S’il est des parfums « frais comme des chairs d’enfants », celui qu’exhale le court roman de Pénélope Labruyère (éditrice de La Madolière) n’en fait pas partie. Il serait plutôt du genre « corrompu, riche et triomphant » ne se refusant ni un érotisme torride (qui flirte avec Éros ou Thanatos) ni des scènes sanglantes d’une cruauté précise.
L’argument de départ puise aux grands classiques du roman ou plutôt de la nouvelle fantastique : dans un souk, Marc, un touriste français, achète d’un objet de nature magique et malgré les mises en garde, fait exactement ce qui peut le mener à sa perte.
On se soucie finalement assez peu du sort de cet homme, quintessence de machisme et d’arrogance, caricature du touriste occidental dont l’argent est l’unique horizon. Chaque fois qu’on le rencontre, on a droit à une rencontre érotique et destructrice qui le fait descendre d’un degré vers la fin inéluctable. Ce n’est pas sur lui que portent les interrogations majeures du texte. La grande question, c’est de savoir comment un flacon dont le contenu devait être lié à un érotisme de vie et de fécondité va devenir par le biais du deuil et de la folie le réceptacle d’un érotisme destructeur. Et quels liens relient à travers les siècles un couple d’alchimistes du Moyen-Âge, Lawrence d’Arabie et les Templiers.
Le récit croise habilement les différents fils directeurs, orientés du passé vers le présent par une succession de scènes, alternant les souvenirs avec le récit contemporain. Lequel remonte le temps par le biais de l’enquête désespérée menée par le protagoniste, et par sa sœur, personnage sympathique qui par ricochet humanise un peu son abruti de frère. Car malgré la cruauté générale du propos, la tendresse humaine n’est pas absente du récit, qu’elle se manifeste par l’amour d’un couple, la sollicitude fraternelle ou l’amitié.
Bref, bien que ce roman ne soit pas exempt de défauts (écriture un peu négligée, structure un peu répétitive), il offre aux lecteurs suffisamment de moments attachants ou bouleversants, présente assez d’intérêts variés, qu’on soit sensible à l’érotisme, à l’ésotérisme, à l’exotisme, ou au fantastique, pour qu’on n’en regrette pas la lecture.