« Il y a des étrangers dans la plaine ! »
On ne saurait trop remercier les éditions de poche de continuer à permettre aux petites bourses d’avoir une chance de suivre ces sagas qui rechignent à se contenter d’un seul volume.
Nous retrouvons ainsi Toubib, biographe de la Compagnie Noire, et ses compagnons. Les deux premiers tomes les avaient amenés de victoires amères aux affres du choix de la défaite aux côtés des plus faibles. Pour être mercenaires, la Compagnie n’en est pas moins formée d’hommes qui, bien malgré eux, laissent parfois parler leurs cœurs !
Désormais passée dans le camp des ennemis de la Dame, la Compagnie Noire a pris fait et cause pour la Rose Blanche. Sous cette appellation se cache Chérie, la jeune fille muette que Corbeau avait gardé sous son aile avant de disparaître.
Le Trou dans lequel la résistance se terre est en plein milieu de la plaine de la peur, lieu désertique s’il en est. Quoique désertique, côté faune, elle est plutôt bien servie : les animaux y sont particulièrement dangereux(serpents, scorpions, chacals), les plantes les suivent (corail toxique) de près, et on n’a même pas évoqué les menhirs.
« Il y a des étrangers dans la plaine, Toubib ! » Ces rochers s’expriment lapidairement, souvent à Toubib, qui attire décidément les catastrophes.
Glen Cook nous plonge dans un bain de folies par l’entremise de ses personnages, dotés ou non de pouvoirs magiques, traversant des aventures aux apparences parfois simplistes. Le puzzle prend peu à peu forme. Des formes souvent trompeuses surgissent de cette plaine de la peur jamais réellement calme. Quand les menhirs ne se déplacent pas, se sont les arbres qui déambulent, les baleines qui volent. Ce désert des Tartares tiendrait plutôt de la cocotte minute. L’auteur s’amuse visiblement avec les références. On était souvent troublé par ces noms qui n’en sont pas : Chérie, Silence, Qu’un Oeil, Gobelin, Murmure, la Dame, les Asservis sont des personnages ; Tanneur, Charme sont des villes. Il vise gentiment le cinéma qui usait de références : « Mais, tout sordide qu’il soit, ce repaire symbolise le cœur et l’âme de la rébellion de la nouvelle Rose Blanche. Le Nouvel Espoir, comme il se murmure dans les nations sous le joug. »
Le hasard de l’actualité cinématographique voit sortir en avril 2006 « Sophie Scholl, les derniers jours » de Marc Rothemund. Il s’agit d’un film allemand qui évoque la « Rose Blanche », groupe de résistants allemands en 1942, qui fut décimé en 1943. La Compagnie Noire dépeint bien des batailles imaginaires, mais sait aussi se rattacher au réel…
Ce troisième tome est peut-être moins sanglant que les précédents, mais la noirceur de l’attente, l’imminence de fin du monde qui y pourrit lentement lui apporte une part de ténèbres plus profonde. Le sort de l’humanité se joue ici. Les ennemis vont peut-être même devoir réajuster leur tir. Toubib n’a forcément pas encore été oublié par la Dame.
Les phrases semble parfois se télescoper, ou n’être plus que des points de suspension : concises. Cook élève son roman à un excellent niveau de littérature. Il nous fait partager à tous les niveaux les recherches contre la montre des personnages. Les uns évoluent dans le monde de la sorcellerie, Toubib dans les lettres qu’un expéditeur mystérieux lui fait parvenir. Tous courent après la faille de l’adversaire, tous veulent le pouvoir du Dominateur, qui n’en finit pas de mourir, ou de revenir à la vie, enfoui dans son Tumulus.
Faussement calme, la Plaine de la peur nous emmène bien loin, là où l’imagination de l’auteur veut nous faire réfléchir. Il y a des étrangers dans la plaine, nous avons tout intérêt à les découvrir.
Chronique de Vincent ‘1379’ Delrue
Éditeur | J’ai Lu |
Auteur | Glen Cook |
Pages | 440 |
Prix | 7,80€ |
Nous en pensons ...
Notre avis
4.0
Le sort de l’humanité se joue ici. Les ennemis vont peut-être même devoir réajuster leur tir.