La première édition de 1992, chez Québec Amérique, a reçu cinq prix littéraires en 1993 : Citation spéciale du prix Philip K. Dick, Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois, Prix Aurora, Prix Boréal, Prix du salon du livre de Saguenay Lac-Saint-Jean.
Les Chroniques du Pays des Mères, c’est un monde où l’amour entre homme et femme n’existe plus, car s’il y a toujours des femmes, il reste trop peu de mâles, suite à une des nombreuses mutations génétiques affectant l’environnement d’une Europe où les communautés humaines survivent entre des zones stériles appelées Mauterres.
La reproduction est donc devenue une affaire de survie collective et de traditions. Nous suivons Lisbeï, fille de la Mère de Béthély, qui ne lui succédera pas comme prévu, mais deviendra une exploratrice parcourant le Pays des Mères. Elle sera à l’origine de découvertes sur le passé qui remettront en cause des vérités religieuses bien établies sur les Filles de la célèbre Garde.
Elle sera aussi amenée à prendre position sur l’amélioration du sort des hommes, auxquels les femmes ont encore bien du mal à pardonner l’époque de leur asservissement dans les Harems, dont elles furent libérées par Garde. Le roman se compose d’une alternance de chapitres du point de vue de Lisbeï à différents âges et de lettres de plusieurs personnages.
Autre particularité, sa langue reflète la domination féminine de ce monde en reconstruction : pluriels et accords de genre sont féminins par défaut. Ce grand roman féministe traite des (difficiles) relations homme/femme avec sensibilité et intelligence, sans tomber dans le cliché horripilant qui voudrait faire des femmes des « anges de douceur ».
Il montre aussi fort bien les différentes facettes de la maternité, et s’offre le luxe de défendre la méthode scientifique sans pour autant rejeter la spiritualité, vue comme une composante nécessaire de la psychologie et de la société humaine. La religion n’y est en effet pas présentée de manière uniforme, mais parcourue de débats entre un courant progressiste et un courant traditionaliste que l’on devine capable d’excès ; son lien avec la politique est évident puisque ce sont les Mères qui prennent les décisions pour tout le Pays, y compris religieuses. Des textes comme celui-ci, on en redemande !
Chronique de Béryl ‘1873’ Asterell