Ce très beau livre bénéficie des illustrations de Robida, dessinateur célèbre, journaliste et romancier passionné par l’anticipation. Le roman se situe à une époque indéterminée, à la fois contemporaine de l’écriture (1908) et décalée, car faisant intervenir une technologie futuriste pour l’époque.
C’est d’ailleurs son principal intérêt : nous faire découvrir comment nos arrière arrière-grands-parents imaginaient leur futur, notre présent. Son univers est proche du steampunk. On emploie couramment l’électricité. On communique à distance sans problème. L’aéronautique s’est développée, certes au niveau du dirigeable, mais un ingénieur américain sans scrupules assure la promotion de son invention, une espèce de tortue volante métallique, par des bombardements.
Il est question aussi d’autoroutes, de sous-marins, de tunnels, d’explosifs, etc. Car le titre le dit bien, il est surtout question de guerre. Là encore, on peut admirer la prescience de l’auteur. Cette guerre qu’il raconte, totale, impitoyable, engageant plusieurs états sur la planète, où l’on bombarde des villes ouvertes, où l’on croit par l’excès de barbarie rendre impossible toute guerre ultérieure, préfigure la boucherie de 14-18, mais tout autant celle de 40. Le narrateur, journaliste à L’An 2000 a tous les préjugés de son époque. Contre l’Allemagne, ennemi féroce et conquérant. Contre ces traîtres de pacifistes, assimilés aux terroristes.
Il est persuadé de la supériorité de l’homme blanc en général, français en particulier. Très irritante, cette fermeture d’esprit est néanmoins plus révélatrice que tout texte théorique de l’esprit revanchard présidant au départ pour la « der des ders ». Pourtant le narrateur est moins obtus qu’il n’y paraît. Les rêves génocidaires d’un ministre l’horrifient. À chaque bombardement aérien, il pleure sur les civils, sur les œuvres d’art et sur les monuments anéantis.
Hélas, la technique narrative résiste mal à l’épreuve du temps. Pierre Giffard ne réussit pas aussi bien que Jules Verne, qu’il imite visiblement, à rester lisible malgré de très longues explications technico-pseudo-scientifiques. Son style désuet et emphatique pourrait amuser et intéresser au deuxième degré, mais il sacrifie trop la narration à la description. Les concours de circonstances sont peu crédibles. Les tribulations et multiples déplacements du narrateur dispersent l’intérêt. Mais si ce roman est loin d’être un chef-d’œuvre, il révèle beaucoup sur la mentalité de nos ancêtres, et aussi sur l’ancêtre de la SF : le merveilleux scientifique.
Chronique de Marthe ‘1379’Machorowski