La dernière fois que Jaspucine a mis un pied dans le monde des hommes, elle en a littéralement perdu la tête : la Révolution française n’a pas été une période très profitable pour les créatures féeriques. Sauf pour Zhellébore, l’enfoirée qui l’a envoyée à l’échafaud.
La vengeance étant un plat qui se mange froid, Jaspucine est bien décidée à retrouver la traîtresse. Même si pour cela elle doit s’attacher les services d’un détective. Humain, le détective. Et du 21e siècle. Toutefois, à force de remuer ciel et terre, c’est sur une conspiration bien plus grande que la fée et l’enquêteur vont tomber.
Après les zombies sensibles à la musique (cf. Le Club des Punks contre l’apocalypse zombie in PdE no 92), voici les fées et autres créatures qui flanchent devant l’herbe-qui-faitrire. Autant vous dire que Karim Berrouka, fidèle à lui-même, embarque son lecteur dans une fantaisie débridée, parfaitement loufoque, totalement farfelue et délicieusement absurde !
Comme le détective Marc-Aurèle, on est d’abord un peu interloqué, parfois dubitatif, et puis on se laisse aller au plaisir de la lecture. Porté par l’écriture enlevée de l’auteur, qui peut sembler aussi foutraque que ce qu’elle raconte, mais relève en fait d’une maîtrise admirable, le lecteur ne se perd jamais dans cette drôle d’aventure.
La trame, pour improbable qu’elle soit, reste parfaitement cohérente, au bout du compte. Karim Berrouka réussit même l’exploit de caser là-dedans de vrais morceaux d’histoire, parfaitement intégrés. L’humour, souvent décapant, les dialogues, troussés avec art, les personnages, attachants et parfaitement campés (des gentils aux méchants, en passant par tous les entre-deux) font de ce roman un délicieux moment de plaisir.
Mais pas que… Ne dirait-on pas que se glisse incidemment une critique acerbe de notre société ? Thriller, polar, fantasy urbaine, l’objet est inclassable, sinon dans une catégorie : celle des livres à lire absolument !
Chronique de Sylvie ‘822’ Gagnère