Votes pour le match d’écriture des Imaginales 2015 : « La planète aux idées perdues »

« LA PLANÈTE AUX IDÉES PERDUES »

Enfin le troisième thème du match d’écriture des Imaginales 2015. Un bien joli thème, plutôt poétique. Cela ne veut pas dire pour autant que les 6 auteurs de cet après-midi ont abordé ce thème sous cet angle.

Alors ? Vous en pensez quoi ? Exprimez-vous après avoir lu les 6 nouvelles grâce au sondage final.

  • Miranda
  • Abyme
  • Shibalba
  • La planète aux idées perdues
  • La pierre des souvenirs
  • Muse à vendre, accepte âmes

MIRANDA

Il existe des coins secrets dans l’univers. On s’y rend en nefs muettes et invisibles. Les boucliers occultants reflètent les photons, ils réverbèrent jusqu’à l’absence de lumière. Le silence règne à bord car tous les passagers dorment du sommeil de brute de la cryo. Nulle pensée ne doit sourdre de ces tombeaux temporaires. On pourrait les surprendre et les poursuivre. Leur destination est connue seule de l’IA pilote, une IA condamnée dès la naissance, et qui n’ira jamais plus loin que l’appontement de retour.

Ce n’est pas ainsi qu’il faut parler de Miranda.

À Miranda, on voyage en longs cortèges scintillants, des théories de navires, éclaboussées de soleils et de lunes, toutes moussues d’étoiles, toutes semées de météorites. Les passagers sont libres de courir les coursives, les jupes ou les pantalons de leurs compagnons. Ils s’abreuvent toute la traversée d’alcools rudes, de soupers fins et de musiques délicates. Ils chantent, dansent, baisent en une journée qui dure au moins trois mois, la plus courte distance d’une planète habitée de l’Houmma Ni Ta à Miranda. Certains voyages prennent plus d’un siècle. Les pilotes sont des consciences fermes, vives et pétillantes qui régalent leurs passagers en narrant les milliers d’années d’aventures spatiales qui ont constitué leur existence.

En écoutant ces voix, sages toujours, ironiques souvent, les clients croient déjà fouler le sol de Miranda.

Puis les vaisseaux alignent le champ gravitationnel de la planète. Ils traversent l’atmosphère en un glissement feutré au fredon suave. Les clients bouclent leurs valises et se pressent devant le sas de sortie presque une heure avant le contact. Les lèvres d’or rouge des portes se séparent tandis qu’un tapis d’incarnat se déroule jusqu’au sol. La foule déverse son écume puis son flot grondant de chemises de soie, de robes de brocard, de pantalons de satin.

Moi, j’étais nu. Comme l’annonce du capitaine m’avait trouvé.

– Miranda, dans une heure.

À ces mots, ma partenaire m’a dégagé d’un coup de rein souple d’anguille, sans un battement de cil. Je suis resté un peu stupide avec mon érection qui s’obstinait, peinant à substituer mon cortex préfrontal à mes gonades, en analyste de la situation.

Ma compagne s’est précipitée jusqu’à sa cabine pour prendre son sac. Comme pratiquement tous ceux et celles avec qui j’ai vomi, pissé, fait l’amour, deux cent cinquante années durant, je n’ai jamais su son nom.

J’ai suivi le mouvement, mollement, au contraire, de ma queue, légèrement déçue.

– Tu n’en avais pas assez, s’pèce d’obsédée ?

Oui, je suis de ceux qui parlent à leur bite, ça me console des vers de mirlitons que je me suis vu obligé de pondre pour gagner ma croûte, toute ma vie. J’avais du succès, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi.

Ajoutons que cette partie de ma personne, à mon âge vénérable, commence à prendre des décisions sans moi. Elle me laisse tomber un soir devant une dryade inconnue, aussi merveilleuse que cruche, pour se dresser le lendemain à l’adresse d’une vieille amie à la langue acérée et l’esprit brillant qui me disséquera de sa langue avant de me dévorer tout cru. Moi qui ait toujours aimé dominer au lit.

Je parle à ma queue, parce que la plupart du temps elle est plus intelligente que moi.

Et voilà pourquoi, comme Miranda n’est pas habitée, je ne me suis pas senti obligé de respecter les coutumes standards de pudeur de l’Houma.

Le tapis me débarqua presque en dernier, pourtant, la foule s’était déjà éparpillée. Les bagages abandonnés, épars, témoignaient seuls de leur passage sur la terre déserte jusqu’à l’horizon. Quelques traces s’épanouissaient comme des fleurs ici ou là, aux endroits où la boue remplaçait le sol dur.

– Ce n’était peut-être pas une excellente idée finalement, de venir me ressourcer ici, ai-déclaré à mon unique interlocutrice en vue.

Elle était encore assez raide pour faire un honnête levier.

J’ai marché quelque pas loin du velours du tapis et je me suis assis sur une malle de bois dorée pourvue de petites pattes à la place des roulettes. Elle a plié sous mon poids. De mauvaise grâce, m’a-t-il semblé. J’ai gratté la glaise moite d’un orteil dubitatif, jetant un regard vague à l’entrée béante du vaisseau. Si je voulais, je pouvais repartir aussitôt. Je me suis presque levé.

– C’est débile, a fait une voix grondante. Tout ce chemin, tous ces culs, toutes ces gueules de bois, ces chansons immondes et éculées, pour rien. Tu tiens vraiment à retourner, avec moi entre tes jambes, faire le clown devant tes fans ? Sans la plus petite idée originale ? Sans la moindre création ? Tu veux continuer à te parer de références qui ne t’ont jamais appartenu ? Te draper sur les épaules des autres ?

Là, je l’ai mal pris même si c’était la première fois que mon pénis me répondait depuis toujours. J’étais même assez piqué pour ne pas m’étonner d’un poil.

– Il n’y a rien ici. Tu m’emmerdes.

D’un large mouvement de bras, je lui ai montré la mer de boue et ses îles d’argile verte.

– Je ne suis pas équipé pour, a répliqué l’autre, spirituel. En tout cas, si tu as besoin d’un bon gommage…

– Oh bravo, ça commence bien.

Rien que pour l’ennuyer, je me suis levé et j’ai fait quelques pas. C’est assez désagréable de marcher en érection. Ça ballote douloureusement.

– C’est mesquin, a grommelé l’autre.

Je n’ai pas répondu, c’était mesquin, c’est vrai, mais surtout ça me faisait mal à moi aussi, évidemment. J’ai laissé tomber. Ma queue a semblé prendre la mesure de la situation (environ 30 cm) (non, je me vante) et m’a imité, se nichant à nouveau entre mes cuisses. Bien sage.

Je me suis gardée de la féliciter, mais par reconnaissance j’ai avancé encore d’un ou deux mètres vers l’horizon nu.

– Et donc, ai-je dit rêveusement. C’est ici que nous retrouvons l’inspiration ? Ce truc dont personne ne sait bordel comment ça vient ? Tu as une idée du nombre de fois où on m’a posé cette question de merde. Je dois chercher où d’après toi puisque tu es si maline ?

Ma bite a laissé échapper un long, très long, soupir :

– Dans ton cul.

This poll is no longer accepting votes

Quelle nouvelle avez-vous préféré ?
  • Déroutage40.74%
  • Âme sœur37.04%
  • Mémoire vive, panne sèche7.41%
  • Le coup de la panne (B)7.41%
  • Le coup de la panne (A)3.70%
  • La grande bulle3.70%

About Mourad

Participe au comité de lecture d'AOC (qui a dit pas régulièrement ?) et donne des coups de main sur le site ou sur tout un tas d'autres sujets (qui a dit c'est trop vague ?).

Consultez aussi...

Votes pour le match d’écriture Utopiales 2024 – « Ma progéniture veut m’éliminer »

Les conflits entre une génération et la suivante, c’est un thème récurrent de l’humanité. Les …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

WP2Social Auto Publish Powered By : XYZScripts.com