Inexorablement, le monde se meurt. Quelques rares survivants au fléau qui le dévore lentement ont su s’organiser avant que la situation ne devienne totalement désespérée. Les autres, retournés à la barbarie des origines, ne font que repousser une mort inévitable.
Récit d’une lente apocalypse, le roman d’Hervé Poudat ne peut être pleinement apprécié que si l’on passe outre deux obstacles de taille. D’abord, il y a le fond, avec cette catastrophe inexplicable et inexpliquée qui transforme la côte méditerranéenne, cadre de la narration, mais également la France tout entière et le reste du monde en un véritable puzzle de terres au milieu du néant. Cette peau de chagrin, qui abrite les infortunés rescapés du cataclysme initial, est inexorablement dévorée par une matière noire qui détruit sol, sous-sol et toute trace de vie.
Passé ce premier obstacle, il y a encore celui de la forme narrative. En effet, Hervé Poudat déstructure totalement son récit ne se conformant pas à la continuité chronologique naturelle. Baptisés « larmes », les chapitres se succèdent ainsi sans respecter la logique temporelle, jusqu’à un épilogue qui ne peut être qu’un très éphémère happy end.
Ceci fait, on peut plonger sans retenue dans cet univers, en totale déliquescence, où seuls les plus forts survivent, malgré des faiblesses très humaines. Car, comme le dit fort justement Ugo Bellagamba dans sa préface, « la fin du monde, qu’elle soit réelle ou fantasmée, qu’elle se conjugue au futur ou au passé, est toujours une aventure humaine. »
Ainsi, loin d’être monolithiques, les personnages d’Hervé Poudat se révèlent pleins de failles et de contradictions. C’est bien évidemment le cas d’Aemilia, l’une des figures principales de Larmes noires, qui s’impose naturellement par sa force de caractère. Elle est l’une des initiatrices de la Confrérie des Logues, une communauté de survivants parfaitement organisée. Elle y a prescrit des règles strictes interdisant, notamment, aux femmes d’enfanter dans ce monde sans espoir. Des règles qui se révèlent insupportables lorsqu’elle sent la vie naître en elle.
Autour d’Aemilia gravite toute une galerie de personnages surprenants et souvent attachants qu’il s’agisse de Chris le pilote d’hélicoptère, de Rob prêt à tous les sacrifices pour sauver sa petite Fleur ou même de Yann, le vétérinaire obsédé par la survie des gènes animaux et humains.
Plus qu’une histoire de fin du monde, Hervé Poudat, à travers ses Larmes noires, dresse le portrait d’hommes et de femmes frappés par la malédiction d’une mort proche et inéluctable. On retrouve dans ce roman le ton décalé, un brin loufoque, des bandes dessinées scénarisées par Poudat, Albert Pilon philosophe fou ou Les Soleils rouges de l’Eden, qui peut ne pas plaire à tous les lecteurs.
Chronique de Philippe ‘1495’ Paygnard
Nous en pensons
Notre avis
3,5
Plus qu’une histoire de fin du monde, Hervé Poudat, à travers ses Larmes noires, dresse le portrait d’hommes et de femmes frappés par la malédiction d’une mort proche et inéluctable. On retrouve dans ce roman le ton décalé, un brin loufoque, des bandes dessinées scénarisées par Poudat, Albert Pilon philosophe fou ou Les Soleils rouges de l’Eden, qui peut ne pas plaire à tous les lecteurs.