Nous sommes dans un XIXe siècle présenté comme une utopie, mais une utopie fragile et peut-être menacée. Le système solaire a été colonisé, les problèmes d’énergie et de nourriture résolus, l’humanité cyber augmentée au gré des besoins et des envies et l’ultime frontière, celle de la vitesse de la lumière, vient d’être franchie, grâce aux travaux du professeur Simon Sandrisson. Seulement après plusieurs essais de vols supraluminiques automatisés, force est de constater que les résultats sont pour le moins… aléatoires.
Il semblerait que sans un équipage humain pour veiller au grain, on ne puisse aller plus loin. C’est ainsi qu’il recrute six spécialistes, comprenant, outre lui-même, le mystérieux et impressionnant ingénieur des machines Marc C. DuQuesne et, par sécurité, la pilote Ariane Austin, au cas improbable où les SagesIAs intégrés au vaisseau lâcheraient.
Ce qui bien sûr ne manque pas d’arriver, car leur premier vol les conduit droit dans un mur. Au sens propre. Ariane évite la catastrophe de justesse. Ils découvrent alors qu’ils sont dans une sphère gigantesque, laquelle reproduit en miniature le système solaire. Mais alors qu’ils commencent à explorer les couloirs de la structure qui les emprisonne, à la recherche d’une source d’énergie pour repartir, ils se trouvent mêlés à une altercation entre créatures non humaines… D’émerveillements en gaffes monumentales, les petits Humains vont découvrir progressivement l’Arène, non sans se créer beaucoup d’ennemis !
L’exotisme alien de la taverne de Tatouine ou du spatioport secret des MIB, de Galaxicity ou d’Orbital, le gigantisme d’univers tels ceux d’Omale, Gigante, de l’Anneau-Monde ou des sphères de Dyson imaginés par les nombreux faiseurs d’univers de la SF qui l’ont précédé n’ont qu’à bien se tenir, car Ryk E. Spoor a frappé très fort avec son arène aux dimensions cosmiques.
Comme il s’en explique dans l’entretien accordé en novembre 2015 à Jean-Laurent Del Socorro pour le site ActuSF, Grand Central Arena (paru en 2010 en V.O.) est sa réponse à la question du paradoxe de Fermi. Et ce nouveau cycle de space opera aux dimensions proprement épiques constitue un hommage à l’auteur qui incarne le mieux pour lui le Sense of Wonder de la SF : E. E. « Doc » Smith, auquel le livre est dédié – et dont le super vilain est devenu l’un des protagonistes majeurs. Ryk E. Spoor définit lui-même son roman par la formule « Stargate et Babylon 5 écrits par Doc Smith ».
Si l’ouverture n’est pas sans évoquer les plus folles courses poursuites spatiales à la Star Wars, les premiers chapitres semblent s’inscrire dans du space opera hard science. La suite évolue vers l’aventure SF façon Âge d’Or, sans temps mort mais plus fouillée, mêlant étroitement les questions d’altérité et d’identité, de technologie et de religion, de melting pot culturel et de commerce, de diplomatie et de violence. Car l’Humanité nouvelle venue dans le concert des espèces évoluées qui peuplent l’Arène est tout de suite menacée, ignorante de tous les usages, démunie et en position de grande faiblesse. Ses huit représentants sont attachants et humains, bien campés, et on les voit évoluer de manière crédible au fil des pages et de leurs aventures.
On retrouve donc tous les ingrédients qui font un bon roman d’action et de SF. On ne s’ennuie pas une minute, car l’auteur sait alterner les passages mouvementés et les scènes plus intimistes, le comique et la tension dramatique, les éléments technologiques et les réflexions linguistiques ou philosophiques, les références et les trouvailles de sa propre imagination. Des enjeux sur tous les plans ne laissent aucun répit : qui Ariane choisira-t-elle ? Comment les humains vont-ils s’en sortir ? Qui sont les Tisseurs d’ombre ? Quels secrets cache Orphelin ? Qu’est l’Arène ? Et les mystérieuses entités qui l’ont bâtie ? Autant de mystères qui tiennent en haleine et empêchent de lâcher ce pavé. Le deuxième tome, Spheres of Influence, a déjà paru en V.O. (2013) et l’auteur travaille sur le troisième, Challenges of the Deeps. Vivement la traduction !
Pour en savoir un peu plus :
– le site de l’auteur (en anglais) : http://grandcentralarena.com/
– l’entretien de novembre 2015 : http://www.actusf.com/spip/Interview-2015-Ryk-E-Spoor-pour.html
Grand Central Arena
Ryk E. Spoor
Éditions L’Atalante
Trad. Gilles Goulet
571 p. – 25 euros
Nous en pensons ...
Notre avis
3,8
On retrouve donc tous les ingrédients qui font un bon roman d’action et de SF. On ne s’ennuie pas une minute, car l’auteur sait alterner les passages mouvementés et les scènes plus intimistes, le comique et la tension dramatique, les éléments technologiques et les réflexions linguistiques ou philosophiques, les références et les trouvailles de sa propre imagination.
Bonjour. Je pense qu’il y a une erreur dans la datation au niveau de la toute première phrase. A moins que cela ne soit le XIXe S d’un autre calendrier que celui de l’EC.
Bonne continuation.
Tout à fait, cela ressemble à une grosse coquille : l’histoire débute en réalité vers 2375, comme le rappelle utilement la suite, « Sphères d’influence », publiée en mars 2018 aux Editions de L’Atalante…