Il s’agit d’un recueil de huit nouvelles de science fiction. La dernière, la plus longue – Paradis perdus – se déroule à bord d’un vaisseau spatial envoyé par la Terre vers les étoiles. Le voyage dure plusieurs générations et nous assistons à l’évolution de ce monde clos.
Un sujet classique de la SF, renouvelé par le thème religieux. La naissance d’une secte fanatique aiguise les tensions et la lutte pour le pouvoir. Les « anges » qui nient le monde extérieur et veulent prolonger indéfiniment le voyage au nom de la « Béatitude » s’opposent à ceux qui veulent atteindre la destination prévue et quitter le vaisseau pour vivre sur un nouveau monde. Les autres nouvelles se situent dans l’espace de L’Ekumen, communauté regroupant les planètes (dont la Terre) colonisées par les Hainiens. Les habitués d’Ursula Le Guin – ceux qui ont lu La Main gauche de la nuit, Un pêcheur de la mer intérieure ou Quatre chemins vers le pardon – reconnaîtront les planètes Géthen, O ou Werel, car l’auteur aime revenir explorer plus à fond les mondes qu’elle a « découverts ». Ces récits nous montrent tous « des gens dont la société diffère de la nôtre, dont la physiologie même peut être différente, mais qui ressentent les choses comme nous. » Les différences entre ces mondes sont le résultat d’expériences génétiques et sociologiques effectuées par les Hainiens, des millénaires auparavant. Découvrant les conséquences des manipulations effectuées par leurs ancêtres, les habitants de la planète-mère essaient de réparer les dégâts. Pas toujours avec succès.
La majorité des récits est à la première personne, le narrateur étant un observateur Hainien plus ou moins intégré à la société décrite ou un autochtone. Qu’il s’agisse de rapports officiels ou de confidences intimes, les relations entre personnes (familiales, sexuelles ou sentimentales) sont décrites avec la précision d’un ethnologue. Ce qui n’exclut ni l’humour, ni l’émotion. On passe de la comédie (Coutumes montagnardes) à des tragédies personnelles et/ou planétaires. Que ce soit dans l’évocation de moments heureux ou des pires catastrophes, il y a une retenue dans le ton, une distance qui n’est pas pour autant de la froideur. Indulgence amusée d’une personne âgée pour ses jeunes années (Puberté en Karaïde), nostalgie pour le bonheur perdu et fatalisme résigné (L’Anniversaire du Monde) ou sérénité durement acquise (La Question de Seggri, Solitude). Le lecteur partage la compassion et la tendresse d’Ursula Le Guin pour ses personnages et se laisse prendre par la poésie en demi-teinte de certaines images Impossibles à oublier, comme la présence fantomatique de la mer sous le brouillard dans Un amour qu’on n’a pas choisi, ou ce pas de deux esquissé par Luis et Xing à la fin de Paradis perdus.
Marie-Renée Lestocoy
Éditeur | Robert Laffont |
Auteur | Ursula Le Guin |
Pages | 407 |
Prix | 21€ |
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Notre avis
4.3
Le lecteur partage la compassion et la tendresse d’Ursula Le Guin pour ses personnages.