Un film à ne pas rater en ce moment, même s’il faut s’accrocher pour trouver un créneau (il passe au Brady une fois par semaine, et à une heure bien précise !) : Jodorowsky’s Dune, réalisé par Frank Pavich.
La vieille génération se souviendra avec émotion de ce réalisateur complètement illuminé, bien dans la mouvance philosophico-mystico-érotique des années 70, et de sa Montagne Sacrée. Et de l’immense déception que fut l’abandon de son projet grandiose pour mettre sur écran le chef-d’œuvre de Frank Herbert. Les plus jeunes pourront se référer à la série de l’Incal, ou des Méta-barons, ou à ses dernières réalisations, comme la Danza de la realidad.
En tout cas, quand on voit quelle équipe fabuleuse il avait réunie (Chris Foss, Dan O’Bannon, Giger, Moebius pour l’univers visuel, Dali en personne dans le rôle de l’empereur, Orson Welles dans celui du baron Harkonnen !) ; quand on mesure le degré d’enthousiasme, l’implication totale dans le projet du réalisateur et de ses « guerriers », y compris son propre fils, qu’il a soumis pendant six ans à un entraînement intensif dans les arts martiaux, et surtout quand on voit les images et maquettes du gigantesque Book qu’il avait présenté à tous les studios hollywoodiens, on enrage copieusement que la veulerie des producteurs ait mis fin à l’aventure, et surtout qu’on ait proposé dix ans plus tard au public un médiocre avatar, gigantesque loupé d’un réalisateur pourtant talentueux, David Lynch.
A noter que Jodorowsky, lui, n’a pas enragé, au contraire : il dit avoir été voir le film de mauvaise grâce, dans l’état d’esprit d’un condamné à mort, et qu’il s’est senti de mieux en mieux au fur et à mesure que la médiocrité du produit lui sautait aux yeux ! Il lui aurait été trop douloureux que quelqu’un réussisse là où il avait échoué. Michel Seydoux, lui, complice de Jodorowsky dans le projet, n’a jamais voulu voir le film de Lynch.
Un détail intéressant : des magnifiques et gigantesques livres envoyés aux studios, contenant le story board, les photos des maquettes, les projets de costume, les détails de réalisation technique, ne subsistent que deux exemplaires dans le monde. Faut-il croire que les studios hollywoodiens ont détruit les autres ? On peut en douter à voir (et c’est démontré !) combien le cinéma de SF ultérieur a pu, soyons polis, « emprunter » les idées et les trouvailles de ces illuminés de génie !