Oh ! Combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines…
Victor Hugo
Né en 1964, Serge Lehman n’en est pas à son coup d’essai. Auteur de la trilogie F.A.U.S.T. (F.A.U.S.T., Les Défenseurs et Tonnerre Lointain), décrivant – ou plutôt stigmatisant – une société ultra-libérale, mondialisée et inhumaine, il a fait également preuve de beaucoup de talent dans ses nouvelles (Nulle part à Liverion et L’Inversion de Polyphème). À cet égard, Serge Lehman appartient à cette nouvelle génération d’auteurs français de science-fiction qui s’attachent à combler le retard pris par la France dans ce domaine dans les années 80-90.
Moins politisé que F.A.U.S.T. et plus proche du space opera, Aucune étoile aussi lointaine décrit l’errance d’un prince qui a voulu être le dernier spationaute. Arkadih Tomekin est en effet le prince successeur du trône de la planète Murmank, perdue aux confins de la Voie Lactée et héritier d’une dynastie millénaire d’explorateurs. Elevé par son grand-père Pavel au milieu des légendes d’explorations spatiales, Arkadih décide de devenir un naute, un capitaine de vaisseau d’exploration spatiale. Or un jour, les ingénieurs du Troisième Omnium (grande confédération galactique) viennent installer sur Murmank le « toboggan », porte dimensionnelle permettant de voyager instantanément d’un monde à un autre. Au grand dam d’Arkadih, le « toboggan » rend obsolète les vaisseaux spatiaux… et les nautes ! Néanmoins, une mystérieuse voix le guide vers un ancien navire, l’Anubis, qui autrefois amena les hommes sur Murmank. Dernier naute, Arkadih se lance à la poursuite d’une mystérieuse machine, le Noyau, dont le principal objectif semble l’élimination de toutes les races pensantes. Une course-poursuite s’engage…
Que l’on ne s’y trompe pas : si le début semble classique pour un space opera, ce n’est qu’un jeu de miroirs littéraires que l’auteur utilise pour mieux abuser le lecteur. De coups de théâtre en rebondissements (souvent des histoires dans l’histoire), la quête d’Arkadih devient très métaphysique au point de concerner toutes les races intelligentes du cosmos, et même Anubis, l’intelligence artificielle du vaisseau. Aucune étoile aussi lointaine est à ranger de ce point de vue à coté de Dune ou de Radix, où la somme de chaque intrigue s’inscrit dans une quête quasi religieuse. Le second intérêt de ce roman réside dans la richesse des personnages. Chacun a un caractère propre (même les robots !), voire un sale caractère ! L’interaction entre un naute qui, de son propre aveu, « est une personne à qui l’on aime raconter des histoires », et les autres protagonistes extraterrestres, très bien décrits, prédomine sur l’action proprement dite. Au bout de ce livre reste un goût amer, celui de la nostalgie ; un regret de l’enfance, de ses légendes, de la marine à voile et de la solitude du voyageur. Promis. Un jour, je serai marin.
Chronique de Jean Cesbron Lavau
Éditeur | J’ai lu |
Auteur | Serge Lehman |
Pages | 348 |
Prix | 41F |
Nous en pensons ...
Notre avis
4.2
Que l’on ne s’y trompe pas : si le début semble classique pour un space opera, ce n’est qu’un jeu de miroirs littéraires que l’auteur utilise pour mieux abuser le lecteur.