Rencontre avec Léo – Les éditions Scrinéo

Réalisé lors des Utopiales 2024 par Agathe Tournois & Xavier Fleury

Présences d’Esprits : Quelle est pour toi la place de Scrineo dans le champ de l’imaginaire en France ? 

Léo : Scrineo a 15 ans. Dans ses débuts, la maison d’édition n’était pas autant spécialisée dans l’imaginaire, cela s’est développé au fur et à mesure des années. Elle est composée de trois pôles : historique, contemporain et imaginaire. Aujourd’hui, le pôle imaginaire est le plus important et celui que l’on défend le plus. Notre objectif est de proposer des histoires originales, des histoires actuelles, des histoires de lutte, des histoires militantes. 

Nous souhaitons transmettre et étendre des paysages de rêves et des paysages de réflexions par rapport à la vie réelle. À travers l’imaginaire, nous abordons des sujets très contemporains comme le politique, la représentation, le genre, les animaux. 

PdE : Quelles sont les sous-collections à l’intérieur de ces trois pôles ? 

L. : Nous fonctionnons par tranche d’âges de 8 ans à adulte. En 8, 10, 12 ans ou ado, on va retrouver plutôt des histoires mignonnes autour de la sorcellerie par exemple. Ensuite, quand on avance en âge, on change d’ambiance. Nous avons une collection SF pour les adultes, une collection romantasy qui sort avec Le Serment d’Eldenaï de Georgia Caldera, et la collection Imaginaire adulte, avec des autrices comme Floriane Soulas, Aurélie Wellenstein, des stars, maintenant, je dirais. Et Gabriel Katz qui revient chez nous avec Excaliber, une réécriture du mythe du Roi Arthur. 

3 titres de la collection SF de Scrinéo

PdE : Vous avez plutôt un lectorat fidèle depuis 15 ans ou des nouveaux lecteurs et lectrices ? 

L. : Je pense que les deux se côtoient. Des personnes qui suivent des auteurs comme Gabriel Katz ou Pierre Bordage, qui ont une carrière déjà derrière eux, mais également des nouveaux lecteur.ices. Notre volonté est de faire éclore des primo-auteur.ices investi.es sur des sujets de société, justement pour toucher des nouveaux lecteurs et des nouvelles lectrices. Je pense à Cordelia avec sa trilogie sur des sorcières qui a fédéré de nouvelles lectrices chez nous qui ne s’intéressaient pas forcément à nos autres romans de fantasy beaucoup plus sombres. 

PdE : J’ai l’impression que la littérature jeunesse propose de nombreuses séries, ce qu’on retrouve moins dans l’offre adulte. Votre dernier appel à manuscrits pour les young adults concernait des one-shot essentiellement, si je ne me trompe pas… 

L. : Complètement. Je pense que c’est une réalité pour tout le monde éditorial : les séries, c’est très déclinant. On a du mal à conserver les lecteurs sur la durée. Dans nos nouveautés, on a la série « Le manoir de Castlecatz », qui serait l’équivalent de la rencontre entre « Harry Potter » et « La Guerre des Clans », si je la fais très péremptoire. Le tome 1 cartonne. Le tome 2, deux fois moins, et le tome 3, deux fois moins encore. 

PdE : Malgré sa mise en avant sur les réseaux sociaux ? 

L. : C’est dur de faire vivre les séries. En tout cas, nous on a du mal, peut-être que d’autres ont plus de facilité ? 

PdE : Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler dans l’édition ? 

L. : Beaucoup de déterminisme ! Je viens d’une famille qui lit énormément, j’ai été biberonné à Dune et à Bilbo le Hobbit. J’ai fait des études de philo, puis j’ai travaillé dans le spectacle vivant. Et le Covid est arrivé. J’ai cherché un nouvel emploi et je suis arrivé dans la littérature jeunesse. 

PdE : Combien de personnes travaillent chez Scrineo ? 

L. : Nous avons deux activités : l’édition de romans et la revue L’Éléphant, mais si on met la revue de côté, sur la partie livres, 4 personnes sont à temps plein et 2 personnes en alternance ou en stage. Parmi les employés à temps plein, il y a le directeur fondateur Jean-Paul Arif, une éditrice et une personne qui s’occupe avec moi de la diffusion et des salons. L’éditrice a également un rôle de coordinatrice : elle s’occupe des éditeurs et éditrices free-lance qui complètent l’équipe. 

 

PdE : Scrineo, c’est uniquement des auteurs francophones ? 

L. : Complètement. Jean-Paul Arif, le fondateur, est très attaché à cela même si c’est particulièrement difficile dans un contexte imaginaire où les marchés anglophones sont beaucoup plus puissants et arrivent à se développer à travers énormément de canaux différents. Ne pas avoir de traduction, c’est parfois complexe. Mais la valeur que veut défendre Jean-Paul à travers cela, c’est de faire vivre la langue française et de faire vivre aussi les nouvelles plumes. 

PdE : Faire des salons aide à créer du lien avec le lectorat. Les auteurs francophones se déplacent plus facilement pour dédicacer que les auteurs américains ou anglais… 

L. : Oui, c’est vrai pour garder contact avec les lecteurs, et cela s’avère vrai également pour garder contact avec les auteurs, rester proche du marché et observer comment fonctionnent ses évolutions. Les salons sont indispensables, mais ils demandent beaucoup d’investissement, parce qu’il y a un salon imaginaire quasiment tous les weekends sur l’année. 

Vous retrouverez Scrineo par exemple aux Utopiales, aux Imaginales, aux Haliénnales, à L’Ouest hurlant, etc

PdE : Le choix d’aller vers de nouveaux auteurs français signifie d’ouvrir les soumissions de manuscrits. As-tu une idée du volume reçu et correspond-il à ce qu’attend la maison d’édition ? 

L. : Nous sommes très en retard sur le traitement des manuscrits. Nous avons réussi, enfin, grâce à une évolution de l’organisation à mieux gérer le processus. On a un comité de lecture. Une fois que nous recevons les manuscrits, nous choisissons différentes personnes du comité pour étudier les manuscrits et nous rendre une fiche de lecture. Nous fonctionnons comme cela pour les auteurs et les autrices avec qui nous n’avons jamais travaillé. 

Lors de la dernière ouverture de soumission de manuscrits, nous étions super en retard, et du coup, nous nous sommes tous mis à lire les manuscrits qui avaient de bonnes fiches de lecture. Nous avons ensuite fermé notre plateforme en ligne, pour ne l’ouvrir uniquement une fois par an, sur une courte période d’un ou deux mois, avec un appel à textes ciblé sur ce que nous souhaitons publier. Nous avons terminé de traiter nos manuscrits reçus en 2023 voici peu de temps, et là, nous avons rouvert cet été la réception de manuscrits. Nous commençons à nous plonger dedans. Globalement, sur les fiches de lecture qui commencent à arriver ce sont plutôt des gens qui ont compris notre ligne éditoriale, avec un manuscrit sur deux qui semble plutôt bon. 

PdE : Avoir émis un appel à manuscrit ciblé a joué ? 

L. : Exactement. Cela représente beaucoup de temps de lecture, un énorme nombre de fiches à produire pour une petite équipe comme la nôtre. Heureusement, nous sommes assez solidaires. Nous essayons d’éviter le surmenage et de travailler sur les textes qui correspondent plus à nos goûts. Pour ma part, j’apprécie la Dark Fantasy, les fictions plus adultes. Delphine, elle, préfère les histoires mimi, comme les Leo et Lili, des textes plus jeunesse en général. 

PdE : Que peux-tu nous dire sur le travail éditorial avec les auteurs ? 

L. : Cela va être difficile pour moi de vous en parler, parce que ce n’est pas dans mes activités. De ce que j’entends dans le bureau, c’est plutôt assez simple. Nous nous entendons avec les auteurs sur les points à améliorer. Les corrections se font dans l’écoute, la bienveillance, et dans une direction qui est assez commune. Je pense qu’il y a tout de même un gap générationnel qui peut se faire sentir avec des auteurs plus âgés et moins sensibles aux défis qui animent la littérature dans la société française aujourd’hui. Cela se traduit par des termes employés qui ne peuvent plus trop se dire, ou une manière stéréotypée de présenter des personnages. 

PdE : Parmi vos auteurs et autrices les plus connu.es, la plupart ont rejoint Scrineo à ses débuts ou plus récemment ? 

L. : Floriane Soulas et Aurélie Wellenstein sont là depuis très, très longtemps. Avec Pierre Bordage, par exemple, notre collaboration est assez récente. Le Dixième vaisseau, date de 2022. Gabriel Katz, avec Le Puits des mémoires, travaille avec nous depuis quelques années déjà. Dans les nouveaux qui nous ont rejoints, on a Alice Parriat, Djenny Bergiers et Georgia Caldera. 

PdE : Est-ce qu’un auteur « maison » doit re-soumettre un nouveau manuscrit de manière classique ? 

L. : Une fois qu’une relation s’est tissée et que le travail s’est bien passé, nous essayons de poursuivre la collaboration sur le long terme, nous sommes attachés à ça. 

PdE : Quelle est la moyenne de tirages ?  

L. : Nous sommes autour de 3000 en moyenne par livre. Évidemment, pour des Pierre Bordage, des Floriane Soulas, c’est beaucoup plus haut. Pour des primo-auteurs et des primo-autrices, on ne peut pas prendre trop de risques. 

PdE : Combien de nouveaux titres enrichissent le catalogue chaque année ?  

L. : On en est à 45 pour cette année. 

PdE : Certains titres perdurent dans le temps ? 

L. : Oui. Les Aurélie Wellenstein et les Floriane Soulas sont assez indétrônables. 

Les Gabriel Katz, les anciens, La Part des ombres et Aeternia, perdurent et c’est assez rigolo, car on ne communique plus trop dessus, on se focalise plutôt sur les nouveautés. Ces romans sont vendus via deux canaux, ils existent en poche, et pourtant le grand format continue de se vendre. 

PdE : Peut-on dire qu’il y a des lecteurs de « poche » et des lecteurs de « broché »  ? 

L. : Oui. Il y a aussi un renouveau avec le livre audio. Spotify lance ses abonnements livres audio et sa plateforme, et jusqu’alors les studios avec lesquels nous travaillions nous achetaient en général un ou deux titres par an. Là, je viens de signer l’intégralité des Gabriel Katz. Ils cherchent à avoir des auteurs et des autrices sur la durée. 

PdE : Concernant la diffusion, comment ça fonctionne ? 

L. : Notre diffuseur est Interforum. Ses équipes vont présenter nos livres en librairies généralistes et spécialisées. En plus de ça, mon travail consiste à renforcer la relation avec nos librairies privilégiées. Nous avons des librairies de l’imaginaire qui nous suivent depuis des années. Et du coup, c’est important d’animer cette communauté avec des soirées dédicaces par exemple. Nous disposons d’une base VIP de cinquante librairies alimentées de services presse et avec qui j’ai un contact assez régulier. Pour en citer quelques-unes : Dimension fantastique à Paris, La mare au diable à Dunkerque, il y a un Furet à Lille aussi, Durance à Nantes, etc

PdE : Et concernant le livre numérique ? 

L. : Il ne marche pas trop pour les livres jeunesse. Nous commençons à arrêter l’e-pub pour la petite jeunesse, c’est vraiment le young adult, notre cible. Notre diffuseur a une équipe dédiée au livre numérique. Nous avons régulièrement des offres, des opérations marketing avec eux pour mettre en avant un ouvrage sur une plateforme comme Kobo ou Apple. 

PdE : Des événements particuliers sont-ils prévus en 2025 ? 

L. : Normalement, un nouveau roman de Pierre Bordage. 

About Xavier FLEURY

Matelot du fanzine Présences d'Esprits, chargé des demandes de Services Presse pour les nombreux chroniqueurs de la cabine Livres.

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