« Cycle du Porteur de Mort » d’Angel Arekin

Un lien puissant unit les deux cousins, Seïs Amorgen et Naïs. Un amour trouble, que tous deux s’interdisent. D’autant que le premier est plus âgé de deux ans que sa protégée, orpheline, qu’il a sauvée, enfant, d’une mort certaine lors d’une tempête.

À dix-sept ans, Seïs est déjà presque un homme. Il traîne dans les bordels de Macline et trafique avec la pègre locale, au désespoir de ses parents, qui mènent la vie rude des paysans, aidés par leurs deux autres fils, Teichi et Fer, lequel jalouse la liberté de Seïs. Par vengeance, il l’inscrit en secret sur la liste de sélection des nouveaux apprentis Tenshins.

Or, cela fait plusieurs siècles que la Confrérie de Mantaore n’a plus choisi de nouveau membre. Peu nombreux mais très puissants, les Maîtres sont des guerriers d’exception au service de la Couronne d’Asclépion, dont ils sont en réalité les véritables dirigeants. S’ils élisent de nouveaux Tenshins, cela signifie que des temps troublés s’annoncent.

Sans doute les attaques de plus en plus fréquentes des convois de marchandises par les Foulards Rouges n’y sont pas étrangères. Ou bien le Renégat, qui a fondé son propre duché à l’Est et nargue le royaume depuis près de deux mille ans, prépare-t-il une offensive d’envergure ? Seïs s’en moque pas mal, il a ses petites affaires à mener… Jusqu’au moment où le légendaire Tel-Chire d’Elisse se présente chez ses parents pour le prendre comme apprenti. Il refuse d’abord, incapable de croire qu’on ait pu choisir un vaurien comme lui, mais devenir puissant et éternel n’est pas sans attrait…

Le premier volume conte cet apprentissage de cinq années, le second l’attaque du Renégat, alors que Seïs vient d’achever sa formation et que Naïs voit toute son existence bouleversée et le troisième nous montre la fin des certitudes de Seïs et de Naïs. La narration est menée à la première personne, et l’on suit en alternance Naïs et Seïs (avec de loin en loin un autre point de vue, plus mystérieux, écrit en blanc sur des pages noires, et dont on devine qu’il est lié aux aventures de Seïs et Naïs, mais situé dans un lointain passé ou un lointain avenir).

Les deux cousins vont chacun à leur manière devoir se former, perdre leurs illusions et progressivement découvrir le monde, s’émanciper et accepter qui ils sont vraiment. Ce cycle qui comprend encore au moins deux autres volumes publiés chez Plume Blanche doit en compter six en tout. S’il relève de l’héroïc fantasy et arpente à son tour la route si fréquentée par le genre du roman de formation, il parvient toutefois à nous intéresser à ses personnages, dont on suit les aventures et les émois au plus près, au point qu’on retrouve ici l’une des caractéristiques du Young Adult, tendance bit-lit  : l’incapacité adolescente des protagonistes à assumer, déclarer et vivre leurs désirs et leurs passions sexuelles.

Néanmoins, comme les épisodes plus « adultes » ne manquent pas au fil des pages, le contraste est assez rafraîchissant et empêche l’ensemble de sombrer dans la mièvrerie ou de devenir franchement agaçant. L’autrice la joue d’ailleurs finement, en multipliant les obstacles narratifs entre Naïs et Seïs, au point de leur dessiner un chemin, sinon tragique, du moins dramatique qui ne les épargne guère. Ce qui bien sûr nous les rend très attachants.

D’autant plus que tous deux ne cadrent pas avec les stéréotypes des héros de fantasy et s’efforcent de prendre en main leur destin, alors qu’ils ne maîtrisent pas grand-chose. La famille Amorgen est décidément très riche en potentiel magique… On pourra regretter le peu de détails et de crédibilité avec lequel est traité l’apprentissage des Tenshins, mais on appréciera le renouvellement du mythe du vampire, complètement métamorphosé (au point qu’il n’est jamais question de vampires, même si l’on retrouve chez certains êtres des traits qui y font furieusement penser).

Ces romans valent aussi pour les réflexions — intérieures et mises en scène — sur la différence entre immortalité et éternité, sur le pouvoir, la corruption et la violence, sur la sexualité et l’amour, les sentiments et la famille, sur la loyauté, la confiance, la vérité et le mensonge. Autant de thèmes traités de manière juste et sensible, à travers le prisme de deux consciences dont l’humanité est bien rendue par Angel Arekin.

On attendra la fin du cycle pour juger de la cohérence globale de l’intrigue, de l’univers et de la magie, laquelle pour l’instant semble multiple et hétérogène. Malgré les défauts ou les faiblesses que révèle l’analyse a posteriori, ces romans se lisent d’une traite grâce à un style fluide et visuel. On est pris d’intérêt pour les personnages et emporté par l’intrigue qui reprend et synthétise aussi bien des éléments de culture asiatique que des motifs plus connus du genre.

Chronique de François ‘767’ Manson

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L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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