Marie Latour œuvre dans le registre du fantastique horrifique, et y réussit fort bien. Comme le titre le laisse supposer, tous les textes de ce recueil parlent de l’enfant, de l’enfance.
Pour autant, pas de boucles blondes ou brunes, pas de sourires attendrissants, on s’aventure ici dans ce qui tourne mal : le désamour, la violence, la perversion, la surprotection ou le manque d’amour…
On y croise des adultes qui assassinent des enfants, au propre comme au figuré, on s’enfonce au cœur des méandres de l’esprit humain, on frôle parfois l’horreur, voire on y plonge. Les sentiments y sont entiers, amour et haine, douceur et violence, réalité et songes, attirance et rejet…
Chaque nouvelle, souvent très courte, est un condensé d’émotions qui prend aux tripes. Ce n’est pas un recueil qu’on lit d’une traite. Il faut digérer chaque texte avant de s’absorber dans un autre. Il parle de maternité non désirée, de paternité dévoyée, de secrets de famille, du rôle des pères et des mères, assumé, rejeté, ou fui. La violence est omniprésente, mais pas gratuite.
L’écriture est nerveuse, fiévreuse presque, comme autant de coups de poing au cœur et au ventre, ponctuée de moments d’émotion et de poésie. Je vous présenterai plus particulièrement les textes qui m’ont le plus marquée : la nouvelle qui ouvre le recueil La Maison de papier donne le ton, âpre et poétique.
Au nom de la mère hurle la brutalité d’une grossesse non-désirée et ne laissera personne indifférent. Échec et Mat trouve le ton juste pour évoquer un sujet d’une extrême violence. Aïda fait une incursion marquante dans le monde des amitiés toxiques. Harlem ghetto est une forme d’hommage aux noirs américains. Avec Berlin rouge, l’enfant est le fruit d’un viol, sa mère ne peut l’aimer…
Les Heures d’Elyranthe est une illustration parfaitement maîtrisée de la charge mentale, de l’épuisement de celle qui tente de tout concilier, boulot, tâches ménagères, soins de l’enfant, et s’enfonce dans la culpabilité.
C’est un fantastique souvent très noir auquel nous convie Marie Latour, ancré dans les terribles réalités et pourtant nimbé de poésie. À découvrir ! Mention spéciale à la très belle couverture signée Philippe Jozelon.
Chronique de Sylvie ‘822’ Gagnère