Après l’assassinat de Jules César, certaines familles patriciennes et leurs clients ont fui, menés par un aventurier. Ils espèrent fonder une nouvelle République, loin d’une Rome corrompue. Mais la tempête les emporte au-delà des côtes africaines, jusqu’à des terres inconnues, où les survivants s’établissent et fondent Libertas.
Mille cinq cents ans plus tard, tout le continent est pacifié, et la reconquête du vieux monde est votée par le Sénat. La mobilisation générale ne se fait pas sans une certaine épuration des opposants. On suit alors les aventures de quatre Syrésiens, habitants d’une province lointaine et désertique, qui se retrouvent soldats, tassés sur la plate-forme d’un dirigeable spartiate escorté par des soldats d’élite volants, les Aigles. Puis c’est l’embarquement à bord de navires gigantesques, les Léviathans.
Mais la campagne destinée à rétablir la République dans le vieux monde ne se déroule pas comme prévu. Les navires sont piégés par des tourbillons surnaturels à l’entrée de la Méditerranée et les reconquérants doivent recourir aux ballons, qui ne peuvent emporter tout le monde. Ils découvrent alors un monde mystérieux, où évoluent des monstres marins. L’un des quatre Syrésiens, Géon, devient la proie d’étranges visions…
Ce roman de Johan Héliot, qui reçut le Prix Rosny aîné 2001 pour La Lune seule le sait (Mnémos), a le mérite de nous dépayser. Et doublement. D’abord le dépaysement se présente comme historique (l’Antiquité romaine). Ensuite, au fil de la lecture, l’uchronie s’impose et avec elle la magie, l’aventure, 1 inconnu. Pour les reconquérants et les habitants du vieux monde, la magie existe, celle du Prince Rouge ou du Gardien, même Si le lecteur peut au final comprendre qu’il ne s’agit pas réellement de magie. On a donc un récit qui s’affiche comme une uchronie de fantasy, reprenant des thèmes et des motifs steampunks : attrait pour les débuts de l’industrialisation, attention portée aux odeurs et aux textures des matériaux, des métaux en particulier.
C’est peut-être le défaut d’une qualité, mais l’ancrage historique du récit piège le lecteur dans des attentes qu’il déçoit. En effet, l’auteur pourrait jouer avec le choc des cultures: après mille cinq cents ans d’évolution séparée, confronter une société romaine industrielle à un Moyen-âge européen proche de la réalité. Or il n’en fait rien. Et le vieux monde paraît désert, falot, sans grande consistance. Autrement dit, les divergences entre ce monde uchronique et le nôtre sont telles que, si elles favorisent l’aventure et l’inconnu, elles affaiblissent la crédibilité de l’histoire, qui s’annonçait sous les auspices du roman historique.
On pourra également regretter la manière un peu simpliste et téléphonée dont, au début, la psychologie et le passé des personnages sont mis en place. Néanmoins, on s’attache aux protagonistes, dans la mesure où ils incarnent de simples individus, comme vous et moi.
On aurait pourtant souhaité un peu plus de souffle et de panache, en particulier vers la fin.
Pour finir, on relèvera quelques lourdeurs de style par moments et de grosses invraisemblances techniques au sein même de l’univers créé. Il suffit de songer aux Aigles, dont on voit mal comment la vapeur ou le charbon pourraient propulser les tuyères, sans parler du poids de leurs ailes… L’explication n’apparaît d’ailleurs jamais. Et pour cause!
Malgré ces défauts, le roman se lit bien et on passe un assez bon moment. A essayer.
Chronique de François ‘767’ Manson
Éditeur | Mnémos |
Auteur | Johan Héliot |
Pages | 316 |
Prix | 18,29€ |
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Notre avis
2.5
on s’attache aux protagonistes, dans la mesure où ils incarnent de simples individus