Qui a dit que Lafferty et Sladek n’avaient pas de successeurs ? Seulement, c’est en littérature générale qu’il faut les chercher, une littérature mainstream de plus en plus ouverte aux passerelles entre les genres (Voir Bibliothèque de l’Entre-Mondes de Francis Berthelot chez folio SF).
Le premier roman du gallois Jasper Fforde dépeint ainsi une Angleterre de 1985 envahie par des dodos clonés, et en guerre contre la Russie pour la possession de la Crimée — encore un coup des révisionnistes français !
À cette uchronie déjà loufoque s’ajoute la place accordée à la littérature dans ce monde alternatif : les classiques y sont vénérés, au point que les enfants se battent pour des cartes à l’effigie des héroïnes de Henry Fielding, ou que des milliers de fans se rebaptisent tous John Milton… Une brigade d’opérations spéciales existe donc pour arrêter faussaires et escrocs littéraires. C’est à cette brigade qu’appartient la narratrice, Thursday Next, une trentenaire qui n’a pas froid aux yeux. Chargée de retrouver un manuscrit de Dickens volé dans un musée, elle se lance à la poursuite d’un criminel doté de nombreux pouvoirs : il peut entendre son nom chuchoté de très loin, il n’impressionne pas la pellicule, les balles ne l’atteignent pas… Bref, il semble tout droit sorti d’un roman de Clive Barker ou d’Eoin Colfer !
Cette enquête policière délirante réserve bien d’autres surprises : famille excentrique, inventions farfelues, loup-garou, accidents temporels… L’Affaire Jane Eyre rappelle aussi que les limites entre réalité et fiction ne sont pas aussi nettes qu’on le croit… On retiendra enfin la charge contre l’absurdité et l’inutilité de la guerre. Un roman qu’on ne lâche plus dès la première page et qu’on dévore d’un trait, pour celles et ceux qui aiment l’humour, l’imagination débridée… et la littérature anglaise !
Chronique de Samuel Minne
Editeur | J’ai lu |
Auteurs | Jasper Fforde |
Pages | 410 |
Prix | 8,50€ |