« Les Compagnons de l’Ombre – 12 » – Anthologie présentée par Jean-Marc Lofficier

Voici le 12e tome de cette anthologie dédiée aux romans populaires et feuilletons du XIXe et du début du XXe siècle, aux fanzines contemporains, sans oublier divers films et séries télés. Au menu : aventures historiques, westerns, polars, espionnage, récits fantastiques et SF. Des auteurs d’aujourd’hui inventent de nouvelles aventures à leurs héros favoris (et à leurs adversaires).

Dans ce volume, 14 auteurs (anglais, américains, australiens ou français) présentent 17 pastiches. En finale, des « génériques » fournissent la liste des emprunts aux créateurs d’origine. Pour goûter toute la saveur de ces références, mieux vaut avoir fréquenté les œuvres dont ce recueil s’inspire. Si cela manque à votre « culture », un conseil : feuilletez deux anciens numéros de PdE. Les dossiers Philip José Farmer (n°63) et Brigade chimérique (n°70) vous feront comprendre certaines allusions.

Dès la première nouvelle (Les larmes de Marguerite), nous sommes dans le Wold Newton Universe imaginé par P. J. Farmer. Selon celui-ci, les radiations émises par une météorite tombée sur un village anglais en 1795 auraient provoqué des mutations, d’où l’apparition de quelques surdoués qui ont côtoyé des personnalités historiques et dont la littérature s’est emparée. Dans ce monde où il n’y a pas de frontière entre imaginaire et réalité historique, toutes les rencontres sont possibles. Win Scot Eckert en est ici au 3e épisode d’une saga où les familles du Mouron Rouge et des Holmes côtoient des personnages de Leblanc, Dumas, Féval et Jane Austen, ainsi qu’une comtesse vampire (empruntée au cinéma). À l’arrière-plan, la campagne d’Italie de Bonaparte. À noter que cette saga trouvera sa fin dans le tome 13 des Compagnons de l’Ombre.

Les autres auteurs de cette anthologie pratiquent le même mélange des genres, des écrivains, de l’imaginaire et de l’Histoire. Avec quelques thèmes récurrents.

D’abord la référence aux précurseurs de la Science-fiction. Ainsi Patrick Lorin et Denis E. Power marchent sur les traces de Jules Verne et Michel Stephan lui rend un hommage indirect, en même temps qu’il fait un clin d’œil à Gustave Lerouge et pastiche La Guerre des Mondes de H.-G. Wells. Les Habits Noirs, confrérie du crime inventée par Féval, trouvent leur place dans cinq nouvelles de ce recueil. Tantôt on les voit entretenir le chaos dans le monde, car les guerres leur permettent de s’enrichir. Tantôt on assiste aux rivalités pour leur trésor ou leur direction.

Par exemple, Frank Schildiner s’amuse à confronter ces truands à l’ancienne à des maffieux sortis des romans de Ian Fleming. Par ailleurs, les affrontements de services secrets juste avant la 2e guerre mondiale inspirent tour à tour Stuart Shiffman (avec le flegmatique Lord Peter à Istanbul), Peter Rawlik (le « grand jeu » dans les îles du Pacifique) et Joshua Reynolds, réunissant au Louvre, autour de la statue de Belphégor, la crème des détectives et un émissaire du Dernier Atlante. Les décors et les personnages de western (notamment les Indiens) hantent quatre nouvelles, tour à tour en compagnie de Passepartout, de personnages de Kerouac, de fourmis devenues géantes suite à des expériences nucléaires, ou de vampires ! Ces derniers pointent leurs dents à plusieurs reprises : Eckert en emprunte une au cinéaste espagnol Jaime Chavarri et Louis Feuillade en fournit toute une bande à Joshua Reynolds pour traquer Nestor Burma. Sans oublier une discrète allusion aux Vampires de Marseille d’Arthur Bernède dans La Pierre de Charlemagne.

Quant à Léo Saint Clair, alias le Nyctalope, longtemps oublié des lecteurs, il ressurgit ici. David Mac Donald nous fait rencontrer son père dans Gel diplomatique, en mission chez le Peuple du Pôle. Romain Leary exile Léo dans un village de Californie où il est en butte aux Monstres de l’Espace et Travis Hiltz le confronte à des fourmis géantes au Nouveau-Mexique. Les gentlemen-cambrioleurs aussi ont la cote : John Pell donne au Saint l’occasion de faire son numéro, les allusions à Arsène Lupin se glissent ici ou là et, au fil des nouvelles, il y a plus d’un ex-voleur reconverti en détective.

Quelques thèmes à part : le savant fou créateur de mystérieuses créatures (avec Les Ailes de la Terreur de Nicholas Boving, digne d’être illustré par Tardi, même si Adèle Blanc-Sec ne figure pas au générique) ; la manipulation de l’histoire terrienne par des extraterrestres dans L’Oiseau de Mort de Shildiner, avec Jean Kariven, héros de Jimmy Guieu, piégé dans l’affrontement entre Polariens et Dénébiens « qui prennent notre monde comme aire de jeu » ; enfin Les Mémos Wayne de Xavier Mauméjean, une uchronie inattendue où Trotski serait à l’origine de la transformation du jeune Wayne en Batman – clin d’œil savoureux à l’obsession du « péril rouge » de McCarthy !

Les rencontres improbables ont leur charme (Nemo et Rocambole, Simenon et le Saint, Charlie Chan et la future Madame Atomos), et certaines répliques sont dignes des personnages d’origine (Charlie Chan par exemple). Dans l’ensemble, les auteurs ont dû bien s’amuser avec ces figures de quadrille. Mais parfois le lecteur se perd dans une figuration trop abondante (Le professeur Peaslee à Paris). Et puis dommage qu’il y ait un peu trop de coquilles !

Chronique de Marie-Renée Lestoquoy

Nous en pensons ...

Notre avis

3.2

Dans l’ensemble, les auteurs ont dû bien s’amuser avec ces figures de quadrille. Mais parfois le lecteur se perd dans une figuration trop abondante (Le professeur Peaslee à Paris). Et puis dommage qu’il y ait un peu trop de coquilles !

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