« DRONE LAND » de Tom Hillenbrand

Dans un futur proche, l’Union européenne est une entité dans laquelle les citoyens sont surveillés en permanence par des batteries de caméras, drones, specs et autres gadgets technologiques.

Le travail de la police s’en trouve grandement simplifié, puisque les faits et gestes de chacun sont continuellement enregistrés. On peut même reconstituer virtuellement une scène de crime, et s’y projeter. L’appui de Terry, l’ordinateur tout-puissant d’Europol, complète la panoplie.

Lorsqu’un membre du parlement européen, à la veille du Brexit, est retrouvé assassiné, le commissaire Westerhuizen, chargé de l’affaire, pense la résoudre rapidement. Pourtant, de petits détails viennent semer le trouble et laissent supposer que Terry a été altéré pour cacher un scandale qui menace d’ébranler les fondements de l’Europe.

Une intrigue policière classique dans le cadre d’une dystopie très crédible, cela donne ce Drone Land cauchemardesque, où, malgré le renoncement à toute vie privée et à nombre de libertés au nom de la sécurité, la violence et le crime existent encore. C’est une Europe liberticide, ultra-libérale et finalement déshumanisée que nous peint Hillenbrand, avec une précision et une crédibilité qui font froid dans le dos.

Le tour de force, c’est d’avoir choisi un flic « à l’ancienne », adepte des nouvelles technologies, certes, mais admirateur du cinéma d’antan et de Bogart. Il a perdu sa femme, boit plus que de raison et vit reclus dans son petit appartement. À cet archétype du protagoniste de roman policier, l’auteur ajoute le traditionnel indic et la collaboratrice/amie/amante. C’est à travers et grâce à ces personnages que l’on rentre dans cet univers glaçant où, peu à peu, nos héros découvrent que le meurtre dont ils s’occupent en cache d’autres, et surtout des scandales qui mettent à jour la corruption du monde politique, allié au monde des affaires.

La paranoïa s’installe rapidement : à qui se fier lorsque l’on commence à soupçonner que la technologie qui régit l’Union n’est peut-être pas (plus ?) tout à fait neutre ? Le lecteur ne cesse de se demander comment tout cela va se terminer…

Tom Hillenbrand réussit à faire vivre un système où tout est dépendant de la technologie (et donc de ceux qui la contrôlent), un monde qui fait froid dans le dos, parce qu’on ne peut s’empêcher de supposer qu’on en prend tout droit le chemin : sacrifice des libertés et de la vie privée au nom de la Sécurité, enfermement individualiste, dépendance extrême à la technologie, bouleversements climatiques qui conduisent par exemple à la disparition des Pays-Bas à cause de la montée des eaux…

Les amateurs de SF penseront bien sûr à Orwell  (1984), mais aussi à Philip K. Dick  (Minority Report en particulier). Toutefois, ce ne serait pas faire justice à Drone Land que de se contenter de le comparer à ses prédécesseurs. Parfaitement ancrée dans le monde actuel, cette dystopie a su trouver un ton très juste, servi par une écriture précise et fluide. Elle apporte une vraie réflexion sur les évolutions possibles (probables) de nos sociétés et pousse à s’interroger sur les conséquences dramatiques que pourraient avoir certains des choix d’aujourd’hui.

 

Éditions Piranha
Collection Black Piranha
5 janvier 2017
19,50 €

A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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