Votes pour le match d’écriture de Meyzieu 2015 : « Principe de précaution anté-natal »

« PRINCIPE DE PRÉCAUTION ANTÉ-NATAL »

Voici le troisième et dernier thème sorti pour le match d’écriture organisé à Meyzieu aujourd’hui.

Bon vote ! Et n’oubliez pas, on ne vote qu’une fois 🙂

  • Résultat : lundi 12 février 2065, ALCAN, 16h45
  • L’inspection
  • Inspiration
  • Raimunda et Roboaldo

RÉSULTAT : LUNDI 12 FÉVRIER 2065, ALCAN, 16H45

Lundi 12 février 2065, Antenne Locale du Centre Anté-Natal, 16h42

Les aiguilles de la grande horloge, suspendue au mur en face de moi, semblent s’éterniser. Chaque seconde paraît des minutes, chaque quart d’heure une insupportable éternité. Je ne suis là que depuis sept ou huit minutes, au plus, mais l’impatience mêlée de honte qui me tord le ventre étire l’instant au-delà du raisonnable. Je me redresse sur la chaise beige qui m’a accueillie, un inconfortable assemblage de plastique recouvert de tissu, comme toutes celles créées avant la Révolution. Hormis l’horloge métallique, tout est beige : sol, murs, plafond, encadrement des fenêtres ; rien n’allège la fadeur de l’ensemble. Cela est volontaire, sans doute, comme l’horloge, comme le principe même de ce rituel auquel je suis contrainte de me soumettre. Comme s’il ne serait pas plus simple de laisser mon médecin domestique faire le prélèvement, et surtout les analyses qui s’imposent ! Une prescription informatisée, anonymée, synthétisée sur mesure dans un des laboratoires de la ville, et une semaine plus tard, quinze jours au plus, le problème aurait été réglé. Si nécessaire, bien sûr. Sinon…

Hier, lorsque je suis entrée dans le bâtiment, l’antenne locale du Centre Anté-Natal pour la première fois, j’étais encore dans l’innocence. Ou plutôt, j’étais encore portée par ma rencontre avec Théodore. Certains détails s’estompaient dans le temps, mais beaucoup restaient très présents à ma mémoire malgré les semaines écoulées : l’éclat vert de ses yeux, ses mains savantes, la manière délicieusement animale dont nos corps s’étaient parlé. Une nuit inoubliable, comme il y en a trop peu dans mon existence (qui fait encore l’amour de cette manière-là ? J’entends encore le dégoût dans la voix d’Aéria, incapable de le contenir malgré toute l’amitié qu’elle a pour moi, lorsque j’ai fait une brève allusion à ce qui s’était passé avec Théodore).

Dès mon dialogue avec la borne d’entrée, j’ai regretté de ne pas avoir demandé à Aéria de m’accompagner. Les lieux évoquaient un trouble, un malaise insidieux, qui s’est confirmé avec mon arrivée dans le couloir (beige), les minutes passées dans la salle d’attente, et même la prise en charge par les médecins. Ce sont des robots, bien entendu, à peine plus perfectionnés que mon médecin domestique, mais le simple fait de savoir que toutes les données qu’ils extrayaient de mon corps seraient transmises au CAN avec l’étiquette CIV a suffi à leur donner un aspect sinistre, inquisiteur, humiliant.

 Je suis une CIV. Mes parents s’aimaient physiquement autant que moralement, et ont même réussi à rester ensemble plus de dix ans après ma naissance, malgré la surveillance relativement poussée dont leur couple faisait l’objet. Ma conception, scientifiquement parlant, n’a pas d’impact sur qui je suis, mais ma mère est presque à moitié humaine, et elle a choisi des hommes qui lui correspondaient. Mon génome comporte 49% de gènes PréR, contre 51% de PostR seulement, et j’ai depuis mon adolescence une conscience aigüe d’être à la limite de l’animalité autorisée. À deux reprises, ma mère a dû faire avorter des fœtus qui dépassaient les 50%, des fœtus trop humains.

Je me revois, enfant (je devais avoir six ou sept ans), debout en face de maman. Assise dans son fauteuil favori, les deux mains sur son ventre où ne grandissait plus cet embryon qui serait devenu mon petit frère ou ma petite sœur. Très pâle, elle fermait les yeux sur ses larmes silencieuses. Derrière le fauteuil, une main sur son épaule, mon père parlait, parlait, parlait, comme si les mots pouvaient combler le vide atroce de cet instant.

À cette époque-là, les mots qu’il prononçait n’avaient pas beaucoup de sens pour moi. CIV, Pré-R : ces concepts n’ont pris corps que plus tard, à l’école. Quand j’ai appris que la grandeur et la décadence de l’humanité Pré-R, l’appétit de pouvoir, la violence incurable, l’hubris avec lesquelles les Pré-R avaient failli détruire la planète en même temps que leur propre espèce. J’ai appris comment la Révolution génétique nous avait sauvés, en nous guérissant de nos appétits animaux grâce à une thérapie génique bien conduite. Quelques années plus tard, au cours mes études supérieures (qui portaient pourtant sur la chimie minérale, assez éloignée de la biologie cellulaire), j’ai même appris comment les généticiens avaient marqué les génomes Post-R, pour pouvoir les différencier des pré-R dans les nouveau-nés. Les gènes pré-R, souvent qualifiés de gènes animaux, sont dominants (ce qui s’explique aisément si on laisse la survie de l’espèce aux lois biologiques, et non à la civilisation). Prévenir la résurgence de spécimens trop humains, trop marqués par l’animalité, a été reconnu à l’échelle internationale comme une nécessité absolue pour ne pas retomber dans les travers précédant la Révolution. D’où la création du CAN, et de ses tests.

Ma mère a toujours refusé le seul moyen de garantir la bonne composition du génome fœtal, la fécondation in vitro, dans laquelle les médecins travaillent les gènes nécessaires jusqu’à obtenir le résultat souhaité. 60 à 70% de Post-R est considéré comme un bon équilibre entre l’animalité, garant de la résistance physique et de la capacité à innover, et l’équilibre psychologique, la patience, l’empathie qu’apportent les gènes civilisés. En conséquence, je suis fille unique, et si la plupart de mes amis ne me tiennent pas rigueur d’être une CIV, il est déjà arrivé que l’on tourne m’insulte à ce propos. Même Aéria, j’en suis certaine, pense que mon aventure avec Théodore est la preuve de mon animalité. C’est pour ne pas avoir à supporter sa gêne que je ne lui ai pas parlé depuis que je sais être enceinte.

Lundi 12 février, Antenne Locale du Centre Anté-Natal, 16h44
Plus qu’une minute, et la porte s’ouvrira. Les robots médecins (ou peut-être un seul, après tout, ce n’est qu’un résultat) seront derrière elle, avec leurs caméras braquées sur moi comme l’œil du CAN. L’un d’entre eux tournera vers moi son écran, et le résultat s’affichera.

Je revois ma mère devant moi, et comme elle, je mets les deux mains sur mon ventre. Je n’ai même pas eu le temps de m’habituer à l’idée que je puisse être enceinte. Six semaines depuis ma nuit avec Théodore, et huit jours seulement que je me suis posé la question. Trente-six heures depuis que ce test-là (qui, lui, est assumé par le médecin domestique) s’est avéré positif. Vingt-trois heures et cinquante-neuf minutes que le test d’animalité a été envoyé au CAN. Dans quelques secondes, je saurai si je deviendrai mère, ou si mon enfant disparaîtra dans l’avortement obligatoire dont nous ferons l’objet. C’est le risque des CIV, le risque des histoires d’amour et du contact qui répugne tant de mes contemporains.

 Lundi 12 février, Antenne Locale du Centre Anté-Natal, 16h46

Un chiffre s’affiche en rouge sur l’écran du robot médecin : 50%.

Il est à demi-humain. J’ai un hoquet, un sanglot inattendu me comprime la gorge.

«Veuillez-vous déshabiller et vous allonger,» module la voix mécanique du robot.

Le cœur serré, j’obtempère.

Je ne serai pas mère.

L’INSPECTION

Estelle Fraie
316 Av Fernand Petit
83500 La Seyne sur mer

Estelle avait beau vérifier, il n’y avait pas d’échappatoire, le courrier lui était bien adressé à elle et son contenu était formel.

« En vertu du principe de précaution prénatal, vous êtes mise en demeure de rendre votre logement conforme à la circulaire PPPN.22.3B avant la date des 6 mois précédent le terme de votre grossesse.

La date de l’inspection est fixée au 06/03/2025 entre 9h et 13h.

En cas de non-conformité avérée, nous tenons à vous rappeler que votre fœtus sera extrait pour être placé en couveuse artificielle et confié à l’Etat… »

 Elle venait de rentrer du travail et aurait préféré prendre un bain que de lire ça. Elle posa la lettre du ministère de la santé et foudroya Clément des yeux.

— Je suis vraiment désolé, mon petit cœur, dit celui-ci en levant les bras. Mais qu’on croiserait qu’ils changent leurs formulaires tous les deux jours !

— Mais c’est pas possible d’être aussi peu fiable, soupira Estelle.

Chose rare chez elle, elle eut du mal à contenir sa colère et ramassa la circulaire PPPN.22.2A que Clément lui avait imprimé le mois dernier et la lui jeta au visage. Elle s’approcha son conjoint et se mis à crier en le pointant du doigt.

— On a jusqu’à demain matin pour que la maison soit prête, alors maintenant va me chercher la bonne circulaire qu’on sache ce qu’on a à changer.

Clément n’en demanda pas plus et couru chercher sa tablette. Estelle s’effondra dans le canapé du salon. Bien que le future père de leur enfant —enfin, si le ministère ne leur retiré pas— pouvait être très exaspérant, elle arrivait d’habitude à faire avec. Mais la colère qu’elle ressentait contre lui en ce moment l’épuisait. Elle entendit l’imprimante du bureau se mettre en marche, crachoter de l’encre, et elle vit la lumière de la cuisine clignoter en rythme.

Clément revint avec une liasse de papier.

— Il faut que tu changes immédiatement l’accumulateur des panneaux solaires, lui reprocha-t-elle, c’est pas possible qu’on puisse pas utiliser la télévision et le lave-vaisselle en même temps.

— Mais c’est à cause de la pluie, chérie, il n’y a pas assez de soleil.

— Pluie ou pas, on ne passera pas l’inspection si tu ne t’en occupe pas.

Clément la regarda une seconde sans trop savoir quoi faire, mais devant le visage sévère d’Estelle il se précipita sur son manteau et sorti de la maison. Depuis la fenêtre, Estelle l’observa sous la pluie battante taper ses identifiant à la borne auto-lib puis s’engouffrer dans le véhicule et partir à toute berzingue.

Puis elle se retroussa les manches et consultât la circulaire. Elle allait encore devoir changer la disposition des meubles et surement changer la couleur des rideaux.

Ce soir-là Clément la nuit sur le toit de la maison. Avec une lampe torche pour s’éclairer et une bâche pour se protéger du vent et de la pluie, il installa le nouvel accumulateur qu’il avait acheté tout en maudissant les lois sur les éco-logements autonomes.

A 9h32 le matin, un agent du ministère sonna à leur porte.

— Bonjour Mme Fraie, je viens pour l’inspection.

— Bien sûr, entrer, l’invita Estelle avec un sourire de politesse crispé.

Le front dégarni et le reste de ces cheveux attachés en queue de cheval, l’homme n’était pas rassurant. Il visita toutes les pièces de la maison, mesura la température, lécha les murs, sauta sur le parquet et décida qu’il en avait assez vu au bout d’une heure de ces vérifications étranges.

Clément lui proposa un café, ce que l’agent accepta. Il s’assit avec sa tasse dans le salon et commença à remplir son rapport quand Clément éternua violemment. Estelle et l’inspecteur se retournèrent vers lui avec stupéfaction.

— Monsieur, êtes-vous enrhumé ?

— Non, évidemment non, ce n’est pas possible, voyons.

Et il éternua de nouveau. Là, l’’inspecteur sortie un instrument qu’il plaqua contre la joue de Clément.

— Je suis formel, vous êtes enrhumé. Je suis désolé monsieur.

— Mais enfin, protesta Clément.

— Vous ou le bébé allé devoir partir d’ici, je suis désolé.

— Alors ce sera toi Clément, soupira Estelle.

INSPIRATION

08h26

Un chatouillis dans l’oreille. Je remonte les épaules, un demi-sourire aux lèvres, et je me retourne en marmonnant.

Le bout de mon nez frétille sous l’assaut, encore cette plume. Je préfère continuer à dormir. Enfin j’essaie. J’ai chaud, je suis parfaitement calée sur le sommier adaptatif, je me sens détendue et reposée. Je n’ai pas envie d’interrompre cet instant de flottement matinal dans le coton du bonheur.

La plante de mes pieds se contracte sous l’attaque plumesque. Je retire brusquement ma jambe, et sursaute sous l’assaut violent de la crampe.

— Tu le savais !

Pas de réponse. Pour quoi dire ? Admettre qu’elle a fait exprès de chatouiller la plante de mes pieds, sachant pertinemment que le minuscule geste d’évitement invoquerait immanquablement une crampe de tous les enfers ?

— Le jour s’est levé ! chantonne-t-elle à la place.

Mon intelligence artificielle de compagnie ressemblerait presque à une mère dans ses accents stridents et agaçants.

— M’en fous.

Trente ans dans ma bulle et je suis restée coincée à l’étape de la crise d’adolescence. Difficile de se rebeller correctement contre un parent cybernétique. Ou de fuguer d’une capsule de culture.

— Ta leçon du jour va bientôt commencer.

Elle est pleine de remontrance. Enfin presque. Une IA ne peut pas faire mieux qu’un véritable humain. Remarque, pour ce que j’en sais… Mon échantillon personnel de la race humaine se limite à un seul individu : moi.

— Tu vas monologuer le blabla habituel que je me lève ou pas, de toute façon.

Je ronchonne, mais je me lève. De toute façon, si je dors trop, je vais avoir mal à la tête. La migraine a ce don magique d’occulter totalement l’effet des médicaments. Hallucinations à pleine dose assurées. Des fois, je fais exprès de trop dormir, c’est fun les éléphants roses qui barrissent sur les murs de la capsule en faisant des triples saltos arrière au dessus de girafes pourpres. Souples les éléphants. Mais bon, aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi, je ne suis pas d’humeur.

12h35

La pause déjeuner, enfin ! Une espèce de tube se fraie un chemin à travers la paroi de la capsule et me crache un plateau repas tout à fait passionnant. Une pâte brune, une verte et une rose. Je parie sur steak, purée d’épinards et compote de fraise. En tout cas l’idée de ces aliments. Le goût, lui, est plutôt dans ma tête. Je ne suis pas dupe, le but est juste de cacher les pilules, comme si je pouvais ignorer les trois comprimés soigneusement enfoncés dans la bouillie. Il faut dire qu’il faut taper fort pour me faire descendre à un niveau plus ou moins acceptable d’hallucinations.

Des fois, je me demande comment les gens voient le monde. Enfin, les normaux quoi. Ceux pour qui la lumière ne danse pas la lambada, qui considèrent les rochers comme des objets inertes et qui jamais n’adressent la parole à leur nourriture. Je suppose que mon quotidien, celui des jours où la migraine n’annihile pas l’effet des cachets, leur paraîtrait délirant.

On dit que ça me rend dangereuse. Les leçons de l’IA, quand elles ne consistent pas à nourrir mon imaginaire des mille et unes histoires de la création, comme si mon cerveau avait besoin de stimuli supplémentaires, s’efforçaient de m’inculquer l’histoire de l’humanité.

Vingt ans avant ma naissance, une bombe a explosé. Au début, les humains ne s’en sont pas rendu compte. Normal, une bombe qui fait « pshuit », ça n’attire pas des masses l’attention. C’est trois mois plus tard, quand des gens se sont mis à délirer pleins pots sur des attaques d’hippopotames montés à dos de crevettes de l’espace, que certains se sont demandés s’ils n’avaient pas raté un épisode.

Antoine Delverdier, un obscur auteur de fantasy inconnu au bataillon, a revendiqué l’attaque. Tout le monde lui a rit au nez bien sûr. Avant d’apprendre qu’il avait un diplôme de physique. Là, les gens ont commencé à se poser des questions, tout en restant perplexes sur sa soi-disant bombe psychédélique. Déjà, le nom ne voulait rien dire, comment prendre un tel truc au sérieux ? Bref, un an s’est écoulé. Puis les premières naissances ont eu lieu.

Là, les gens ont commencé à paniquer. Un bébé sur trois naissait les pupilles complètement dilatées, fixées au plafond, et finissait classifié comme retardé. Le Delverdier s’est bien marré dans les médias, expliquant à qui voulait bien l’entendre que ces enfants n’étaient pas attardés, juste noyés constamment sous les hallucinations. Les gens, horrifiés, ont commencé à le prendre au sérieux. Mais surtout à se demander pourquoi ce taré avait bien pu fabriquer une telle bombe.

J’avoue que trente ans de leçons quotidiennes sur le sujet, à m’entendre répéter en boucle la même histoire, avec bien sûr les adaptations nécessaire à mon âge, ne m’ont pas apporté la réponse. Pourquoi ? Mystère et boules de gommes. En tout cas, l’effet était net et précis.

Les enfants ont grandis bien sûr, entourés d’amour et de soins, puis ils se sont révélés dangereux. Pour eux-mêmes ; croire que les voitures sont d’énormes boules de coton moelleuses et se jeter sous leurs roues n’est pas vraiment le meilleur moyen d’augmenter son espérance de vie. Arroser ses voisins avec un pistolet à lutins volants quand on tient en main un AK47 fait de vous un dangereux serial killer.

L’inconvénient, c’est que tout ça concernait des marmots. On ne pouvait décemment pas les emprisonner. Alors on a commencé à les interner, avec plus ou moins de succès. La science avançait sur le sujet, des traitements étaient découverts, le dépistage aussi, de plus en plus précoce. Jusqu’au jour où on a su détecter les bébés atteints à sept jours de grossesse. Au stade amas de cellules quoi. Bien sûr, il y a eu une vague d’avortements.

La religion étant ce qu’elle était, incapable de laisser le monde tourner en rond sans donner son avis sur tout, les grands responsables se prononcèrent en défaveur de l’avortement de tels enfants. Dieu, assurément, avait laissé ces êtres venir au monde pour une bonne raison. Réguler la population humaine en faisait probablement partie, diraient les plus cyniques. Les religions les plus riches décidèrent de financer des programmes de recherches.

Les capsules de culture virent le jour. À la minute où l’embryon était dépisté, on le transférait dedans. Il s’y développait, il y « naissait », il y vivait. Le grand plan ? Trouver un traitement durable qui nous rendrait apte à vivre en société, prêts à sortir des capsules.

Je crois que je suis un des plus anciens sujets du programme. Trente ans de capsule. Trente ans à m’entendre radoter cette histoire. À écouter, désespérée, les dernières avancées sur le sujet. Le programme stagne, je le crains bien. Ils n’arrivent pas à développer de pilules plus fortes que celles dont on me gave déjà. Alors qu’elles sont si faciles à contrer pour mon organisme, d’une simple migraine. Ils ne peuvent pas me libérer. Je suis condamnée à perpétuité, réduite aux seuls romans lus par l’IA pour imaginer la liberté.

23h28

— Dormir c’est sérieux.

Calée dans mon cocon, les yeux qui se ferment, je ne peux qu’approuver cette sage déclaration. L’IA me lit du Robin Hobb ce soir. Un classique de fantasy. J’adore ses romans et parfois ma nounou numérique consent à me relire l’un d’entre eux. Elle proteste, bien sûr, avant. Ce n’est pas le programme, parait-il, de lire plusieurs fois la même histoire. Je suis censée ingurgiter tout ce qu’il existe de littérature de l’imaginaire. Ça demande beaucoup de temps et ne laisse pas de place à la redite. Mais je crois bien que j’ai finis par l’amadouer. Trente ans à se reprogrammer pour s’adapter à mon entretien, elle a bien dû finir par intégrer cette qualité à ses zéros et ses uns.

— Je me demande à quoi aurait ressemblé la vie de Fitz s’il n’avait pas rencontré le loup.

Autour de moi, la capsule tressaille. L’IA tolère sans broncher mes ronchonnements quotidiens, mais la moindre pointe d’imagination lui fait faire des bonds de vierges effarouchée. Comme si je n’étais pas censée utiliser mon cerveau à créer des histoires, comme si ce n’était pas mon rôle. Mais qu’y puis-je, constamment nourrie de nouvelles aventures par l’IA ? Ce qui me paraît en totale contradiction avec le but supposé de me guérir de mon état hallucinatoire constant.

Après tout, pour construire une hallucination, l’esprit a besoin de matériel. Isolée du monde dans ma capsule, je ne devrais presque pas développer de signes. Pourtant, je suis, parait-il, le spécimen le plus intensément atteint. Logique, quand on me nourrit autant et avec soin de toutes ces histoires. Ne se rendent-ils pas compte de ce qu’ils font ?

Ou alors…

Pour la première fois de mon existence, je remets en question ce qu’on m’inculque. Me dit-on vraiment tout ? Cherche-t-on vraiment à me guérir ?

 8h23

Les yeux grands ouverts, je n’ai pas dormi de la nuit. Je sens l’IA approcher sa plume et la saisis à pleines mains. L’IA résiste quelques instants, puis la relâche. Rageusement, j’écrase les rémiges une à une. Tous ces soins quotidiens me mettent soudain en rage. Confusément, je sens que je ne suis pas un cobaye pour un traitement de ma condition, mais pour autre chose. Et cet autre chose, mon intuition me souffle qu’elle consiste à m’exploiter.

— Dis-moi l’IA, ta mission prioritaire, c’est quoi ?

— Toi, bien sûr.

Elle a hésité quelques secondes. Trois fois rien. Bien assez.

— Et en vrai ?

Silence. Peut-être que je me trompe et que je n’ai pas tellement altéré son code. Mais si je n’arrive pas à lui extorquer l’information, personne ne pourra me la donner. Mon monde se réduit à l’IA.

— Cela ne me blessera pas, tu sais, que tu admettes que ce n’est pas moi.

Nouveau silence. Est-ce que ça réfléchit, l’informatique ? J’imagine qu’elle doit très logiquement construire une balance bénéfice-risque. Est-ce que la réponse m’énervera plus que la non-réponse ? Peut-être qu’une démonstration peut l’aider à prendre sa décision ?

Je regarde autour de moi : je vis dans un œuf saumon. Le sol, mouvant, s’adapte à mes pieds et aux moments de la journée, moulant un lit parfaitement adapté à mon corps la nuit, une table pour les repas, et autres nécessités de la vie humaine. Les entrées se font par un minuscule tuyau, les sorties aussi. Tout est désespérément lisse et opaque. Pas de porte, pas de fenêtre, pas de monde extérieur envisageable. Si seulement on ne me faisait pas entendre tous ces romans, je m’imaginerais peut-être seul créature de mon propre univers.

Comment prouver ma colère physiquement ?

Je me relève, tente un coup de pied dans la paroi. Elle s’enfonce sous le choc, dans un rebondissement moelleux. Je n’ai même pas mal, alors j’imagine la coquille. Soit. Tentons la souillure. Déterminée, je m’accroupis dans un coin pour uriner. En tout cas, j’essaie. La capsule de réception des effluents s’obstine à se former sous mes fesses. Je n’arrive pas à semer la moindre goutte ailleurs, le réceptacle me suit obstinément au moindre mouvement de mon derrière.

— Ève ?

L’IA semble hésitante. Ma tentative a-t-elle suffit à montrer mon agacement ?

— Tu es si fâchée ? continue-t-elle.

— À ton avis ?

Je ronchonne tout en me redressant.

 16h34

Huit heures de silence. Pas de cours, pas de réponse à ma question, pas un zut, rien. Je me suis lassée de compter mes orteils et les pingouins qui dansent en périphérie de mon champ de vision n’ont plus rien de drôle.

— Ève ?

— Tu te décides enfin à répondre à ma question ?

Silence. Elle s’imaginait peut-être que j’aurais oublié mon agacement si elle attendait assez longtemps ? La stratégie marchait quand j’étais enfant, mais tout de même !

— Tu promets de ne pas te fâcher ?

Je n’ai jamais menti de ma vie. Pour quoi faire ? Qui tromper ? Pourtant, je découvre l’exercice avec aisance.

— Bien sûr. Je veux juste savoir, tu sais.

Pause très longue, trop longue. Je me dévore de curiosité.

— Ma priorité, c’est la mission Delverdier.

— Oh.

Voilà qui m’emmène loin. Personne ne m’a prévenue que, parfois, la réponse à une question est tout sauf un apport d’information. Qu’on pense pouvoir être fixé et qu’en fait on ne parcourt pas le moindre micromètre de progression. C’est bien un truc d’IA, ça, une réponse qui ne sert à rien. Elle a dû la cogiter toute la journée.

— Et ?

Si elle espérait que j’en reste là, elle va être servie.

— Oui ?

— C’est quoi la mission Delverdier ?

Temps de pause. Qu’elle m’agace à réfléchir autant. Je me demande à quoi ressemble l’interaction avec un être humain. Probablement autant qu’avec monsieur Patoche, le chat transparent qui me rendait visite enfant, quand les premiers traitements avaient l’effet d’un verre d’eau aromatisé. Après tout, c’était une projection de mon propre esprit, soit une sorte d’humain.

— Je dois nourrir ton esprit de milles histoires.

— Pourquoi ?

— Afin que ton esprit, fort de ce matériel, crée mille et une images.

J’allais ouvrir la bouche pour demander plus de précision quand elle continua à parler.

— Ainsi, les auteurs ne sont jamais en manque d’idées loufoques ou merveilleuses pour leurs histoires et la maison d’édition est la plus populaire qu’on ait jamais connue.

Silence. Le mien cette fois-ci.

Une machine à idées. Une boîte à images délirantes. Voilà ce que je suis. Un auteur de fantasy raté s’est un jour dit qu’il ne lui manquait que les bonnes idées, et il avait construit une bombe psychédélique. Il avait forcément prévu le tout. Il aura anticipé la contamination en masse de la descendance. La recherche scientifique qui créerait des tests de dépistage. Et le principe de précaution. Le sacro-saint principe de précaution d’une société trop effrayée de vivre pour laisser place au hasard. Un concept poussé à l’extrême. Sept jours d’existence. Un gros tas de cellules, condamné sans autre procès à vivre dans une bulle, par précaution. Ou alors à ne pas exister.

Mon sort est-il meilleur que la mort ?

 Un mois plus tard, 22h45

Ma bulle ne peut être percée. La liberté n’est pas une option. Pas de porte, pas de fuite. Alors j’ai choisi l’autre sortie, la définitive. Je n’ai pas donné mon accord à cette exploitation. Trente ans que je suis dans cette bulle, je dois bien être leur meilleur spécimen. Je vais leur manquer je pense. Au moins un peu.

Tous les jours depuis que j’ai appris le vrai but de mon existence, je farfouille dans ma tambouille, j’extrais le comprimé et je le glisse dans un de mes bourrelets. Je suis bien nourrie, totalement inactive, les replis ne manquent pas sur mon corps. Devant mon repas du jour, j’extraie mon trésor. Sous la fesse, entre les seins, dans le repli de la cuisse, dans le cou et sous les aisselles. Je me demande si je n’en oublie pas quelques uns, mais ce n’est pas grave.

J’ai bien deux-cents comprimés devant moi. J’en ai pris toute ma vie, je dois bien avoir un minimum de tolérance. Alors il ne faut prendre aucun risque et en avaler le plus possible. Deux cents, oui, ça devrait le faire.

J’enfile les cachets un à un, accompagne d’un peu de bouillie. J’essaie de me comporter normalement, mais je sens bien mon cerveau s’engourdir. Au bout de vingt, j’y vois trouble. Au bout de cinquante, mes mains se mettent à trembler. C’est ce moment que choisi l’IA pour s’inquiéter.

— Quelque chose ne va pas ?

— J’ai juste sommeil.

Je continue mon enfilage de pilules. À cents, je commence à avoir du mal à viser la bouche. Je veux être sûre de toute avaler, alors je me mets à les grouper par paquets de deux ou trois. Une poignée se coince dans ma gorge, je manque m’étouffer, je panique. Puis je ris. La suicidaire qui ne veut pas mourir, joli tableau. Et je reprends mon repas.

À la deux-centième pilule, le lève les bras en V de victoire, mais garde ma bouche fermée. L’IA est bien capable de me forcer à tout vomir si elle comprend ce qu’il se passe. Sa programmation n’est pas si parfaite au final, pour me laisser tout avaler sans rien dire.

— Je vais me coucher, je crois. Je suis fatiguée.

Je me laisse tomber en arrière, atterris lourdement sur le matelas.

Les larmes roulent le long de mes joues. La coque n’est pas vraiment saumon, elle est vert caca d’oie. Aucun pingouin ne cohabite avec moi, ni de chat de Sheshire, ou de trombone à trois jambes rigolard. La vie est odieusement triste, en fait, quand on est normal.

Je suis bien contente de mourir.

Avant que l’oubli ne s’empare de moi, sûre d’être au-delà de tout rappel à la vie, je m’offre une dernière déclaration, un pied de nez à Delverdier et son plan de domination. Enfin, plutôt une insulte de cours de récré, mais tellement savoureuse à prononcer.

— Pauvre nul sans imagination !

RAIMUNDA ET ROBOALDO

 

Dans une époque pas très lointaine de la nôtre, le tout petit pays de Robaldia, en Amérique Centrale, respirait la politique. La politique était au cœur de tous les débats et une seule chose comptait dans les conversations de toutes classes sociales, tous les âges : es-tu de gauche ou de droite ? C’était une question fatale et déterminante pour définir les relations des uns et des autres. C’était assez commun de voir des divorces, des disputes familiales et même des cas extrême (des morts) parce qu’on n’était pas idéologiquement d’accord l’un avec l’autre.

Le jeune marinier Roboaldo et la charmante caissière Raimunda formaient un couple heureux un peu à l’écart de toute la tempête politique par laquelle passait leur pays, la Robaldia. Quand il arrivait de ses voyages, Roboaldo aimait boire un coup dans une taverne mal famée appelée chez Rodó avec ses potes robaldais. Ça n’a jamais dérangé la douce Raimunda, qui attendait patiemment son amoureux en train de coudre à la maison. Après une longue absence, Roboaldo est arrivé à Robaldia et, comme d’habitude, il est allé chez Rodó boire des bières avec ses copains. Quelle surprise il a eu quand il a retrouvé sa chère copine au milieu des hommes, en train de s’amuser et de boire et de parler fort comme il faisait lui d’habitude. Roboaldo ne pouvait pas en croire ses yeux !

Raimunda avait bien changé. Elle s’était émancipée et ça n’a pas du tout plu à Roboaldo. Il voulait l’emmener de force de là-bas et ils ont commencé à se disputer devant tout le monde. Raimunda lui expliquait pédagogiquement qu’elle était propriétaire de son propre corps, qu’elle en faisait ce qu’elle voulait et qu’à ce moment-là, elle voulait bien le maintenir là où il était parce que ça lui plaisait bien : chez Rodó. Roboaldo l’a insulté des pires insultes et lui a dit de terribles choses sexistes. La pauvre Raimunda s’est pris d’une attaque nerveuse ; elle voulait finir avec ce que pour lui et pour le monde symbolisait la virilité, l’objet de domination masculine. Alors, elle n’a pas pensé plus de deux fois : elle a pris le premier objet qui pouvait couper à sa vue – un pic à glace qui avait été laissé au dehors de la taverne – et a commencé à couper le pénis de son amant. Il n’est pas mort, mais s’est gravement blessé et a passé 3 mois à l’hôpital pour se mettre une prothèse. Pauvre Roboaldo !

L’idéaliste Raimunda a été condamné à 10 ans de prison et même là-bas, elle n’a pas abandonné l’idée d’éduquer le monde, de lutter contre les inégalités entre hommes et femmes. Lorsqu’elle réfléchissait à ce qu’elle avait fait, elle savait qu’elle avait peut-être un peu exagéré, elle qui voulait juste donner une leçon à son copain. Mais maintenant le mal était fait, et si jamais ça lui avait servi à quelque chose, ça avait valu déjà le coup. Elle pensait que le plus important ce n’est pas le corps, mais l’esprit noble, la justice sociale, des valeurs que sa société avait du mal à accepter.

De son côté, Rodoaldo pleurait comme un malade – que de fait il était – à l’hôpital. Sans son piupiu (c’est comme ça que Raimunda appelait son organe génital), mais toujours avec son cœur fou d’amour pour Raimunda. Tout le monde autour de lui le croyait fou de l’aimer en dépit de tout ce qu’elle lui avait fait : l’atroce violence contre son pénis. Les gens avaient beau essayer de le convaincre de l’oublier, il pensait à elle chaque jour, et allait en cachette lui rendre visite à la prison dès qu’il était partiellement guéri.

Soulagée, Raimunda s’est dit que Rodoaldo avait appris sa leçon après tout ! Sans son pénis, il n’avait aucune virilité à prouver, il était finalement délivré du machisme qui détruisait leur couple et le monde. Oui, elle avait bien conscience que l’apprentissage ne se réalise que par la douleur et la souffrance. Ils avaient souffert tous les deux, mais ils avaient appris, surtout lui. Elle voulait juste donner une leçon à son copain, l’éduquer, elle l’aimait et avait de la foi que les personnes peuvent changer. C’était le cas de son mari !

Dans la prison, lors des visites, ils discutaient comme au début de leur relation : sur les beautés de la vie, les enfants qu’ils voulaient avoir ensemble, même leurs noms. Raimunda demandait à Rodoaldo de lui apporter des livres, et de les lire aussi : Marx, Lênin, Rosa Luxembourg, Simone de Beauvoir, Bourdieu. Après quelques mois de longues lectures et discussions, le couple s’est transformé : ils n’avaient qu’un idéal, lutter pour éviter les catastrophes sociales, les oppressions, les injustices de l’humanité contre les minorités.

Comme un médecin qui observe les phénomènes du fœtus avant sa naissance pour garantir qu’il va naître en bonne santé ; Raimunda et Rodoaldo voulaient aussi analyser socialement les êtres humains avant même qu’ils soient mis en société. Comment tenir au bout un propos aussi invraisemblable que celui-là ? – peut-être vous vous demandez. C’est ce qu’ils voulaient : éviter la maladie de l’égoïsme politique, éthique et sociale. Ils voulaient pouvoir éviter la moindre trace d’une pensée de droite, d’une pensée sexiste, d’une pensée dominatrice. Personne n’avait eu jusqu’à présent cette idée salvatrice, et c’était peut-être pour cela que le monde allait si mal. Désormais les bébés naitraient prédisposés à l’anarchisme.

C’est de Raimunda que l’idée est venue : elle savait qu’idéologiquement la leçon appliquée à son mari pourrait s’appliquer parfaitement aux autres hommes, la preuve que ça a marché avec lui, ça pourrait marcher avec toute l’humanité (à commencer par l’humanité du pays qu’ils tant aimaient : la Robaldia). Le vieux couple a construit tout un plan : dès que Roboaldo repérait un homme potentiellement sexiste dans la taverne, il prévenait Raimunda qui le suivait et essayer de le séduire. Comme elle était très intelligente, perspicace et cultivée (elle utilisait une très bonne rhétorique qui stupéfiait tout le monde), ce n’était pas difficile de se sentir attiré par cette séductrice femme fatale et dominatrice. Après avoir couché avec lui et se certifier qu’il était bien féministe et de gauche, elle pouvait le laisser tranquille. Certains se sont suicidés, tellement ils étaient fous amoureux de Raimunda et qu’elle laissait dès qu’elle avait compris qu’ils étaient idéologiquement convaincus. C’était une contrainte assez embêtante que certains d’entre eux se tuent, mais elle se soulageait en pensant qu’au moins on construisait une société où la moindre trace de pensée conservatrice soit exterminée. Sinon, elle coupait leur pénis.

Dans leur petite société, Rodoaldo et Raimunda étaient assez mal-vus, surtout Rodoaldo qui était appelé le cocu. Ça ne le dérangeait pas du tout, il vivait chaque jour plus amoureux et fier de la détermination de sa femme. Dans la taverne, la politique était et encore et toujours un sujet très discutable ; Rodoaldo défendait avec toutes ses forces tous les points de vue de gauche et féministes.

Un jour Rodoaldo marchait dans la rue tranquille quelques minutes avant de partir à un voyage (il était toujours marin) lorsqu’il a vu Raimunda en train d’embrasser un garçon qu’il avait repéré la veille dans la Taverne. C’était lui qui lui avait dit qu’il fallait endoctriner celui-ci aussi. Un mois plus tard, il rentre du voyage et il a hâte de savoir comment allait le plan, si la ville était déjà perceptiblement plus égalitaire. Il avait hâte de retrouver Raimunda pour lui demander des nouvelles de leur mission. Il ne la retrouvait nulle part. Elle n’était ni chez eux ni chez Rodó. Finalement, il l’a retrouvé tranquille sur le quai, de l’autre bout d’où il est arrivé. Dès qu’elle l’a vu elle lui a dit que c’était fini entre eux, qu’elle était tombée amoureuse de quelqu’un de droite et il s’est suicidé.

 

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