Votes pour le match d’écriture Nice Fictions 2016: « Je ne suis plus un(e) adulte »

« JE NE SUIS PLUS UN(E) ADULTE »

En lisant vite, cela parait simple. Mais … comme toujours dans les mondes de l’imaginaire, se méfier de l’apparente simplicité. Bonne lecture !

  • La dimension trompeuse
  • Un jeu d’enfant
Contrainte 1 Un arc-en-ciel triste

LA DIMENSION TROMPEUSE

1

A l’insu de tous, il existe d’autres dimensions. Et, dans ces autres dimensions, encore d’autres. Des dimensions dans des dimensions. Plein d’univers différents. Certains avaient la faculté de les apercevoir. D’autres, au contraire, vivaient tranquillement le quotidien, sans même en soupçonner l’existence. Il arrivait parfois qu’un de ces univers ait une conscience propre, et pouvait comme « ressentir » les émotions des personnes les plus vulnérables. Ainsi commence l’histoire d’Anthony Farke. Jeune homme gothique, fasciné par les sciences occultes, ses proches l’avaient toujours trouvé étrange. Il ne supportait plus de tels clichés sur l’apparence. Un soir, il était à la bibliothèque quand vint son amie, Raven Hunter. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher d’être fasciné par ses cheveux d’un noir de geai, son teint pâle, et particulièrement son regard, un regard profond, intense, comme si elle pouvait transcender les âmes.

  • Encore à travailler à cette heure-ci ? S’enquit-t-elle, avec un sourire compréhensif, et tu étudiais quoi ?

D’un seul coup, Anthony parut sortir de sa réserve.

  • Alfred Hitchcock, les Corbeaux ! Déclara-t-il fièrement.
  • J’adore ce livre ! S’exclama-t-elle.
  • Alfred Hitchcock a sa façon bien à lui de voir le monde ! Reconnut Anthony.

— Tu n’aurais pas envie d’autre chose ? Demanda soudain Raven sur le ton de la confidence. Il la regarda, surpris. Elle savait les sentiments qu’il éprouvait pour elle mais il n’aurait jamais cru qu’elle irait aussi vite. Dans une bibliothèque déserte, cela avait un côté attractif très excitant. C’était bien de braver l’interdit, c’était l’extase. Mais ce qu’elle lui proposa fut très différent… et tout aussi intriguant.

— As-tu entendu parler des autres univers ? Demanda-t-elle. Il haussa les épaules.

— Oui, les univers alternatifs ! Il m’arrivait de lire des choses là-dessus. Et alors ?

— Et si tu pouvais avoir une vie meilleure ? L’occasion d’avoir de nouvelles chances ?

Il ne comprenait que trop bien une telle question. Avec son look, ses cheveux ébouriffés, il n’arrêtait pas de subir des moqueries. Parfois, il se faisait même frapper par les autres étudiants, et sa famille était trop souvent absente. Sans même réfléchir aux conséquences que cela entraînerait, attiré par le risque, il répondit simplement :

Raven l’embrassa sur la bouche. Tout à coup, il fut pris de vertiges. La bibliothèque parut disparaître, et Anthony, aspiré dans un tourbillon multicolore, une sorte de vortex. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était chez lui, ou ce qui ressemblait à sa maison, en tout cas.

  • Quel drôle de rêve ! Qu’est-ce que j’ai fumé hier soir ?

Tout de suite, sa voix lui parut bizarre. Il se leva et se regarda dans la glace. Il sursauta. Il paraissait avoir douze ans, soit dix ans de moins d’un seul coup ! Que s’était-t-il passé ? Il claqua des doigts.

  • Raven !

 Mais bien sûr ! Avec un pouvoir mystérieux, elle avait dû sentir son mal-être. Elle devait donc venir de cette dimension. Voilà pourquoi il avait toujours eu du mal à la cerner ! Mais elle lui avait rendu ce service : refaire sa vie, ne pas reproduire les mêmes erreurs. Mais ici, à part lui, est-ce que quelque chose d’autre avait changé ? Effectivement ! Sa maison était en tout point identique, mais c’était tout. Par Belzébuth et Salem ! Des arbres multicolores ! Un avec des feuilles rouges, un autre ordinaire… mais plus loin, un autre avec des feuilles bleues roi, jaunes, violettes… Un véritable kaléidoscope ! Il n’était décidément pas chez lui ! En plus de ce paysage surréaliste, l’attitude des passants semblaient également avoir changée. Pendant une fraction de secondes, Anthony regretta son ancienne vie. Dans ce nouvel univers, des gens volaient, pillaient, tuaient. Mais pas une seule goutte de sang. A la place, ressortait un liquide tout aussi multicolore qui faisait mal aux yeux. Mais les agresseurs ne semblaient pas être des gens. Ils avaient un crâne vert disproportionné et des dents acérés. Et il lui semblait apercevoir de petites griffes. Anthony mit du temps avant de comprendre la situation : c’était des sortes de jeunes goules qui attaquaient des humains au hasard du chemin. Oui, des jeunes goules, qui avaient un aspect légèrement familier. Ce devait être des personnes normales, qui avaient rajeunies elles aussi, avant de se transformer en ces créatures. Cela voulait dire qu’il était tombé dans une dimension infernale et que Raven ne lui avait fait aucun cadeau. C’était une traîtresse. Et, vu le massacre auquel il assistait, stupéfait, il ne tarderait pas à sombrer et à devenir une goule lui aussi, et risquer d’oublier qui il était.

2

Autant profiter de ses douze ans apparents pendant qu’il le pouvait encore. A moins d’un miracle, il ne pourrait empêcher la transformation. Alors il alla voir ses parents, ou plutôt les « doubles » de ses parents, dans cette dimension. Ce qui était effrayant, c’est que, malgré le tumulte qui régnait dehors, ils prenaient tranquillement leur petit déjeuner.

— Bonjour ! Fit Madame Farke, tu as bien dormi ?

  • Maman, les goules qui sont dehors, commença-t-il, très inquiet, tu as vu ce qu’elles font aux malheureux ?

Anthony grimaça. Même si elle lui ressemblait, ce double n’était pas sa mère. Il n’avait pas à l’appeler ainsi.

— Hein ?

Puis Madame Farke parut se reprendre.

  • Ah oui, ça ! Cela doit être dur au début ! Tu les attaqueras bientôt !

 Dans quel enfer était-t-il tombé ?

  • Et ça ne te fais rien ? Et toi, Papa ?

Pas de réponse. Madame Farke reprit la parole.

— Ici, à Colorstone, c’est le quotidien ! Allez ! Il est temps de partir à l’école, mon chéri !

Surpris, Anthony suivit malgré tout cette inconnue. Madame Farke renversa deux ou trois passants avec sa voiture, tout en cherchant la station de radio appropriée.

— Voyons, murmura-t-elle avec indifférence, mais où est la station des… Ah, la voilà !

Elle déposa Anthony à l’école et repartit aussitôt. Le bâtiment avait des couleurs criardes. Il remarqua aussi des petits clowns qui paraissaient travailler en collaboration avec les goules. Il semblait que les goules et les clowns étaient dans la même classe. Alors, qu’est-ce que Anthony deviendrait dans cet univers ? Une goule démoniaque ou un clown satanique ? Désespéré, il s’assit à une table et attendit le début du cours.

3

Anthony aurait dû se douter que le cours ne serait pas comme les autres. C’est un clown de deux mètres de haut qui se présenta. Sa tête était un ressort qui bougeait dans tous les sens. Anthony ferma les yeux. Il espérait que ce soit un cauchemar, mais rien ne changea.

— J’ai travaillé pour Stephen King ! Commença le professeur en guise de présentation, ainsi que dans deux ou trois cirques de la torture ! Alors, pour les jeunes goules ou clowns en formation, voici le sujet du jour !

 Et il inscrivit en grosses lettres rouges sanguinolentes :

COMMENT ATTAQUER LES HUMAINS : PREMIÈRE PARTIE.

— Alors, quelqu’un peut me dire s’il est préférable d’utiliser des griffes, des serres ? Ou un autre moyen d’attaque, peut-être ? Toi, Thérèse ?

La dénommée Thérèse paraissait avoir à peine six ans. Elle était déjà un clown avec son sourire démesuré et ses yeux, l’un violet, et l’autre jaune. Un véritable délire ambulant ! Elle réagit à la question d’une voix caverneuse, qui ne ressemblait pas du tout à celle d’une petite fille.

— Il faut courir après les humains ! Après, bondir au ralenti, ouvrir une large mâchoire…

— Attends ! L’interrompit le professeur en désignant Anthony, laissons un peu la parole au nouveau !

«Pourquoi moi ? » Pensa celui-ci qui voulait se cacher et disparaître. Dans cette meute, c’était bien le seul qui ressemblait encore à un jeune humain normal.

— Je… Je n’en sais rien.

— Ta transformation en goule ou en clown sera dans quelques jours ! Promit le professeur, mais tu dois avoir déjà quelques idées, non ?

— Je viens à peine d’arriver.

— Bien sûr, bien sûr !

Anthony risqua une question. Dans cet univers imprévisible complètement risqué, donner un avis pouvait mettre en péril.

— Pourquoi certains se transforment et d’autres restent des humains mais pourchassé par… par nous ?

— C’est l’évolution.

Inutile de comprendre. Et Anthony en avait marre de ce « cours » qui ne rimait à rien. Il fallait qu’il sorte d’ici et retrouve Raven. Heureusement, le professeur ne l’interrogea pas davantage.

— Quelqu’un peut me faire un bon rugissement de goule ou de clown à l’attaque ? Souhaita le professeur, n’oubliez pas ! Vous serez notés en conséquence !

Heureusement pour Anthony, cela ne dura pas longtemps, et bientôt, chacun quitta la salle en courant… sauf Raven, justement, qu’il n’avait pas bien vue, qui était restée cachée au fond de la salle.

— Pourquoi m’as-tu emmené ici ? Cria Anthony en lui attrapant violemment le bras.

— Je ne voulais pas ! Je t’assure ! Répliqua-t-elle des larmes aux yeux, je voulais t’emmener à Happytown ! Mais je pense que je suis allée dans la dimension d’a côté !

Anthony ricana.

— Quelle que soit l’origine de ton pouvoir, tu veux me faire croire que tu t’es bêtement trompée de chemin ?

— Oui ! Je voulais que tu aies une vie heureuse, dans une dimension semblable à la tienne, où on ne juge pas le look, où il n’y a pas de malheureux, ni de crise économique ! Je… Je ne voulais vraiment pas que tu atterrisses à Colorstone !

Anthony parut soulagé de cette réponse. Raven avait l’air sincèrement désolée, ou alors elle jouait très bien la comédie.

— Et où est donc la sortie de cette dimension horrible ?

4

— Ce n’est pas si simple, pour sortir d’ici, tu dois ressentir l’inverse des émotions de ces lieux ! Essaya d’expliquer Raven, tu dois te sentir pleinement, pleinement heureux, pour retrouver notre dimension et ton âge initial ! Par contre, si tu avais bien été à Happytown, ça aurait été le contraire : tu aurais dû éprouver un profond désespoir pour repartir !

— Et comment être pleinement heureux au Carnaval des horreurs ? Ironisa Anthony, en chantant de belles chansons ?

— Cela dépend uniquement de ton ressenti ! Insista bien Raven.

Anthony aimait Raven. Mais, même s’il l’embrassait ici, il ne ressentirait pas le bonheur complet, surtout dans un monde multicolore ou des clowns et goules psychopathes s’en prenaient aux gens. Il eut alors une drôle de pensée. Il regarda Raven bien dans les yeux.

— As-tu pensé à des miroirs ?

— Comment cela ? S’étonna Raven, qui ne comprenait pas du tout où Anthony voulait en venir, tellement cela paraissait hors sujet.

— Tu me dis que tout est « inversé » dans cette dimension !

Avant qu’elle ait pu répondre, ils entendirent les horribles élèves et le prof qui revenaient. Avec un sourire mauvais, ils bondirent sur eux. Anthony et Raven réussirent à s’écarter mais la meute, qui avaient dû sentir qu’ils étaient différents, reprirent la poursuite.

— Non ! Où est l’issue ? Sanglota Raven. La porte de la classe avait manifestement été fermée à clef.

— La fenêtre !

Anthony et Raven n’eurent pas le temps de l’ouvrir. Dans la panique, ils sautèrent dans le vide ! Les vitres se brisèrent en mille morceaux.

— Les reflets ! Réalisa Anthony. En voyant leurs faces grimaçantes dans les reflets, même les créatures prirent peur. Raven et Anthony furent alors à nouveau aspiré dans cet étrange vortex multicolore et ils se retrouvèrent à la bibliothèque, de là où ils étaient partis. Anthony semblait bel et bien avoir retrouvé son âge, ainsi que Raven.

— Mais d’où vous sortez tous les deux ? Lâcha la femme de ménage qui ne s’attendait certainement pas à voir deux personnes tomber du plafond.

— Euh… C’est une brillante déduction ! Improvisa Anthony alors que lui et Raven couraient maintenant dans le couloir. Ils reprirent le souffle et s’arrêtèrent quelques mètres plus loin.

— J’espère qu’un jour les prisonniers humains de Colorstone seront libérés ! S’inquiéta Anthony.

— Je m’en assurerais de mon mieux, promit Raven la main sur le cœur, alors, je t’emmène à Happytown ?

— Je pense que je me ferais à ma vie maintenant, elle n’est pas si mal après ce que nous venons de traverser !

Et Anthony l’embrassa. Maintenant qu’ils avaient connus le pire, il ne pourrait rester que le meilleur, autant rester dans cet optimisme. Il restait pourtant ici une mission pour Anthony : faire des pétitions contre les cirques de la ville. Il le sentait, il le savait : il aurait désormais des amis à ses côtés. Au fait, avait-t-il offert le cadeau d’anniversaire pour sa mère ? Il se souvenait : c’était une tasse avec une image de clown ! Il espérait sincèrement que non !

Contrainte 1 Une catapulte

UN JEU D’ENFANT

Cette nouvelle n’est plus disponible dans sa version « Match ». Nous l’avons retirée de notre site à la demande de l’auteur, que nous félicitons chaudement!
Une version retravaillée est disponible dans Bifrost n° 89

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