Rarement un roman de SF français aura autant fait parler que cette Horde du contrevent, qui cumule avec bonheur les originalités. Un marque-page (dans la version poche) qui aide à se souvenir des symboles désignant les différents membres de la horde (le rabat de la couverture remplit le même office en grand format), un décompte des pages « à l’envers » – comprenez que l’on commence à 700 et que l’on finit à 1 –, et même, en grand format, un CD d’accompagnement musical qu’il vaut mieux écouter après avoir tout lu… Oui, mais ça, dira le lecteur, c’est de la forme, de l’esbroufe. Qu’en est-il du contenu ? Eh bien, celui-ci s’avère aussi original que ces détails le laissent supposer.
L’univers est une planète balayée par un vent inconstant, mais unidirectionnel, au point que pour les habitants de ce monde, les points cardinaux principaux sont l’aval, là où va le vent, et l’amont, là d’où il vient.
De par l’effroyable violence des vents au fur et à mesure que l’on se déplace vers l’amont, la peu nombreuse vie humaine qui réussit à vivoter tant bien que mal sur ce monde n’est jamais parvenue à atteindre la source du vent ; cet « Extrême-Amont » tourne à l’obsession, et un ordre s’est créé dont le but est, une fois par génération, d’envoyer une Horde d’une vingtaine d’hommes et de femmes qui, rassemblés en pack, « contrent » le vent et tentent de franchir tous les obstacles, parfois humains, car tous ne voient pas d’un bon œil l’éventualité que l’on puisse atteindre un jour l’endroit légendaire…
Malgré une assez grosse attente de la part du lecteur, ce roman ne déçoit absolument pas à la lecture, ce qui constitue en soi un tour de force. Mais pour l’apprécier, il faut être prêt à lutter ! Le passage d’un personnage à l’autre est quasi-permanent, un membre de la horde a droit à une ou deux pages, le lecteur est dans sa tête, ou dans son journal intime, et hop, il vit la même scène du point de vue d’un autre personnage complètement différent !
C’est déstabilisant, mais en même temps complètement fascinant, comme durant cette scène d’introduction fabuleuse, où nous plongeons au cœur de cette trente-quatrième horde, confrontée à un furvent, la plus forte tempête qui se puisse rencontrer sur cette autre Terre.
Là, l’écrivain débutant prend une énorme leçon de narration et de style, devient humble et un fait s’impose à lui concernant l’auteur, Alain Damasio : il a tout compris sur comment faire pour happer un lecteur.
Passées les cinquante premières pages, même si l’histoire contient parfois quelques longueurs et passages moins intéressants, le niveau reste extrêmement élevé. Les personnages principaux, au nombre de sept ou huit au sein des vingt et un de la Horde, sont très bien développés et attachants, chaque mort est ressentie comme une déchirure, jusqu’à un final… mais chut, ne dévoilons rien.
Qu’il suffise de dire qu’avec La Horde du contrevent, Damasio a sans doute sorti un des romans d’imaginaire les plus marquants de ces dix dernières années, toutes nationalités confondues.
Chronique d’Olivier ‘1091’ Bourdy
Nous en pensons
Notre avis
4,5
Malgré une assez grosse attente de la part du lecteur, ce roman ne déçoit absolument pas à la lecture, ce qui constitue en soi un tour de force. Alain Damasio a tout compris sur comment faire pour happer un lecteur et a sans doute sorti un des romans d’imaginaire les plus marquants de ces dix dernières années, toutes nationalités confondues.