentiments de ces esclaves modernes, entre résignation, crainte, espoir, solidarité et lâcheté. Les personnages sont très bien campés, de Crapouille qui cache un énorme secret à Tobie le petit qui commence à peine à s’endurcir, de Thomas le grand-frère qui essaie de protéger les plus jeunes à Jack, fruste mais honnête.

Et puis, il y a les autres, Walsh, l’ordure opportuniste, M. Johnson, le Maître, qui régit leur vie, et puis le Seigneur tout-puissant. Chacun a son existence propre, ses traits de caractère qui s’affirment et s’affinent au long du récit. L’autrice propose un rythme tour à tour lent lorsqu’il s’agit de l’effroyable monotonie des jours de labeur, et qui s’accélère quand l’heure de la révolte approche. Mais à quel prix ?

Le récit monte en puissance au fil des chapitres et embarque le lecteur dans cet apprentissage de la liberté, mais aussi de la douleur. Tout un panel de sentiments très forts parcourt les pages : violence, cruauté, souffrance, et puis amitié, solidarité, courage. Un beau roman à mettre entre toutes les mains – à partir de 13 ans (une scène en particulier n’est pas destinée à un public plus jeune), qui donne à voir la terrible réalité de l’esclavage, mais également la force de la rébellion, servi par une écriture intelligente et très maîtrisée.

Chronique de Sylvie ‘822’ Gagnère

A propos de Christian

L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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