« Plaguers » de Jeanne-A Debats

La folie et la cupidité des hommes ont plongé la Terre dans une catastrophe écologique complète. Il n’y a plus d’animaux sauvages, plus de flore, plus d’air respirable, plus rien à part des pluies acides, une pollution monstrueuse et une humanité perdue. 

Par contre, il subsiste des politiques cupides, des hordes de pauvres qui manquent de tout tandis que les dernières ressources sont monopolisées pour le confort des gens importants – entendez les riches. La formidable source d’énergie qui a été découverte, les réacteurs Alyscamps, est utilisée pour la satisfaction des nantis plus que pour le bien-être de tous.

Dans ce contexte apocalyptique sont nés les Plaguers. Ce sont des mutants, des enfants ou des adolescents qui développent un pouvoir de création. Certains font apparaître des loups, d’autres des fleurs, des levures, de la lave ou des arbres. Mais pour les autres, les « normaux », ils sont maudits, porteurs de la Plaie. Des réserves ont été créées, des réserves-prisons où ils sont enfermés leur vie entière, en compagnie des Uns et des Multiples, stades ultérieurs de la mutation.

C’est l’une de ces réserves que le lecteur va découvrir, grâce au regard de deux ados qui viennent d’y être conduits. Quentin est un jeune garçon sympathique, qui fait naître des sources sous ses pas ; il arrive dans la zone en compagnie d’Illya, celle qui fait pousser des fleurs, mais rejette tous ceux qui s’approchent d’elle avec son caractère teigneux. Et le changement de sexe amorcé pour tenter de se débarrasser de la Plaie ne fait rien pour faciliter ses relations avec les autres !

Ces deux-là se cherchent, s’aiment et se détestent, tandis qu’ils découvrent petit à petit les mystères des évolutions des Plaguers. Plaguers prend le lecteur aux tripes avec ses personnages attachants, englués dans le piège des transformations de l’adolescence. Et dans ce monde bouleversé, les modifications qui se produisent alors sont incroyablement puissantes !

Jeanne-A Debats a l’art de raconter les bouleversements qui traversent ces gamins, toutes les interrogations qui les taraudent, sur eux-mêmes, les autres, le désir, l’amour, l’amitié. Ce cheminement des héros, éclairé par de petites touches de leur histoire disséminées dans le récit, est le cœur du roman, plus encore que la déclinaison du thème classique du risque de destruction totale de la planète écarté par quelques héros. Elle parle de la différence et de l’acceptation d’autrui (et de soi). Elle parle d’un monde où la sexualité serait plurielle, mouvante, déterminée par les sentiments et non cristallisée dans une (des) norme(s) fixe(s). Elle parle d’intolérance aussi, de la peur de l’autre qui nous fait le rejeter, le massacrer même tant sa simple existence remet en cause les fondements d’une société figée.

Roman d’apprentissage, du délicat passage de l’enfance à l’âge adulte, roman d’anticipation, manifeste à la tolérance, empreint d’une poésie qui jaillit au détour du phrasé comme les sources du corps de Quentin, Plaguers s’adresse aux grands ados comme aux adultes, et marque profondément l’imaginaire du lecteur.

 

Plaguers
Éditions L’Atalante Poche – Parution le 21 septembre 2017
364 pages – 8 euros

A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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