Les Compagnons de l’Ombre est le titre d’une anthologie publiée régulièrement, réunissant sous formes de nouvelles les héros et vilains de la culture populaire.
Frank Schildiner ouvre le bal avec La Diplomatie des vampires où Jean-Pierre Séverin, création de Paul Féval dans le roman La Vampire, croise le fer avec les vampires d’Anne Rice. On ne peut pas dire que ces derniers sortent grandis de cet affrontement. Cette nouvelle reste tout de même agréable à lire.
Dans Une vie de pirate, Travis Hiltz convoque Sir Eric Palmer, personnage de Paul Féval fils, pour une enquête liée à un meurtre dans le milieu de la piraterie lors de laquelle il rencontre des marins célèbres comme les capitaines Nemo, Crochet et Haddock. Ce texte est très plaisant, car tous ses protagonistes sont bien caractérisés et fidèles à leurs versions papier, ce qui rend l’enquête de Palmer fascinante bien que son dénouement soit prévisible.
Dans sa nouvelle Les Singuliers Chats de la mer des rêves, Matthew Baugh emmène la magicienne Palmyre, sa créatrice Renée Dunan et d’autres personnages dans le Kadath d’H.P. Lovecraft où elles croisent tout un tas de créatures bizarres, du chat du rabbin de Joann Sfar au chatbus d’Hayao Miyazaki. On passe un bon moment en se laissant emporter dans les contrées inconnues de cette balade onirique et captivante.
Vient ensuite L’Œil du faucon de John Peel, un récit d’aventures dans lequel un mystérieux méchant kidnappe des savants célèbres, comme le docteur Omega ou Abner Perry. John Peel y donne la part belle à Jane Clayton d’Edgar Rice Burroughs (Mme Tarzan pour l’état civil), sans laquelle le pilote Biggles et le docteur Ardan auraient eu du mal à se sortir d’affaire. La chute de la nouvelle est assez surprenante, le méchant en question n’étant finalement pas si mauvais que cela et apparaissant désemparé face à l’échec de son noble plan.
La Pierre de Salomon de David L. Vineyard décrit l’alliance de John Silence et du duc de Richleau contre le machiavélique Mocata, possesseur d’une pierre magique maléfique. L’auteur convie sans surprise Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur de Maurice Leblanc, mais ruse pour nous faire découvrir à la toute fin l’identité portée par Lupin.
Celui qui vit dans les ténèbres de Matthew Dennion oppose le colonel Bozzo-Corona, personnage du cycle des Habits noirs de Paul Féval, au Darkman de Sam Raimi, un généticien défiguré qui porte une peau synthétique capable de le faire passer pour n’importe qui. Dennion semble avoir pour marotte de faire se rencontrer les personnages des Habits noirs et les héros et méchants issus de films célèbres comme Michael Myers d’Halloween dans le tome 22 des Compagnons de l’Ombre ou Darkman dans celui-ci. Cependant, il le fait très bien et se donne même le luxe de faire intervenir ici Gordon Gekko des films Wall Street d’Oliver Stone.
Idiots utiles de Nigel Malcom fait suite à une histoire débutée quelques numéros auparavant. Elle fait intervenir le Nyctalope de Jean de la Hire, Sexton Blake d’Harry Blyth et Gouroull, le monstre de Frankenstein réinventé par Jean-Claude Carrière. Le conflit opposant le Nyctalope et Blake aux Habits Noirs reste en trame de fond de ce futur fasciste, et la rencontre avec Gouroull n’y apporte pas grand-chose, ce qui rend cette histoire peu intéressante.
Enfin, Artikel Unbekannt dans Travaux forcés crée une mise en abyme intelligente faisant s’accoster Bob Morane et les écrivains ayant écrit ses exploits. C’est très surprenant, les mondes réels et imaginaires se croisant ainsi de belle manière.
Dans l’ensemble, à l’exception d’Idiots utiles, ce vingt-septième tome des Compagnons de l’Ombre est assez bon, car il contient des nouvelles remarquablement bien écrites, inventives et donnant la part belle à ces héros et vilains oubliés de la pop culture.
Chronique de Christophe ‘1416’ Colin